Réforme des retraites : Jean-Paul Delevoye persiste et signe

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Jean-Paul Delevoye le répète dans Le Parisien du 7 novembre. Il ne « transiger[a] pas sur l'objectif » de la réforme des retraites. C'est un homme qui ne se mouche pas du pied, estimant, face aux résistances, avoir des qualités dignes d'un dirigeant du monde moderne, comme savoir « maîtriser ses nerfs ». Il affirme porter « un projet d'espérance » et appelle ceux qui sont « favorisés par le système actuel » à accepter un « effort de redistribution ». Ah, ces grands serviteurs de l'État qui, parvenus au sommet de leur carrière, donnent au peuple des leçons de solidarité !

Qu'il faille une réforme des retraites est une évidence. Il n'est pas possible de maintenir durablement le niveau des pensions actuel, déjà insuffisant pour de nombreux Français, si le ratio cotisants-retraités continue de se dégrader. Mais rien ne prouve que le projet concocté par le haut-commissaire soit le meilleur. Un système par points où « 1 euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé », n'a que l'apparence de l'équité.

Les conditions de travail, les rémunérations sont si diverses qu'il est difficile de considérer que tous les actifs, salariés ou indépendants, peuvent être mis sur le même plan. En outre, faire dépendre le niveau de la pension du seul montant des rémunérations accumulées pendant toute la carrière incite à lier tout travail à son rendement financier et à faire de l'argent l'objectif suprême. La réforme des retraites est, avant tout, un choix de société qui, une fois de plus, met le pécuniaire au centre du système.

Le mouvement de grève reconductible, lancé pour le 5 décembre, notamment par la CGT, FO, FSU et Solidaires, s'annonce assez fort, d'où l'intérêt du gouvernement à diviser les Français. Quand, dans son entretien, Jean-Paul Delevoye dénonce une « crispation catégorielle » et redoute que « les intérêts corporatistes et la capacité de nuisance l'emportent sur l'intérêt supérieur du pays », il cherche à se rallier une partie de l'opinion, sans douter un seul instant qu'il détienne, lui, « l'intérêt supérieur ».

Il assure proposer « un système qui sera plus redistributif, plus favorable aux femmes, plus favorable aux carrières heurtées et courtes », sans en apporter d'autre preuve que ses paroles. Ainsi, il prétend faire passer de trois millions à huit millions les femmes qui bénéficieront de la majoration pour enfant, mais il oublie d'en préciser les modalités. L'acquisition de trimestres supplémentaires, qui raccourcissait de fait la durée de cotisation des mères de famille, sera remplacée par l'octroi de points, partagés entre les deux parents.

Quant à la majoration de pension, actuellement de 10 % pour un couple avec trois enfants, aussi bien pour le père que pour la mère, elle passerait à 15 % dans le cadre de la réforme (5 % par enfant), à répartir à parts égales entre les deux parents, soit 7,5 % pour chacun. Où est le progrès ? Si le nouveau système paraît favorable aux familles monoparentales ou ayant eu un ou deux enfants, il ne l'est pas pour les familles nombreuses de trois enfants ou plus. La confirmation, dans ce domaine aussi, d'un choix de société.

Le projet défendu par Jean-Paul Delevoye est loin d'être indiscutable. Le gouvernement entend user de « pédagogie » pour faire prendre des vessies pour des lanternes. Il prétend défendre la justice et l'intérêt général alors qu'il favorise les intérêts particuliers, notamment ceux des plus fortunés, qui pourront se payer des fonds de pension. S'il ne change pas les orientations de sa réforme, c'est le pouvoir politique qu'il faudra changer !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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