Rapport parlementaire sur les migrations : un condensé de bien-pensance

immigration

Il arrive que des rapports parlementaires soient des instruments de propagande. Le rapport d'une commission d'enquête sur les migrations, qui vient d'être rendu public, semble bien être de cet acabit. Son titre même nous instruit sur ses orientations : « Rapport […] sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d’accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la France ». Un bon condensé de bien-pensance.

La présence, à la présidence de cette commission, de Sébastien Nadot, avec, pour rapporteur, Sonia Krimi, n'y est peut-être pas étrangère. Le premier fut exclu en 2018 du groupe LREM pour avoir voté contre le budget, la seconde est située à l'aile gauche du parti majoritaire. Pour être convaincu de leur partialité, il suffit de lire l'avant-propos où le président de la commission stigmatise Éric Zemmour, « le zinzin médiatique », et Marine Le Pen, qu'il traite de « piètres figures de Philippulus, le prophète dans L’Étoile mystérieuse ».

Ce rapport formule trente recommandations pour « trouver des solutions pragmatiques et humaines » à l'immigration. Il ne ménage pas le gouvernement et vise, en particulier, Gérald Darmanin. Le ministère de l'Intérieur aurait, en effet, une « compétence exclusive » sur la politique migratoire : il faut rompre avec cette « gestion policière » et associer les ministères des Affaires étrangères, du Travail et de la Santé, le tout chapeauté par un haut-commissariat aux migrations, placé auprès du Premier ministre.

Le rapport prend le contre-pied de la plupart des mesures d'apparente fermeté prises récemment par le gouvernement. Il préconise de « ne pas pénaliser les populations par une réduction drastique de la délivrance des visas », invite à « mettre fin à la politique zéro point de fixation », qui conduit à des démantèlements de campements, ou à supprimer l'augmentation des frais d'inscription pour les étudiants étrangers. Bref, comme le souligne un député du groupe Agir, cité par Le Figaro, on assiste à « un détricotage du pilotage migratoire de notre pays », qui aurait « une orientation trop sécuritaire ».

Pour réduire le pouvoir des mafias de passeurs et « fluidifier les déplacements », il suffit de créer des voies légales de migration. Pour éviter de trop grandes concentrations de migrants, pourquoi ne pas créer « des petites unités de vie le long du littoral, permettant aux personnes exilées de trouver un lieu sécurisé et un temps de répit » ? Il faut aussi que les immigrés en situation irrégulière puissent bénéficier plus rapidement de l'aide médicale d'État. Vous l'aurez compris : on préconise des mesures, non pour freiner l'immigration, mais pour la gérer le mieux possible.

Loin de gêner Macron, ce rapport pourrait plutôt le servir. Il a lâché la bride à Gérald Darmanin, qui appâte l'électorat de droite, mais il ne lui déplaît sûrement pas de le voir contesté par l'aile gauche de sa majorité, dont il aura besoin aussi. Si son ministre de l'Intérieur devenait trop encombrant, il n'hésiterait pas à réfréner ses ardeurs, voire à le désavouer. Il aime à jouer sur tous les tableaux : c'est, pour lui, le comble de l'habileté, d'autres diraient du cynisme et de la démagogie.

« Les migrations sont un phénomène constant mais limité » et « la réalité de l’immigration en France [est] déformée par le débat public », considèrent les membres de la commission d'enquête. C'est la position réelle de Macron lui-même. Tout le reste n'est fait que pour donner le change.

 

 

 

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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