Réforme des retraites : ce n’est pas gagné pour le gouvernement !

LARCHER

Le président du Sénat avait déjà demandé au gouvernement, le 9 janvier, d'attendre l'issue de la conférence de financement avant de soumettre au Parlement le projet de loi sur les retraites : « Comment voter une réforme qui porte sur 14 % du PIB sans étude d’impact ? », avait-il expliqué. N'ayant pas été entendu, il vient de réitérer sa demande, dans un courrier au Premier ministre, plaidant pour un report de deux semaines de l'examen, au palais du Luxembourg, prévu du 24 avril au 4 mai. C'est une des conséquences de la précipitation du gouvernement à faire adopter la réforme des retraites. Une des conséquences. Car, outre la colère de l'opposition, le mécontentement gagne même une partie de la majorité.

Gérard Larcher n'est pas un opposant systématique à Macron, mais il tient à affirmer le rôle et le sérieux du Sénat, en réclamant d'avoir toutes les données pour travailler sur le projet de loi. Sans doute escompte-t-il aussi faire pression sur l'exécutif et montrer qu'on ne joue pas avec le Sénat comme avec l'Assemblée nationale. Mais même s'il fait de la résistance, même si la majorité de droite réforme en profondeur le texte, le dernier mot reviendra aux députés où dominent LREM et le MoDem.

C'est là que le bât blesse. Selon le journal L'Opinion, une partie de la majorité considère le recours au 49-3 comme un échec et peine à digérer la façon dont le gouvernement a accommodé son annonce. À la fin du discours du Premier ministre, certains des députés LREM sont restés assis dans l'Hémicycle.

Un départ du groupe ? «La question se pose, nous devons tirer les conclusions de cet épisode. La décision du Premier ministre plonge les parlementaires dans deux impasses : être godillot ou frondeur », a déclaré Jean-François Cesarini, membre du Collectif social-démocrate, regroupant une vingtaine de députés de l'aile gauche des Marcheurs, qui n'exclut pas, selon le quotidien, de créer un groupe dissident.

Bien sûr, il restera assez de « godillots » pour soutenir le gouvernement. On imagine que le président du groupe dispose d'assez de moyens de pression pour mettre au pas les plus récalcitrants, mais le malaise est patent. Tout cela fait désordre. Serait-ce le début de la décomposition ? L'expérience prouve que, lorsque le bateau coule, les députés d'une majorité, quelle qu'elle soit, sont prêts à renoncer à leur cohésion pour échapper au naufrage.

Loin de calmer le jeu, le gouvernement aurait l'intention d'examiner, dans la foulée, le second volet de la réforme, le projet de loi organique. Certes, il ne compte que cinq articles, mais il est probable que l'opposition sortira l'artillerie lourde. Dans un entretien au JDD, Jean-Luc Mélenchon a déjà annoncé la couleur : « Le gouvernement nous coupe la parole sur le premier [texte] ? Nous la prendrons dix fois plus sur le second. » Quelques jours avant les municipales, on va probablement avoir droit à un affrontement parlementaire hors pair.

Le gouvernement espère sans doute que l'opinion publique le soutiendra par lassitude. Ça passe ou ça casse, doit se dire Édouard Philippe, qui a toutefois pris les devants en prévoyant une voie de reconversion, au cas où. Mais les électeurs, y compris ceux qui font encore confiance à Macron, risquent fort de se poser de plus en plus de questions. Non, ce n'est pas gagné pour le gouvernement : ni aujourd'hui, ni demain !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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