Tarn : un château du XVe siècle menacé par la controversée A69

autoroute

Le patrimoine culturel de notre pays revêt-il encore un quelconque intérêt aux yeux de nos contemporains ? La question, lancinante, revient une nouvelle fois dans le cadre du projet de construction de l’autoroute A69 qui doit relier Toulouse et Castres. Cette route s’étendra sur 70 kilomètres, sa construction représentera 480 millions d'euros et les travaux devraient commencer dans les mois qui viennent, pour une fin prévue en 2025.

Reconnu d'utilité publique par l'État en 2018, le projet suscitait jusque-là l’ire des écologistes, car il est prévu que la future A69 passe par des terres agricoles, provoquant de ce fait l’expropriation de centaines d’agriculteurs. Ces derniers, dans une lettre ouverte, dénoncent un plan « qui impactera très négativement le développement de l'agriculture façonnant aujourd'hui l'environnement, les paysans et l'économie [du] territoire ».

Mais les paysans ne sont pas les seuls à s’insurger. Au cœur de la vallée du Tarn se trouve en effet un joyau patrimonial du XVe siècle : le château de Scopont. Ce bâtiment, classé monument historique depuis 1992, se trouve entre Toulouse et Castres et, donc, sur le chemin de la future autoroute. Du fait de son statut de monument historique, le château devrait jouir d’un périmètre de 500 mètres à l’intérieur duquel nulle construction ne devrait être entreprise. Un périmètre qui « a pour but d’instaurer un "écrin" autour du monument historique afin de permettre sa mise en valeur, en portant une attention et un soin particuliers à l’environnement proche, urbain et paysager », explique l’Association nationale des architectes des Bâtiments de France. En dépit de la législation en vigueur, l’autoroute passera à 300 mètres de l’édifice. Le préfet du Tarn, François-Xavier Lauch, a expliqué auprès de France Info qu’une dérogation avait été accordée pour la construction de l’autoroute, car « la conclusion qui a été donnée techniquement, c'était notamment que le rayon de giration de l'autoroute à cet endroit-là ne permettait pas de déplacer l'autoroute très loin de ce château. Ce sont des mesures techniques évidentes qui n'ont pas permis de le faire. » Si c’est pour des raisons techniques…

Étonnamment assez hermétique aux problèmes techniques rencontrés par les chantres de cette nouvelle autoroute, le propriétaire, Bernard d’Ingrando, fait part de son inquiétude : « Il y aura beaucoup plus de véhicules, des nuisances sonores et visuelles. Ceci va nous perturber, nous, les habitants, mais aussi toute la faune et la flore existantes », déplore-t-il, avant d’ajouter : « On a déjà deux voies qui passent actuellement pour la route existante et l'autoroute va rajouter, en parallèle, quatre voies de plus. » Une aberration artistique et écologique pour le propriétaire du château, qui a déposé un recours gracieux.

S’il ne s’agit pas, à l’instar de Sandrine Rousseau, de s’opposer désormais à toutes sortes de routes sous prétexte qu’il y en a déjà bien assez, on serait toutefois tenté de proposer que les atteintes au patrimoine soient impossibles, même si cela pose des problèmes « techniques ». La loi va d’ailleurs dans ce sens, pourquoi ne pas l’appliquer ? Malheureusement, les décisionnaires semblent faire bien peu de cas des châteaux qui jalonnent nos campagnes : quand on n'en fait pas des carrefours, on y installe des migrants... Le beau semble avoir définitivement laissé sa place à l'utile. Et à l'idéologie.

Marie-Camille Le Conte
Marie-Camille Le Conte
Journaliste à BV

Vos commentaires

19 commentaires

  1. Pourquoi ne pas élargir la route nationale….quel est le but financier et l’intérêt de la personne ou de la société ? On le saura un jour et l’autoroute sera définitivement sur place…mais l’expropriation aura détruit les exploitations agricoles.

  2. Ça peut aussi faire penser à ce terrain en zone inondable qui devient mystérieusement constructible sous l’impulsion d’un président de conseil général.

