Tirs de mortier et bandes rivales : même à Versailles…

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La scène est emblématique, car elle se déroule à Versailles. Une ville surnommée « Catholand », l’un des derniers refuges - entre « Mois Molière » et « Esprit jardin » - d’un certain art de vivre à la française. L'ultime rempart, dans l'imaginaire collectif.

Femmes de militaires en colère

La réunion publique de ce 15 mai dans la maison de quartier de Chantiers a fait l’objet de peu de publicité, mais de nombreux riverains s’y pressent. Face à eux, debout en rang d’oignons, le maire, la procureur, des représentants des polices nationale et municipale, des responsables de divers services de la mairie. La tension est palpable, le public, dans sa majorité, remonté comme une pendule.

À l’origine de cette « rencontre », une violente rixe, fin avril, dans le square arboré avoisinant, à l’heure des sorties d’école, quand les mères de famille de la résidence militaire toute proche emmènent leurs enfants goûter et faire de la balançoire. Ce n’est pas la première fois qu’une confrontation entre bandes de « jeunes » a lieu, dans ce quartier de logements sociaux où l’on ne compte plus les signalements pour vols, dégradations, trafics de drogue… Des témoins rapportent même que lesdits jeunes « s’emparent des trottinettes des enfants pour s’en servir comme armes ». Mais ce 25 avril, les familles présentes dans le parc ont vraiment paniqué : tirs de mortier, affrontements au couteau, bâton et barre de fer, un jeune de 17 ans gravement blessé… Une pétition de quartier - qui a rassemblé, à ce jour, près de 1.300 signatures - relate les faits et dénonce une « situation alarmante ». Cette pétition exigeait, entre autres, cette réunion publique.

Pour Versailles, les résidences militaires sont précieuses : un maillage social de familles tranquilles, souvent nombreuses, avec de jeunes enfants, qui consomment, peuplent les écoles, les clubs sportifs, etc. Versailles compte environ 2.000 logements militaires, dont 1.400 pour les gendarmes dans le quartier de Satory, et 600 répartis près de la gare des Chantiers, au milieu d’autres logements sociaux. Ceux qui connaissent ce quartier, à forte composante immigrée, ont coutume de dire qu’entre les activités scoutes, les sorties de l’école privée Sainte-Agnès et le parvis de la paroisse Sainte-Élisabeth de Hongrie, ces militaires ré-insufflent du « Versailles » dans un quartier qui y ressemble de moins en moins.

Mais pour ces épouses de militaires, qui se réjouissaient de pouvoir habiter cette belle ville historique, c’est la douche froide : « On a dit à mes enfants de dégager, que ce n’était pas leur territoire », témoigne l’une d’elles, ulcérée. « Des voyous entrent par effraction dans nos parkings et volent les vélos, cassent les boîtes aux lettres », rajoute une autre. « Nos maris sont des serviteurs de l’État, c’est tout le cas que l’on fait de leur famille ? », renchérit la première, à l’adresse du maire. Est-il besoin de préciser que les militaires eux-mêmes, entre OPEX, Sentinelle et missions diverses, sont souvent absents ?

« Sales Français ! »

Mais les femmes de militaires ne sont pas les seules à exprimer leur courroux : une jeune riveraine, mère de famille elle aussi, se lève pour expliquer qu’elle a été insultée avec sa famille dans la résidence où elle habite - « Sales Français ! » notamment -, y compris par de tout jeunes enfants. Elle dit avoir reçu, avec sa fille de 3 ans, des jets de ballons et de cailloux. Elle a déposé des mains courantes, alerté le bâilleur… sans succès, selon elle. « Je pourrais me défendre, glisse-t-elle, avant de se rasseoir, car j'ai fait de la boxe française. Mais si je riposte, on m’enlèvera ma licence. »

Après la rixe dans le parc, une dizaine de jeunes ont été arrêtés - tous mineurs. L’enquête suit son cours. La procureur, Maryvonne Caillibotte, dédramatise. Elle évoque l’évasion dans l’Eure, quelques jours plus tôt, du trafiquant Mohamed Amra, avec ses deux victimes : les Versaillais ne sont pas si à plaindre ! Du reste, elle fait comprendre qu’elle ne peut pas faire de miracles : une trentaine de magistrats, seulement, pour couvrir toutes les Yvelines. Un riverain lui suggère d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs. Elle lui rétorque en souriant que ses propres enfants seraient pénalisés. Une femme de militaire s’insurge : « À 12 ans, nos enfants ne traînent pas dans la rue à 23 heures ! » Mais la question ne sera plus évoquée.

