Selon le patron de l’Observatoire des inégalités, il faut… retarder l’apprentissage de la lecture !

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La théorie de Bourdieu sur la reproduction sociale a la vie dure. Ainsi, Louis Maurin, le patron de l'Observatoire des inégalités, regrette, dans une tribune publiée le 23 février, que « près de la moitié des parents diplômés de l’enseignement supérieur apprennent à lire à leurs enfants avant le primaire », ce qui accentuerait les inégalités sociales. Il considère qu'« il serait à la fois plus juste et plus efficace de repousser d’un an l’âge d’apprentissage de la lecture à l’école ». Décidément, en matière d'enseignement, on aura tout entendu ! Jusqu'où l'égalitarisme niveleur exercera-t-il ses ravages ?

« Plus on apprend à lire tôt, plus les inégalités de réussite sont grandes », écrit Louis Maurin. C'est une évidence que le milieu social et culturel des parents influe sur la réussite d'un enfant. Il est non moins évident que, pour apprendre à lire, « il faut disposer d’un socle de mots suffisant », ce qui s'acquiert plus facilement dans les milieux favorisés et cultivés. On peut éventuellement discuter de savoir s'il est de l'intérêt de l'enfant que ses parents lui apprennent à lire – encore que certaines méthodes utilisées à l'école soient discutables et que de jeunes enfants soient demandeurs.

Pour réduire les inégalités, il ne va pas jusqu'à préconiser de retirer tous les enfants de leur famille pour les mettre entre les mains de l'État, mais c'est tout comme. Il rejette d'emblée les expériences consistant à « tenter de développer le vocabulaire des enfants de milieux populaires dès les premières années de leur vie », ce qui demande, selon lui, « des moyens considérables, pour des effets incertains ». Non, la solution est de « repousser d’un an l’âge d’apprentissage de la lecture à l’école ». Autrement dit, il faut retarder les élèves qui pourraient avancer plus vite. Serait-il, sans le savoir, un disciple de Procuste, ce brigand de la mythologie qui étendait les voyageurs sur un lit trop court et leur coupait la partie du corps qui dépassait du lit ?

L'auteur de cette tribune illustre à merveille les lieux communs et les préjugés de la pensée unique. Malheureusement, il n'est pas le seul à succomber aux charmes de l'égalitarisme appliqué à l'école. C'est la même conception qui a présidé à la création du collège unique – qu'on devrait plutôt appeler « inique » –, par une étrange connivence entre la droite libérale et la gauche. On connaît le résultat de la sinistre réforme Haby, mise en place sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing. Depuis cette époque, chaque nouvelle réforme n'a fait qu'aggraver les choses, car elle ne rompait pas avec l'erreur originelle de l'égalitarisme.

Ne leur en déplaise, ces apprentis sorciers, qui prônent idéalement la « réussite pour tous », instaurent en réalité la « médiocrité pour tous » en prenant soin de mettre leur progéniture à l'abri. Certes, tous les enfants ne vivent pas dans un milieu favorable aux études et il est du devoir de l'État de les accompagner matériellement et financièrement pour leur donner les moyens de réussir, en fonction de leurs talents et de leurs efforts. C'est en rompant avec les dérives actuelles, en rétablissant une véritable instruction, qu'on donnera à chacun les moyens de se promouvoir intellectuellement et socialement. Retarder l'apprentissage de la lecture, sous prétexte d'égaliser les chances, est une aberration. L'obsession de l'égalité tue l'égalité.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

59 commentaires

  1. Un peu de mal à comprendre, là : si on retarde d’un an l’apprentissage de la lecture à l’école, les enfants qui apprennent à lire à la maison n’auront-ils pas… un an d’avance de plus ??? Drôle de façon de combattre les inégalités !

  2. C’est vachement bien « Bourdieu » … on aura le bac à 30ans, nos diplômes supérieur à 40 ans et la retraite à 64 ans. Cotisation 24 ans, on réglé le problème du chômage des séniors actuellement viré après 25 ans de vie professionnelle.

    Il n’y a même plus besoin de 49.3, en plus.

    Sacré Bourdieu, vous connaissez l’adage … « S’il n’avait pas existé, il faudrait l’inventer ».

  3. L’égalité par le bas, sommes toutes. La même chose que pour l’égalité de salaire hommes-femmes dans l’Education Nationale : il a suffit de baisser le salaire des hommes, et hop !

  4. Le but est de mettre tout le monde au même (bas) niveau faute de savoir élever le niveau des cons …

  5. Quand une entreprise est dirigée par un abruti, elle n’a qu’une infime viabilité ! … dans le « service public », ces gens en charge de ces administrations se gaussent de tout un tas d’adjectifs pompeux et qui en fait ne font que cacher l’incurie ( pour ne pas dire plus ! ) de leurs « activité » … « L’observatoire des inégalités » en est l’une des preuves au sujet de ce qui se passe en FRANCE depuis bien trop longtemps ! …
    La pseudo « super école » qu’est l’ENA devrait se lire en « palindrome » car ce nid à coucous qui vont nidifier dans tous les recoins de « la République française » n’est qu’une fabrique à nuisibles … Les associations « activistes » vont les « brosser dans le sens du poil » et le tour est joué ! …
    Quand un bâtiment est en ruine, il ne faut pas « reconstruire » sur les restes … il faut tout raser ! …

  6. L’éducation nationale ne brille pas par sa réussite et il me semble normal que le parents apprennent à lire à leurs enfants sans attendre la rentrée à l’école , cela leur permet d’être proches de leur progéniture et suivre son évolution. Actuellement l’école n’est plus l’apprentissage du savoir , elle est le formatage de la propagande gauchiste avec nivellement par le bas donc les parents dignes de ce nom doivent combler le vide culturel

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