Tony Blair, chevalier de la Jarretière : une nomination controversée

La Légion d’honneur d’Agnès Buzyn éclipse l’événement : Tony Blair, ancien Premier ministre travailliste de Sa Gracieuse Majesté, va être admis dans le très noble ordre de la Jarretière, l'ordre le plus élevé du Royaume-Uni. Quatorze ans après avoir quitté le pouvoir. Il faut savoir être patient avec la reine. La décision de la souveraine, décision qu’elle prend seule et sans l’avis du Premier ministre, a été faite à l’occasion du 1^er janvier, alors qu’en général, les nominations sont annoncées le 23 avril, pour la Saint-Georges, patron de l’ordre. Désormais, on appellera l’inventeur du titre de « princesse du peuple » pour la princesse Diana « Sir Tony ». Ainsi en a-t-il décidé, préférant son diminutif à son vrai prénom, Antony. Probablement sa touche personnelle et moderniste ou, si vous voulez, personnaliste et moderne, en entrant dans cet ordre très ancien et très sélect.

Très ancien car fondé en 1348, durant la guerre de Cent Ans par le roi Édouard III Plantagenêt. C’est, actuellement, le plus vieil ordre de chevalerie subsistant. En effet, l’ordre de la Toison d’or, divisé aujourd’hui en deux branches (l'autrichienne avec, pour grand maître, Charles de Habsbourg-Lorraine, prétendant au trône d'Autriche, et espagnole avec, pour grand maître, le roi d'Espagne) fut créé presque un siècle plus tard, en 1430, par le duc de Bourgogne Philippe le Bon.

Très sélect, car les effectifs de cette compagnie sont très restreints : outre la reine et le prince Charles, membres d’office, quelques personnes de la famille royale (huit actuellement, la dernière en date étant la duchesse de Cornouailles, épouse du prince de Galles, nommée le même jour que Tony Blair), comme la princesse Anne et le prince William, et quelques souverains étrangers, comme le roi Philippe VI d’Espagne, l’ordre ne peut compter que vingt-quatre chevaliers compagnons. Cinq places étaient jusqu’alors vacantes. La nomination de Tony Blair va pouvoir ainsi dégager la voie pour Gordon Brown, David Cameron et Theresa May, qui attendent sans doute leur tour, car la coutume veut que les anciens Premiers ministres soient reçus dans l’ordre en respectant l'ordre chronologique de leur présence au pouvoir. Le prédécesseur de Tony Blair, John Major, lui, avait été admis en 2005, huit ans après avoir quitté le 10 Downing Street. On peut s’étonner, d’ailleurs, que la reine ait tant attendu pour procéder à la nomination de Blair. Est-ce à mettre sur les relations tendues qu’il avait eu avec la reine durant ses dix années au pouvoir, et plus particulièrement lors de la mort de Lady Diana en 1997 ?

En tout cas, cette nomination n’est pas sans soulever des remous, puisqu’une pétition pour demander à la reine qu’elle revienne sur sa décision a déjà réuni plus de 210.000 signatures sur Internet. On y reproche à Tony Blair d’avoir entraîné le Royaume-Uni dans la guerre (Irak). Il est vrai que le rapport (6.417 pages !) de la commission d’enquête dirigée par Lord Chilcot, rendu en 2016, avait été particulièrement sévère envers celui qui fut le plus jeune Premier ministre britannique depuis 1812 : « La responsabilité de Tony Blair, manœuvrant à la limite du cadre légal et de la légitimité politique dans une fidélité aveugle à son allié George Bush, est accablante. Sans toutefois qu'il soit directement accusé de mensonges ou de crime », avait noté Le Figaro.

Il est vrai que la devise de l’ordre de la Jarretière est, rappelons-le, « Honni soit qui mal y pense » et non « Honni soit qui mal y ment »…

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