Réforme pénitentiaire : Emmanuel Macron restera prisonnier de l’idéologie soixante-huitarde

Devant les élèves, enseignants et fonctionnaires de l’École nationale d'administration pénitentiaire d’Agen, le président de la République, Emmanuel Macron, se faisait fort de "dévoiler" (selon le terme journalistique en vigueur chez nos confrères) les grandes lignes directrices de son "plan prison".

Soucieux d’apparaître comme l’homme de l’autorité, le chef de l’État déclare vouloir explorer le champ si peu emprunté et labouré des peines dites alternatives à l’emprisonnement. Selon Le Point (5 mars), « il pourrait écarter l'option de la prison pour les peines les plus courtes et élargir l'éventail des autres peines (bracelet électronique, travaux d'intérêt général) et des formules de probation (mise à l'épreuve). Ces solutions existent déjà, mais restent peu utilisées : en 2016, sur les quelque 550.000 délits sanctionnés, les tribunaux ont prononcé 52 % de peines de prison (dont 19 % ferme) et 11 % de peines alternatives, dont moins de 3 % de travaux d'intérêt général. »

Bref, osciller entre le laxisme structurel d’une gauche sociétaliste érigeant systématiquement le délinquant en victime et une pseudo-droite rodomonte mais, in fine, assez pleutre et hypocrite pour s’aplatir devant la première. Reste à savoir s’il parviendra à s’affranchir de ces courants congruents. Il y a fort à parier qu'il restera prisonnier de la gangue idéologique, soit par conformisme, soit par impuissante résignation.

De même que l’on peut conjecturer que ni lui ni ses conseillers – excepté, peut-être, son ministre de la Justice, Nicole Belloubet, agrégée de droit public qui ne peut l’avoir manqué durant son brillant cursus – n’auront lu l’auteur du fameux traité Des délits et des peines, le Milanais Cesare Beccaria, qui estimait que "ce n’est pas la rigueur du supplice qui prévient le plus sûrement les crimes, c’est la certitude du châtiment" (chap. XX, 1764). Il est vrai qu’aujourd’hui, le crime paraît être bien plus prévisible que la peine…

Or, force est d’admettre qu’en cette année jubilaire du non moins fameux Mai 68, la politique répressive en France s’est davantage bâtie sous le soleil noir de la pensée déconstructiviste de Michel Foucault, lequel, s’il ne dispensait pas toujours l’erreur, en proférait quand même un nombre incalculable. Ainsi ce dernier prétendait-il dissocier la sanction de sa finalité première et ultime (punir) pour n’en faire qu’une fonction sociale parmi d’autres (enseigner, soigner, etc.), le corps social les instrumentant à des fins purement oppressives de contrôle des individus.

Une telle inversion des valeurs consistant à subordonner la société, forcément coupable, au délinquant, forcément victime, éternel incompris, bouc émissaire de tous les dysfonctionnements sociaux, a longtemps imprégné notre procédure pénale.
Le double sentiment collectif, diffus, inconscient mais néanmoins palpable, d’impunité et d’insécurité semble précisément se nourrir de l’amollissement de la férule judiciaire et, plus généralement, de celle de l’autorité légitime. Du maître insulté à l’école au policier lapidé en banlieue, de l’enfant roi capricieux au ministre fraudeur et menteur, c’est toute une chaîne d’autorité qui s’est progressivement distendue, au point d’avoir engendré le grand ensauvagement d’une société belligène et de défiance permanente.

M. Macron peut donc bien vouloir vider les prisons effectivement surpeuplées et leur inventer des substituts. Toute politique qui ne s’attacherait pas à susciter prioritairement les conditions d’émergence d’un esprit public du bien commun ne sera que cautère sur jambe de bois. Mais une telle réforme intellectuelle et morale supposerait aussi de renverser l’intouchable totem du multiculturalisme diversitaire et laïcitaire. "Entre vivre ensemble, il faut choisir", ironisait Renaud Camus.

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Aristide Leucate
Docteur en droit, journaliste et essayiste

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