Le maire, François de Mazières, est moins désinvolte, semble même contrarié, mais fait montre de son impuissance. Il évoque des enfants « qui se sont laissés entraîner » (par qui ?), des familles désintégrées, des parents dépassés. Il convient, avec le bâilleur social de la Sablière - ICF Habitat - d’où viennent tant de problèmes, qu’expulser les familles gâchant la vie des autres serait « très compliqué ». On comprend, en filigrane, que rien ne sera tenté.

Tout au plus la police municipale promet-elle de faire plus de rondes dans le quartier. Provisoirement, sans doute. Car d’autres quartiers de Versailles « craignent ». Celui de Jussieu-Petits-Bois, bien sûr, enclavé au fond du quartier Montreuil, qui a déjà attiré des policiers dans un guet-apens, et même, à présent, les quartiers « rive droite » ou « des Prés », réputés les plus chics de Versailles : avec la loi SRU, les logements sociaux, avec leur cortège d’incivilités, comme on dit pudiquement, ont été disséminés dans toute la ville.

La loi SRU contre « l'entre-soi »

Il faut dire que l’ancien maire de Versailles, Étienne Pinte, a foncé tête baissée dans cette loi SRU : « En 2000, lorsque le gouvernement de Lionel Jospin fixe dans la loi l’objectif de 20 % pour toutes les villes de plus de 3.500 habitants, M. Pinte dit banco. » Avec une prédilection pour les immeubles huppés, qu’il achète afin de les transformer en logements sociaux. C’est, par exemple, sous son impulsion que « l’hôtel de Montchevreuil, sa façade directoire et ses fenêtres à crémones, son escalier Louis XIV et ses menuiseries, se [transforme] en HLM comprenant trois T1 et trois T2 ». Quant à son successeur, François de Mazières, il a voulu lui aussi « construire des HLM contre l’entre-soi ». Pour lui, « Versailles n’est pas qu’une ville bourgeoise, elle a aussi une tradition sociale forte ». Ce taux de 20 % a d’ailleurs été porté à 25 % par la loi Duflot de 2013.

Pour une fois, la responsabilité de cet appel d'air migratoire à marche forcée ne revient pas au clientélisme d’extrême gauche, comme en Seine-Saint-Denis : Étienne Pinte et François de Mazières sont de droite (à la dernière présidentielle, Mazières a soutenu Valérie Pécresse au premier tour, Emmanuel Macron au second). Comment l'expliquer autrement que par le complexe d'une bourgeoisie catholique progressiste soucieuse de se faire pardonner par procuration son aisance en imposant, avec irénisme, la mixité sociale aux plus modestes de ses concitoyens (avant d'être, elle-même, rattrapée) ?

Pour Bernard Devert, prêtre lyonnais septuagénaire, président-fondateur d’Habitat et Humanisme Urgence - dont l’une des missions principales et objet est l’hébergement (entre autres services) des migrants et demandeurs d’asile, notamment à travers la réfection de patrimoine religieux -, la loi SRU, unique en Europe, a été un « formidable accélérateur de la transformation sociale ». Comment lui donner tort ? Versailles s’est, en effet, très vite « socialement transformée ». Sauf que l’exclusion, l’entre-soi, ce ne sont pas les Versaillais historiques qui en font montre, aujourd’hui, mais de nouveaux arrivants qui veulent « vivre ensemble », mais pas avec les autres.

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

41 commentaires

  1. Et oui ! le « vivre ensemble » est une vue de l’esprit. Les français sont sommés d’accepter l’arrivée dans leur pays, de gens à qui rien n’est demandé en retour de cet accueil généreux qui nous coûte un « pognon de dingue » ! Merci qui ? Versailles n’est qu’une « éprouvette » de plus dans le grand laboratoire européen de la mixité heureuse.

  2. Les élus derrière leurs écharpes tricolores, les FDO dans leurs uniformes ne sont que les représentants de cet état défaillant, circulez il n’y à rien à voir.

  3. La France est vraiment soumise aux gouvernement d’incapables et d’impuissants soumis … Nous vivons une honte au niveau mondial comme au niveau individuel.

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