[TÉMOIGNAGE] Brevet 2025 : une correction si « bienveillante »…

Les consignes de correction sont si laxistes et mensongères, par bienveillance, qu'elles sont à détruire impérativement.
Photo Pexels / Pixabay
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BV vous propose ici, avec le témoignage de l'enseignante Clarence Ménard, de découvrir la réalité des consignes données aux correcteurs du brevet. Édifiant, pour le moins...

J’ai corrigé le brevet de maths 2025. Le dernier, paraît-il (avant la future contre-circulaire), dont l’obtention ne conditionne pas le passage en seconde. C’était sans doute le brevet le plus facile depuis des années, de l’avis même des élèves les moins impliqués dans leurs révisions. La plupart des réponses étaient données dans les questions selon la formulation désormais classique « Démontrez que f(x) = machin », plutôt que le « donnez la valeur de f(x) » de nos jeunes années… La démarche sera la même et cela permettra aux plus laborieux de faire quand même les questions suivantes, nous explique-t-on.

Aucune difficulté, donc, dans aucun exercice sauf, peut-être, une question sur les 25… L’inénarrable QCM sans nécessité de justification était noté 18/100, ce qui permet au plus chanceux de récupérer 20 %, ou presque, sur un coup de dé à 4 faces (on aimerait qu’ils disent un « dé tétraédrique », même eux trouveraient ça plus « stylé », mais on les prend pour des débiles, alors, leur enseigner les jolis noms grecs des solides, ça serait trop élitiste). Je partais donc vers cette très pénible épreuve de correction dans un bâtiment postmoderne sous canicule entourant une cour ni genrée, ni arborée, équipée de ventilo et de brumisateur, naïve encore, pensant que l’extrême facilité du sujet allait mettre en avant les compétences de lecture, de rédaction, de démonstration dont on nous a tellement rebattu les oreilles.

Cachez ces consignes qu'on ne saurait voir

Des bataillons d’inspecteurs expliquent, en effet, depuis des années aux vilains profs réacs que nous sommes que les notes n’ont pas de sens et que seules les compétences doivent être évaluées. Sachez d’ailleurs, pour l’anecdote, que ces compétences (les points rouges, jaunes bleus et verts que vous voyez apparaître comme des boutons de varicelle sur les bulletins de vos enfants) sont - pour la prise en compte du très fameux contrôle continu - ensuite retransformées en notes. Avant le travail d’abattage de copies (grassement payé de 70 centimes par copie), nous devons d’abord assister à la phase de concertation/harmonisation. Cette phase consiste à réunir les profs correcteurs d’une zone, à faire l’appel et à leur répartir les copies, puis enfin, et surtout, à leur donner les explications d’harmonisation de correction venant préciser le document officiel. Je me disais donc que la phase de concertation précédant la correction en elle-même allait peut-être changer d’allure par rapport aux années précédentes. Eh bien… non.

C’est d’ailleurs ce qui motive cet article : du rectorat, des inspecteurs, du ministère, d’où qu’elles viennent, les consignes d’harmonisation de correction sont tellement laxistes et mensongères sous le prétexte de la bienveillance qu’il nous a été spécifiquement demandé, cette année, de les déposer dans un bac en carton étiqueté « à détruire », avec interdiction de rapporter les feuilles chez soi. « Imaginez si nos élèves tombaient dessus, nous aurions du mal à leur faire travailler correctement… », nous a-t-on expliqué, sans même s’interroger sur l’énormité de cette phrase. Nos élèves (qui n’apprendront cela que si l’un de mes ados en fait une vidéo TikTok) effectivement croiraient à un vaste « prank ». Mais leurs parents ? Que diraient leurs parents ? Essayons : Exercice sur les fonctions : lecture graphique. Question 5 : Réponse attendue 65 points accordés 4/4. Consigne « On ne pénalisera pas la réponse 64 », donc points accordés 4/4. Les réponses 62 ou 63 sont notées 3/4. La réponse 66 points accordé 2/4. Donc une réponse fausse rapporte de la moitié à la totalité des points…

C'est bon, même si c'est faux

Autre exemple : Pythagore (d’ailleurs, vous mettrez le h à l'endroit qui vous semble le plus respectueux des valeurs de la République et une majuscule si et seulement si (ce qui inclut la réciproque…) vous êtes sûr que ce vieux mathématicien grec n’était pas un hétérosexuel blanc de plus de 50 ans, adepte d’un patriarcat « au carré ». Donc : vous attribuerez un point pour reconnaître qu’on applique le théorème de Pythagore… Explication de la consigne : nul besoin de citer ce théorème (même son nom) si l’élève a écrit que la somme de deux carrés est égale à la somme d’un autre carré, c’est bon. Même si ce ne sont pas les bons côtés, même si ce ne sont pas les bonnes lettres… l’enfant y a pensé, on doit le valoriser…

Légère bronca dans la trentaine de profs présents vite éteinte. La contestation n’a qu’une conséquence : allonger ce temps de « rééducation/concertation ». On appréciera aussi, tout au long de la litanie de bienveillance, ce merveilleux « les égalités fausses ne seront pas pénalisées ». Heureusement, Thalès était chauve, ses cheveux ne pourront donc pas se dresser parallèlement sur sa tête devant une telle aberration. Les couplets de cette chanson triste pourraient encore s’empiler, mais je ne veux pas faire trop long. Je finis par mon refrain préféré : « L’absence d’unité ne doit pas être pénalisée », moi qui leur ai répété mille fois que gagner 17 centimes, 17 euros ou 17.000 euros, ce n’était quand même pas la même chose…

Mais que les inspecteurs et le ministère dorment tranquilles, personne n’en saura rien, puisque Big Bienveillant veille : ces consignes de correction ne seront pas connues du grand public. Zou ! dans le carton « à détruire », comme l’exigence et la rigueur qui auraient pu faire d’eux des cerveaux efficaces et structurés…

Vos commentaires

73 commentaires

  1. j’ai ri jaune: votre humour est à se tordre, mais la vérité que vous dénoncez est effroyable; et même dans les grandes écoles, on n’est pas à l’abri des suites de ces diplômes cadeaux. Ils veulent tous faire du commercial, créer du concret en France devient trop dur. On vendra quoi? les bons ingénieurs ne songent qu’ à partir.

