Depuis jeudi, les choses sont rentrées dans l’ordre de part et d’autre de la Manche. Les Anglais sont redevenus eux-mêmes, portés par un sentiment de fierté nationale allié à une fidélité inaltérable à la démocratie. Pendant des années, depuis le référendum qui avait permis au peuple britannique de choisir le départ du pays de l’Union européenne (le Brexit), le Royaume-Uni avait donné le spectacle à la fois ridicule et inquiétant d’une démocratie incapable de mettre en œuvre le choix des électeurs et d’un vieux et prestigieux Parlement saisi par une frénésie d’incohérences. Boris Johnson, le Premier ministre conservateur, a obtenu la dissolution de la Chambre des communes et mené une campagne dynamique en vue d’élections législatives qui se sont transformées en un nouveau référendum sur le Brexit.

Ni David Cameron, qui avait lancé le référendum en croyant qu’il repousserait le Brexit, ni Theresa May, qui lui a succédé, n’étaient partisans du Brexit. Les milieux économiques dont le parti est proche ne le souhaitaient pas davantage. Boris Johnson a, au contraire, compris que la fierté nationale qui avait animé les conservateurs, avec Churchill ou Mme Thatcher, referait l’unité du parti. Il a, d’ailleurs, réussi à apaiser les craintes sur les conséquences économiques et sociales du Brexit en montrant les avantages du grand large, d’une souveraineté et d’une indépendance qui redonneraient au pays la capacité de libérer son énergie et ses talents.

Au-delà de cette stratégie victorieuse face à des travaillistes archaïques et brouillons, qui ont additionné le flou sur le Brexit et le retour à l’État-providence des années 40, Boris Johnson a incarné le populisme dans sa version britannique : un personnage haut en couleur, hors normes, politiquement à droite, a choisi de s’identifier au vote populaire, notamment celui des circonscriptions travaillistes du nord du pays, et est parvenu à en faire basculer un certain nombre.

Un autre homme politique britannique a su faire preuve d’intelligence et de responsabilité : Nigel Farage, l’avocat talentueux et déterminé du Brexit, fondateur d’un parti entièrement voué à cet objectif, a voulu être non le concurrent mais, au contraire, l’auxiliaire de la victoire de Boris Johnson. Son parti avait affaibli les conservateurs lors des élections européennes et avait ainsi convaincu ceux-ci qu’il fallait rétablir une ligne claire. Farage n’a pas présenté de candidat là où un conservateur était menacé, mais il les a multipliés là où ils pouvaient empêcher un travailliste d’être élu. Le résultat est la conséquence de cette attitude désintéressée : aucun élu pour Farage, mais une très large majorité pour Boris Johnson, qui pourra donc mettre sa politique en œuvre, et notamment le Brexit, au 31 janvier 2020. Le Royaume-Uni et son Parlement ont retrouvé leur dignité et rouvert la voie de l’avenir.

Évidemment, de l’autre côté de la Manche, le naturel est aussi revenu au galop. Lors de la Révolution, le premier observateur perspicace qui avait souligné les risques, pour la liberté notamment, était un Irlandais : Edmund Burke. Tandis que Londres devenait le centre du plus grand empire mondial avec un système politique inaltérable, Paris connaissait une succession invraisemblable de révolutions et de régimes, une série de guerres perdues et d’occupations, ainsi qu’une effervescence continue au détriment du bien commun de la nation.

La chienlit qui règne dans notre pays à propos de la réforme des retraites montre, une fois encore, la maladresse du pouvoir et l’irresponsabilité des partenaires sociaux, l’un et les autres paraissant privilégier leurs intérêts respectifs plutôt que celui du pays. Décidément, c’est d’une révolution conservatrice dont la France a besoin.

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13 décembre 2019 à 9:27

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