Saint-Jacques Gate : la zadisation de la vie politique

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Les références à 1793 se multiplient dans les rangs de La France insoumise : on parle de Robespierre, malade mental et assassin, avec des trémolos dans la voix ; on s'habille mal en pensant faire peuple, comme Marat, pourtant bourgeois et profiteur ; on multiplie les outrances, comme Hébert l'enragé, qui monta sur l'échafaud en sanglotant comme une fille. Bref, on manie, aujourd'hui comme sous la Terreur, l'outrance, l'hypocrisie et l'absence de fond, toujours sans la moindre vergogne. La gauche semble avoir mille visages, mais en fait, elle n'en a qu'un, et il n'est pas joli à regarder.

Dernière sortie en date ? Non, je ne parle pas de celle d'Aurélien Saintoul, député LFI qui a traité Olivier Dussopt d'« assassin » pour occuper l'espace, avant de présenter des excuses écrites d'avance. Parlons plutôt de ce que Twitter, avec le sens de la mesure et la culture générale qui caractérisent ce réseau social, appelle « le Saint-Jacques Gate ». Pour bien comprendre cette ténébreuse affaire, il faut remonter au rejet d'une proposition de loi LFI, pour que les repas des étudiants ne coûtent qu'un euro. À une voix près, cette proposition avait été rejetée. Les Insoumis, toujours soucieux d'une filiation historique, ont fait comme le Comité de salut public, le KGB et les Khmers rouges, leurs grands anciens : ils ont publié la liste des suspects, c'est-à-dire les noms des députés qui avaient refusé de voter cette quasi-gratuité des repas étudiants.

Parmi ces noms, il y avait celui du député Renaissance Karl Olive, par ailleurs proche d'Emmanuel Macron. Bof, peu importe, en fait. Eh bien, non, figurez-vous, pas tant que ça. Il se trouve que Karl Olive a eu la funeste idée de partager son repas dominical sur les réseaux sociaux. Et là, tenez-vous bien (non non, tenez-vous mieux) : il s'agissait de noix de Saint-Jacques. « Né avant la honte », commente, outrée, une députée insoumise. Les noix de Saint-Jacques sont un peu chères, peut-être, par rapport aux rutabagas ou aux topinambours, tous ces « légumes d'autrefois » (en fait, les légumes de l'occup') dont semblent se repaître les étudiants précaires, mais il doit y en avoir pour 5 ou 6 euros. Grand max. Si Karl Olive est vraiment foufou et s'est acheté une pâtisserie pour le dessert (parce qu'après tout, on est dimanche), ça peut aller jusqu'à 8 ou 9 euros. De quoi hurler, probablement.
Le plus inquiétant n'est pas la bêtise des Insoumis. Le plus inquiétant n'est même pas l'incompétence de BFM, qui traite ce sujet comme s'il s'agissait du premier vol habité sur Mars. En fait, le plus inquiétant, c'est la banalisation de ce genre d'accusations, haineuses, suintantes de mauvaise foi et de jalousie. C'est non seulement la zadisation, la racaillisation, mais aussi ce qu'on pourrait appeler l'hébertisation de la vie politique, en hommage à Hébert, donc, et ce, à cause des sectateurs de Mélenchon. Ces nouveaux enragés pourraient planter la tête de Karl Olive sur une pique pour neuf noix de Saint-Jacques, alors que leur fondateur historique est parmi les plus riches du paysage politique.
L'Histoire ne se répète pas, on le sait - ou plutôt, on connaît la phrase de Marx, elle bégaie : la première fois, c'est une tragédie, la deuxième fois, une comédie. Cette nouvelle Terreur, pourtant, ne donne pas envie de rire. Elle semble dicter la tendance de la législature qui s'annonce à peine. Car, oui, malheureusement, ça ne fait que commencer.
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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

19 commentaires

  1. « Pleurer comme une fille »… : Stéréotype phallocratique !
    « …la deuxième fois, en comédie » . Non, « en farce ».
    Relire Beauvoir et Marx de toute urgence.

  2. Semer la haine pour récolter la terreur, voilà ce qui semble animer désormais LFI après ses échecs électoraux.
    Du reste, vouloir aider les étudiants avec les finances publiques alimentées par ceux qui travaillent et cotisent, pourquoi pas ?
    Il faudrait qu’en retour nous ayons la certitude d’un juste retour, car nourrir une bande d’oisifs qui sortent incultes et surtout inadaptés à la vie active de leurs longues années  » d’études », très peu pour moi!
    N’oublions pas que  » en même temps », on demande aux sexagénaires , beaucoup moins en forme, de faire des efforts…

  3. Quelle bande de minables !
    Pardonnez-moi, mais je ne vois rien d’autre à leur égard !
    Il faudrait peut-être s’intéresser au train de vie du couple Garrido-Corbière, je suis certain que nous aurions de quoi les faire rougir (ben oui quoi) de honte !

  4. On est tombé bien bas ! Ce député n’a pas autre chose à faire, à dire, que de la cuisine !!! Bande exhibitionniste macronien !!!!

  5.  » La gauche semble avoir mille visages, mais en fait, elle n’en a qu’un, et il n’est pas joli à regarder. » Bien vu. Rien à ajouter.
    « l’incompétence de BFM, qui traite ce sujet comme s’il s’agissait du premier vol habité sur Mars. » Ce n’est pas de l’incompétence mais de la complicité.

