[TRIBUNE] Le partenariat Europe-Afrique est-il viable?
À quelques jours (les 17 et 18 février à Bruxelles) du sommet Union européenne-Union africaine, force est de constater que le partenariat entre ces deux entités n’a pas démontré son efficacité. La conjoncture actuelle le prouve : difficultés économiques de plus en plus accrues, défiance exacerbée à l’égard d’un pays comme la France, vague d’émigration de jeunes désespérés vers une Europe encore convalescente.
Les deux continents liés par l’histoire et la géographie ont raté leur marche commune. La coopération n’a pas réussi à éviter à l’Afrique, malgré ses nombreuses richesses, des contre-performances réelles. L’une des occasions manquées semble liée à l’incapacité du vieux continent à développer une prospective intelligente consistant à prendre l’Afrique comme un partenaire stratégique respectable avec qui développer des complémentarités. A l’instar du plan Marshall américain pour l’Europe.
Il est fortement espéré que le prochain sommet enclenchera une rupture salvatrice dans l’état d’esprit et les méthodes du partenariat. Plus que les déclarations diplomatiques préétablies, il s’agira de s’attaquer aux vrais problèmes de la coopération et de trouver un nouveau vocabulaire, de nouveaux concepts et des orientations novatrices dans la relation. Un diagnostic du bilan permet de mettre en évidence les constats ci après.
Premièrement, l’Aide publique au Développement (APD) que nous souhaitons désormais voir remplacer par le concept de Placements Financiers Calculés (PFC) n’a pas été une solution au développement de l’Afrique, malgré les 161 milliards de dollars annoncés par l’OCDE, dont la moitié comptabilisée au profit de notre Continent ; une aide ciblée suivant les priorités européennes, inefficace, peu porteuse de développement et dont une bonne partie est dévoyée et recyclée à l’extérieur (plus de 50 milliards de dollars annuellement selon la Commission Economique pour l’Afrique).
Deuxièmement, les stratégies de coopération ont laissé en rade des domaines importants comme de solides alliances industrielles de complémentarité assorties de transferts massifs de technologie. Résultat : de faibles capacités de transformation des matières premières locales, peu de valeur ajoutée dans l’exportation des produits tropicaux, chômage endémique, émigration. Pourtant, une synergie réfléchie gagnant-gagnant est bien possible, l’Afrique recélant des matières premières abondantes, un dividende démographique, une main-d’œuvre bon marché, une connaissance réelle du terrain, un potentiel foncier considérable et de véritables relais de croissance. L’Europe de son côté, prenant avantage sur la technologie, ses capacités d’organisation et les financements.
Troisièmement, les difficultés notées dans la finalisation d’accords de partenariat économiques (APE) déséquilibrés, malgré les pressions européennes, reflètent l’avènement d’un nouvel état d’esprit du côté africain. L’Europe doit se rendre compte de cette nouvelle donne irréversible. Son partenaire du XXIe siècle représente une Afrique décomplexée.
Quatrièmement, l’Europe, tôt ou tard, aura à vider une équation de plus en plus gênante dans ses relations avec l’Afrique : le cas français et la défiance de plus en plus grande vis-à-vis des comportements de ce pays, très souvent décalés par rapport aux réalités du moment, font naître dans la jeunesse africaine une nouvelle exigence. Le modèle politique et économique français ne réussit pas à l’Afrique.
Cinquièmement, l’Union européenne a fait preuve jusqu’ici d’une passivité peu comprise par l’opinion publique africaine dans les questions relatives au déficit de gouvernance.
Il faudrait ramener la confiance en trouvant des solutions viables aux contentieux en cours : non restitution des avoirs de pays africains gelés par l’Europe, des biens culturels confisqués et des fortunes mal acquises par des dirigeants africains condamnés en Europe. L'Europe doit aussi changer son regard sur l’Afrique en considérant cette dernière comme un véritable partenaire et cela passe par des actes symboliques forts comme l’introduction dans le système éducatif européen d’une langue locale couramment parlée en Afrique, comme le Swahili, l’arrêt des différentes formes de harcèlement culturel au nombre desquels la promotion de valeurs aux antipodes du vécu religieux de l’Afrique, et cette tendance à toujours présenter à l’opinion publique européenne le Continent comme une terre de misère en occultant exprès ses success stories.
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17 commentaires
Bien sûr que c’est viable, tant qu’on leur donnera des sous!
C’est bien connu: l’argent des pauvres des pays riches va aux riches des pays pauvres!
A chacun ses problèmes. Si la France a manqué de masques au début de la pandémie, ce n’est pas la faute de l’Afrique. Mais si l’Afrique fait peu de valeur ajoutée sur ses matières premières, ce n’est pas la faute de la France. Et si Madagascar, grand comme la France + la Belgique a 20 fois moins de touristes que l’île Maurice, ce n’est pas la faute de la France. Avec une démographie galopante alors que l’on peine à fournir de l’eau et produire de l’électricité on ne risque pas de se développer.