Même s’il se définit plus comme « mélenchoniste » qu’« insoumis », Andréa Kotarac, conseiller régional LFI en Auvergne-Rhône-Alpes, est un véritable insoumis, tel qu’en témoigne son entretien dans le numéro d’Éléments à paraître le 17 mai prochain.

Ce jeune trentenaire a déjà fait parler de lui en se rendant, le 18 avril dernier, à Yalta, en Crimée, à l’occasion d’une sorte de sommet des pays non alignés, organisé par la Russie. Là, entre autres personnalités, il se retrouve à côtoyer Marion Maréchal et Thierry Mariani. Il n’en faut, évidemment, pas plus pour que les médias commencent à instruire son procès en populisme.

À L’Obs, il explique : « Lorsque vous êtes invité à l’étranger, soit vous vous y rendez, soit vous déclinez. L’hypothèse de choisir qui est autorisé à être invité en vous envoyant la liste préalablement n’existe que dans l’imaginaire des donneurs de leçons professionnels. » Côté mélenchoniste, ça tousse, on tente de « recadrer » le trublion. L’affaire pourrait paraître anodine si elle n’était révélatrice d’un mouvement tiraillé entre populistes de gauche et gauchistes sociétaux.

Ainsi, peut-on lire dans L’Opinion du 8 mai dernier : « Cette oscillation entre deux lignes politiques a déjà causé plusieurs départs parmi les figures souverainistes de LFI. Pour ces derniers, la désignation de l’ancienne porte-parole de l’ONG Oxfam, Manon Aubry, comme tête de liste a signifié le renoncement à la stratégie populiste au profit d’un recentrage vers un électorat de gauche plus traditionnel. » Au cœur de ce débat interne, il y a aussi la question migratoire. Pour l’avoir abordée en des termes rompant avec l’angélisme habituel d’une certaine gauche morale, Djorje Kuzmanovic, chargé des questions internationales chez les Insoumis, est poussé à la démission.

Andréa Kotarac, son ami, en dit un peu plus dans Éléments : « Jean-Luc a posé les bases du débat en expliquant que “l’immigration est une souffrance”. Djorje l’a terminé à sa manière en expliquant qu’il fallait l’abréger en “asséchant les flux”. » Et de poursuivre : « L’immigration étant un flux, la situation sociale de tous ne s’arrangera pas si l’on n’agit pas sur les causes de l’immigration, en contraignant l’oligarchie, de façon à permettre aux personnes de vivre dignement chez elles sans risquer leur vie. »

Cela, Le Pen père et fille le serinent depuis des décennies, tandis que Jean-Luc Mélenchon commençait à le dire à son tour, avant d’être manifestement effrayé par sa propre audace, ou certains de ses cadres les plus proches, plus probablement. À propos de « l’oligarchie » évoquée par Andréa Kotarac, il précise que le « gauchisme » en est « l’arme » actuelle. Une méfiance vis-à-vis de ce « gauchisme » qui s’explique peut-être par un facteur plus familial que strictement politique : « Mes origines serbes me permettent d’attirer l’attention sur les risques de balkanisation sociétale. Mes origines iraniennes de résister à la tentation de la diabolisation ambiante. »

Alors, que faire ? Demeurer à LFI pour tenter d’y sauver ce qu’il en reste d’aile souverainiste ? Ou… Dans ce même mensuel, il tranche le nœud gordien : « Mon choix est fait : je voterai pour la liste menée par Jordan Bardella et Marine Le Pen. Je suis d’autant plus à l’aise qu’ayant rencontré la présidente du Rassemblement national, je suis assez en phase avec sa fibre sociale et son attachement au caractère indivisible de la nation française. » Voilà qui est sans équivoque.

Et, histoire de donner plus d’impact à ce ralliement, certes inattendu, mais logique finalement, il réitère son appel à voter Jordan Bardella sur BFM TV. Non sans courage, d’ailleurs, affirmant que « la mort sociale » l’attend au sortir du plateau, lui qui fut membre de l’état-major de Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle de 2017 et dont ce dernier assurait qu’il était l’un des principaux cadres en devenir de LFI.

Un homme qui assume donc. C’est rare, par les temps qui courent.

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14 mai 2019 à 20:33

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