  3. Cette autoroute, au « pays de cocagne » n’a d’utilité que s’il est prévu de la continuer de Castres à Lodève et Avignon pour améliorer le maillage ambiant et permettre une transversale supplémentaire entre Nice et Toulouse en évitant la bande littorale. La présence d’un château est inévitable dans une région si touristique qui comprend aussi Saint Guillem le Désert et le Pont du Gard. Faut-il accepter l’absence de liaison autoroutière entre Poitiers et Limoges et l’interruption de la liaison Aix-Grenoble. On sait défigurer le paysage avec des éoliennes, mais, des autoroutes au voisinage du viaduc de Garabit, peuvent être un attrait touristique et un véritable ouvrage d’Art.

  4. Ça me fait penser aux ronds-points qui ne servent à rien avec juste une entrée et une sortie. A rien ? mais peut-être pas pour tout le monde …

  5. Question naïve : Puisqu’il y a déjà une route existante, n’aurait-il pas été possible de doubler à moindre coût (d’argent et d’espace consommé) cette route pour en faire une quatre voies ?….

    • Le beau a disparu, et le bon sens aussi. Seule subsiste la notion de rentabilité. Pour certains. Les autres, gens de rien, n’ont qu’à la boucler…Et cela va durer encore au moins quatre ans, ne nous illusionnons pas…Ensuite…???

  6. Franchement de qui se moque t’on ? Entre la future autoroute et le chateau se trouve: l’actuelle nationale…
    Depuis laquelle accessoirement le chateau est invisible, donc dire que l’autoroute aura un impact sur le site du chateau c’est du bullshit !

  7. Les intérêts de quelques industriels se comptant à peine sur les doigts d’une main sont en jeu…contre les nôtres…alors…

  8. La rentabilité d’une autoroute privée, c’est un secret pour personne. Restaurer, entretenir un château, une église ou tout autre bâtiments de notre patrimoine ne font pas le poids face aux profits et idéologies divers. Décréter intérêts publique chose si facile qui permet de raser des montagnes, mais il y a intérêts publiques et intérêts publique, certains ont semble il préférés à d’autre, une forte plus-value, cherchons l’erreur.

    • La « rentabilité » de certaines décisions faites par les coucous politicards doit être étudier en regardant les « situations » soit de ceux qui les prennent ou soit celles de leurs proches ! …
      Quand à savoir si le contexte de « l’intérêt public » est respecté, « ça » fait bien longtemps que le soit disant « Etat de droit » est corrompu par des lobbys mondialistes et/ou prétendument « humanistes » ! …

  9. La route existante n’est elle pas suffisante ? Y ajouter une voie est il impossible ? Non. Mais les péages sont tellement juteux et beaucoup d’elus Apprécient ce nectar. A l’ouesT rien de nouveau.

  10. Quelqu’un peut-il répondre à cette question : Pourquoi les autorités s’évertuent-elles à imposer (une fois de plus) à une population qui n’en veut pas, la construction ex nihilo d’une autoroute qui va exproprier des dizaines d’agriculteurs et, ici, porter préjudice a un site classé, alors que, selon certains techniciens tout aussi competents, il serait plus simple, moins onéreux et moins dévastateur pour l’environnement, d’élargir la Nationale qui existe déja ? Qui a intérêt à ce gachis ? Parce que, bien évidement, ce sont des sociétés privées à qui sont délégués ses travaux et que, comme c’est l’Etat qui paie, plus ca coûte cher, plus ca leur rapporte… A quand un président qui sera capable de siffler la fin de la récréation ?

    • Vu de Paris, tout ce qui ne contribue pas aux migrations estivales parisiennes est inutile et l’aménagement et de désenclavement du territoire sont sans intérêt, surtout si cela encourage d’industrie.

  11. Pourtant, dévier l’autoroute eût permis à Bouygues (ou autre) d’augmenter l’aire bétonnée et les bénéfices. Comment trancher dans ces conditions quand on voit l’emprise démentielle du macadam en banlieue toulousaine par ex ?

  12. En espérant que le propriétaire a « le bras assez long  » pour porter un coup à ce projet aberrant et écocide!

  13. Espérons que le BEAU l’emportera sur ce projet utile que pour ceux qui veulent se faire du fric ! D’autres solutions existent, quand on veut on peut ! Qu’ils creusent un TUNNEL par exemple. Mais le mieux serait de se contenter de ce que l’on a déjà en l’améliorant. A moins de vouloir absolument adhérer à la politique de déconstruction de notre Chef d’Etat. N’oublions pas qu’il a encore 4 ans pour aller au bout de la déconstruction de notre beau pays qui ressemble de plus en plus à l’Afrique.

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