  6. « ça peut aller jusqu’à 8 ou 9 euros »
    Pour vous, ce n’est rien ou peu d’argent.
    Je me rappelle ma voisine (décédée il y a 4 ans environ), couturière, femme de salarié au SMIC, ayant élevé 4 enfants et veuve.
    OK? après avoir payé son chauffage, son électricité, l’eau, les impôts fonciers (elle était dispensée de la taxe d’habitation, heureusement!) de sa petite maison, achetée lorsque son mari vivait encore, et ce en se privant pour payer les traites… Eh bien il lui restait 8€ par semaine pour manger!
    Certes elle avait ses enfants qui l’aidaient un peu à faire son petit jardin, et les voisins qui lui donnaient quelques légumes ou des fruits de plus..
    Mais tout de même : oui, il y a parfois de quoi hurler!
    Oh, sans doute faudrait-il crier : « les vieux nous coûtent cher, votons pour l’euthanasie ».
    C’est cela?

    • Lorsque j’étais étudiante (une vraie ; je veux dire , qui étudie), il m’est souvent arrivée d’avoir en tout et pour tout 2 francs (2FF de 1970) pour subvenir au week-end où le resto U était fermée, et où la dame chez qui je gardais les enfants le soir ne pouvait m’offrir le traditionnel reste du plat de lentilles car partie en WE en Normandie:
      -25cts pour le litre de lait , 50cts pour 1 pomme et une soupe basique en sachet, 1FF pour une grosse miche de pain (la baguette était à 20 ou 25 cts je crois) le solde pour mon nescafé sans sucre et 3 cacahuètes. En suis pas morte, mais c’est loin des 1000 euros (ou francs?) nécessaires à un macron pour survivre (entre la raquette de tennis, le bistro à la mode et le dancing ( on dit discothèque, désormais , n’est ce pas ?)

  7. Pour compléter votre très éloquente chronique, je m’empresse de rajouter que Hébert est le chef des adeptes du « Culte de l’Etre Suprème » (on peut en imaginer les débordements de la raison. L’histoire depuis l’a démontré).

    Dans la charrette qui l’emmène à son funeste destin, il y a Anacharsis Cloots. Pas très connu, et pourtant, c’est l’auteur de la « République Universelle » … c’est sans doute l’embryon la grande idée de la mondialisation, si chère au forum de Davos, et après 3 siècles de Bugs, le simulacre de la « grande réinitialisation » … dictatoriale.

    Pour la petite histoire, Anacharsis Cloots, s’appelle en réalité Jean Baptiste Cloots, c’est un aristocrate Rhénan ressortissant prussien (Tiens encore eux !!!) ayant renié sa classe et sa patrie par enthousiasme pour la philosophie des lumières. En lisant sa « République Universelle », j’avais l’impression de lire un comptine pour enfant de 8 ans. Par contre l’auteur a un EGO surdimensionné au point qu’on lui a donné un rôle important au sein de la révolution française puisqu’avant sa chute en 1793, il est président du club des jacobins. (Ce n’est pas un régionaliste, il aura voté « Non » au référendum de 69).

    Donc Monsieur Florac, il faut faire évoluer la phrase de Marx, je vous suggère la formule suivante : « la première fois, c’est une tragédie, la deuxième fois, une comédie. … Mais après 200 ans c’est un bouffonnerie ».

  8. Ils vont sous peu nous jouer un remake d’une publicité qui a fait fureur dans les années 70… ce brave curé qui ne se nourrit que de « quelques pâtes… « Ce n’est pas pêcher, seigneur…”,  » Oui mais des Panzani, don Pastillo… ». Bientôt des contrôleurs pour voir ce qu’il y a dans nos assiettes. LFI va nous faire une liste des aliments autorisés et de ceux qui vous classent chez les fascistes… il est vrai que quand, comme Melenchon, on est redevablecde l’impôt sur la fortune, on peut s’indigner… de ce que mangent les autres…

  9. J’aurais préférer connaître les raisons du rejet de la proposition de loi. Maintenant, je vais culpabiliser à chaque repas.

  10. Le plus inquiètent est qu’un député partage son déjeuner sur les réseaux sociaux.
    Affligeant de médiocrité et d’ego.

  11. Bonjour Arnaud. « Montrer le doigt » qui montre la poêle n’est pas digne ! … Le contexte de ce vote au sujet du « repas étudiant à un euro » est tout simplement abjecte tant dans le camp de ceux qui veulent cela que dans le tweet d’un « footeux-devenu-député » provocateur au possible ayant une incompétence crasse en gastronomie ! …
    Qui « mange à un euro » en France ? … Sûrement pas les députés français ! … Les uns comme les autres ne sont pas à la hauteur du fracas sociétal qui détruit la FRANCE … Il n’y a rien à attendre de ces pauvres types qui prennent le peuple pour de la M—-
    « Ca » va mal finir ! …

  12. Ceux qui s’enrichissent au détriment du peuple sont les premiers à pointer du doigt des broutilles des autres . Que Mélenchon et ses potes affichent donc leurs fortunes , leurs patrmoines , leurs retraites ,il faut que les français sachent ou passent leur fric .

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