  2. « L’absence d’unité ne doit pas être pénalisée »
    Alors que c’est justement le plus important. Dès la primaire, on nous enseignait les différences entre les litres, les mètres et les kilos. Aujourd’hui, tu peux peser un bovin qui fera 500l, tout ira bien. C’est peut-être pour les déconstruire, voire ne pas faire de grossophobie, allez savoir.

  3. Depuis des dizaines d’années on remonte les notes aux différents examens puisqu’on constate que le niveau baisse. On se scandalise alors de cette pratique, et à juste raison.
    Or le problème est ailleurs !
    Pourquoi le niveau s’effondre-t-il est la seule et unique question qui vaille !!!
    La réalité c’est que les beaux esprits sortis de Normale Sup qui peuplent le ministère de l’éducation nationale prennent les enfants pour des cobayes sur lesquels ils vont pouvoir exercer leurs délires égalitaristes.
    On n’enseigne pas les maths,le Français, l’Anglais, l’Histoire ou la géographie etc. pour que les élèves puissent acquérir un bagage intellectuel. Non les disciplines enseignées ne sont plus qu’un outil au service d’une propagande d’extrême gauche. Ces « programmateurs » (terme qui leur convient très bien) veulent fabriquer du petit gauchiste à la chaine. Et ça marche.
    Les lecteurs de BV croient que seules les facs de sciences humaines ou Sciences Po sont contaminées. Il suffit pourtant d’observer combien les écoles de commerce forment des gens hostiles au capitalisme et à l’économie de marché. Combien d’écoles d’ingénieurs fabriquent des bobos qui iront voter pour les escrolos et proneront la décroissance…
    Et si La Fontaine avait connu notre système scolaire aux mains de ces petits Lyssenko, il aurait surement pu dire  » Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés »…

    • même dans les écoles d’ingénieurs on a suivi la mode du cursus au choix: comment choisir un apprentissage qu’on doit apprendre ? je parle ici des spécialités qui s’intègreront à un cursus cohérent et non à des spécialités qui font plaisir, le diplôme est le même, alors pourquoi choisir ce qui est difficile et qui ne sera pas valorisé?

  4. Je ne vois pas où est le problème, le DNB valide l’acquisition des compétences du cycle 4 et non le niveau nécessaire pour réussir en lycée. Arrêtons la démagogie et disons clairement les choses pour éviter la confusion vis à vis des élèves et de leurs parents.
    Le DNB est un diplôme de fin de collège, pas un sésame pour le lycée. En revanche, la réussite en 2nde GT nécessite un niveau d’autonomie, de méthode et de maîtrise disciplinaire supérieur à ce qui est exigé pour le DNB, tout ceci est bien évidemment enseigné au collège.
    Après il est vrai que certains élèves passent en 2nde GT (souvent après forcing des parents) sans le niveau requis, mais c’est un autre débat.

  5. Soit dit en passant, ils sont mignons les profs « titulaires » (parce que j ai ru mon concours moi ! ») avec leur dedaigneux « grassement paye 70c par copie ». En tant que contractuel, correcteur au brevet l an dernier, je n ai rien eu, on m a rétorqué au rectorat que cela faisait parti du service puisque mon contrat se terminait en aout

  6. On se demande alors quel est le niveau de ceux qui ne l’on pas eu………
    Ce n’est même pas le niveau du certificat d’études primaires qui de mon temps était ardu et ou il fallait savoir lire ,écrire et compter: ce qu’ils ne savent même plus aujourd’hui avec le bac

    • ma tante née en 1901 a suivi l’école religieuse de campagne jusqu’au certificat d’étude qu’elle n’a pas passé. En relisant ses lettres , je vois que son niveau en français (pas de fautes d’accords, respect de la grammaire, pas de confusion participe passé-infinitif des verbes du premier groupe) est celui du bac actuel.

  7. Ayant travaillé dans le privé, au moment de ma retraite, il y a 15 ans, un ami m’ a appelé pour l’aider à corriger un bac pro dont il m’avait fait parvenir les énoncés (niveau certificat d’étude) et ce, 2 années de suite, les résultats, 35 élèves que des gaulois, une catastrophe à tous les niveaux, juste 2 filles qui avaient obtenu la moyenne, le reste des notes, en dessous de la moyenne sur 20 et que croyez vous qu’il arriva, en haut lieu, les notations n’ont pas été prises en compte, tous les élèves ont obtenu la moyenne, obtenu le Bac et mon ami, renvoyé de l’école où il enseignait pour ne pas avoir été souple dans les notes.

  8. Je sens qu’on va améliorer notre classement PISA, à écouter nos zélites concernées par ce fiasco, ils restent convaincus que leurs méthodes va nous mettre devant l’Estonie en Europe pour dans un futur proche classement PISA.

      • C’était évident que de donner le bac à tous les élèves conduirait à une baisse de niveau. Qui expliquera aux postulants que l’on passe sans cesse des concours dans la vie: s’il se présentent plusieurs candidats pour un seul poste, un seul sera choisi, les autres auront perdu. Maintenant il faut voir les critères du choix, j’ai ma petite idée…

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