Rififi au royaume du Maroc

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Depuis sept mois déjà, les habitants du Rif marocain manifestent quasi quotidiennement contre le régime qui, selon eux, les a abandonnés. L’origine du mécontentement est un incident de fin novembre 2016, lorsqu’un vendeur de poissons, Mouhcine Fikri, se tue en tentant d’empêcher la destruction de sa cargaison d’espadons qui avaient été pêchés illégalement. La mort de ce poissonnier, en pleine région berbère, a mis la région en émoi et a déclenché un sursaut populaire qui préoccupe Rabat au plus haut point. Le Rif traverse en effet une crise profonde : la corruption est répandue, le chômage est très élevé et les jeunes, qui jadis émigraient volontiers, savent maintenant que l’Union européenne est un leurre économique qui ne répondra pas à leurs espoirs. Les Rifains disent que Rabat n’investit pas dans le Rif : ils veulent qu’on modernise les hôpitaux et les universités, qu’on construise des écoles. La seule économie qui prospère dans cette région ultra-militarisée et qui fait vivre 800.000 paysans est le… cannabis.

Depuis la mort de Fikri, la ville d’Al Hoceïma et d’autres villes rifaines se sont organisées autour du « Hirak » (la mouvance) pour exprimer leur grogne. Malgré de très nombreuses manifestations, le roi semble sourd aux demandes de ses sujets septentrionaux et le bras de fer quotidien se poursuit. La tension est montée fin mai lorsqu’un des leaders du Hirak, Nasser Zefzafi, a interrompu le prêche, en pleine mosquée, d’un imam qui accusait les manifestants de « fitna », c’est-à-dire de révolte. Zefzafi dénonce les imams "à la solde du Palais" et la corruption du Makhzen (terme péjoratif pour désigner le népotisme marocain), qui ne fait rien pour le Rif.

Depuis, Zefzafi a été emprisonné dans une une zone réservée aux homosexuels. Les habitants d’Al Hoceïma ont alors appelé à la grève générale et le boycott du prêche et de la prière du vendredi dans toute la ville en plein ramadan. Malgré la pression, les Rifains sortent de plus en plus nombreux dans la rue et le régime incarcère de plus en plus d’opposants. C’est le mouvement perpétuel de la contestation sociale qui est arrivé dimanche dernier jusqu’à la capitale Rabat, où des dizaines de milliers de personnes sont sorties manifester en solidarité avec le mouvement Hirak. Ils criaient : "Libérez les prisonniers", "Non à la corruption", "Non à l’absolutisme", "Tous Zafzafi" et "Vive le Rif". De nombreux drapeaux berbères ou de l’éphémère République du Rif (1921-1926) flottaient au-dessus des têtes des manifestants dans la capitale marocaine pour rappeler que les revendications du Rif ne sont pas qu’économiques et sociales mais également identitaires.

La gronde du Rif a désormais fait tache d’huile et il faudra suivre les événements du royaume d’un œil attentif. En 2011, le Maroc a été relativement épargné par le printemps arabe, mais aujourd’hui, il n’est pas certain qu’il reste indemne après le printemps berbère.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 16:46.
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Nikola Mirkovic
Responsable d’une association humanitaire

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