En Russie, Jeanne d’Arc est connue et aimée
Une statue de Jeanne d'Arc sera bientôt érigée à Saint-Pétersbourg. Dans un lieu symbolique, puisque la pucelle d'Orléans sera encadrée par les casernes des gardes impériales... À la fin du mois de mai, le forum économique présidé par Vladimir Poutine dont Emmanuel Macron sera hôte d'honneur pourrait être l'occasion de l'inaugurer.
Boris Lejeune, le sculpteur, raconte en exclusivité à Boulevard Voltaire la genèse de ce projet un peu fou, voire provocant : Jeanne d'Arc, c'est la France, et une sainte catholique !
Pouvez-nous nous raconter l’histoire de la statue de Jeanne d’Arc qui sera prochainement inaugurée à Saint-Pétersbourg ?
Je suis sculpteur. J’ai commencé la sculpture très jeune et membre de l’union des artistes de ce qui était encore l’Union soviétique.
J’ai eu l’honneur de réaliser la statue de Jeanne d’Arc pour les 600 ans de sa naissance pour l’ermitage de Bermont, qui se situe à trois kilomètres de Domrémy.
Un jour, le directeur du centre étranger russe de Moscou m’a demandé de reproduire cette statue en petit format de 50 cm pour son musée. J’étais honoré de cette demande. J’ai raconté cette histoire à Sixte-Henri de Bourbon-Parme, président d’honneur de l’Association universelle des amis de Jeanne d’Arc (je suis moi-même membre du bureau). Il m’a répondu qu’il fallait faire une grande statue de Jeanne d’Arc pour une ville de Russie, comme un signe de la profonde amitié que nous vouons envers le peuple russe. Sixte-Henri de Bourbon-Parme est très russophile.
L’idée m’a paru un peu folle, mais extrêmement intéressante. La Russie et Jeanne d’Arc, c’était même un peu provocant. Il n’y a pas de saint catholique dans les rues de Moscou ou de Saint-Pétersbourg. En Russie, cela n’existe pas. Et Jeanne d’Arc, c’est le symbole de la France. Elle est la protectrice de la France.
L’ambassadeur Alexandre Orlov avait dit, à l’époque, qu’il ferait tout ce qu’il pourrait pour nous aider. Quelques mois après, Vladimir Poutine, président de la Russie, venait à Paris. Alexandre Orlov lui a montré la photographie de ma sculpture et lui a présenté le projet. Et Poutine l’a approuvé. Ensuite, le président du Parlement russe (la Douma) a également approuvé le projet.
Voilà comment le projet est né. J’ai donc commencé cette statue sans avoir d’accord définitif des Russes. Aujourd’hui, nous avons trouvé un lieu approuvé par le conseil des architectes de Saint-Pétersbourg.
À la fin du mois de mai, un forum économique présidé par Poutine se tiendra à Saint-Pétersbourg. Cette année, c’est notre Président, Emmanuel Macron, qui en sera l’hôte d’honneur. Nous prévoyons donc de faire la cérémonie d’inauguration de la première pierre. Nous ne savons pas encore si Emmanuel Macron participera lui-même à cette inauguration ou d’autres membres de la délégation française.
Réaliser cette statue à la fin de ma carrière d’artiste pour la ville où j’ai fait mes études a une grande valeur symbolique pour moi.
Il y a des bâtiments particuliers sur la place choisie pour accueillir la statue de Jeanne d’Arc à Saint-Pétersbourg. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
C’est un bâtiment très sobre. Si je ne me trompe pas, il a été construit à l’origine par un architecte français. Il s’agit des bâtiments de la caserne de la garde impériale. Ce sont les gardes personnels de l’empereur qui étaient logés là-bas. Jeanne d’Arc était aussi un général ayant vécu à côté des braves soldats.
Il y a aussi, à côté, le lycée français. Vous voyez que cet endroit a été proposé et choisi par des gens qui connaissent l’Histoire de la France. Monsieur Grigoriev, le président des commissions des affaires étrangères de Saint-Pétersbourg, qui a proposé ce lieu, parle le français et connaît l’Histoire de France. Il a précisé que le quartier serait dans ce qu’on peut appeler un "Quartier latin" puisqu’il y a, tout près, une grande université et beaucoup d’étudiants.
À Saint-Pétersbourg, il y a plusieurs lieux-dits "français". Je pense, par exemple, à une cour où il y a des fresques qui représentent la France, au pont de la Trinité, qui est le pont jumeau du pont Alexandre-III, à des salles des impressionnistes à l’Ermitage, à une colonne d’Alexandre faite par un architecte français, à la cathédrale Saint-Isaac construite par l’architecte de Montferrand, ou encore l’Institut français.
Jeanne d’Arc viendra donc s’ajouter à toute cette épopée.
Les Russes connaissent-ils bien Jeanne d’Arc ?
Je dirais que Jeanne d’Arc est connue et aimée en Russie.
Tchaïkovski, le plus grand compositeur russe, et très écouté en Russie, a composé un opéra sur Jeanne d’Arc (La Pucelle d'Orléans/Орлеанская дева).
Ensuite, elle est aussi connue à travers ce grand film intitulé Le Début (Начало), sorti en 1970 et qui évoquait l’histoire de Jeanne d’Arc.
Jeanne d’Arc est également étudiée. J’ai moi-même étudié l’histoire de Jeanne d’Arc pendant mes études lorsqu’on aborde l’histoire de l’Occident. On l’étudie plutôt dans le cadre de la révolte du peuple contre la tyrannie et l’invasion étrangères, plutôt comme une héroïne nationale qui a libéré son pays que comme une sainte.
Serge Sergeïevitch Obolensky, un homme de la première immigration des Russes blancs, a consacré toute sa vie à Jeanne d’Arc. Il a écrit une monumentale monographie sur Jeanne d’Arc, car il espérait qu’une Jeanne d’Arc russe apparaîtrait pour restaurer la monarchie. Il cherchait comment avait pu apparaître Jeanne d’Arc, en espérant que le peuple se débarrasserait du régime communiste.
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