Ramu de Bellescize : « Ce qui est surprenant, c’est d’inscrire la biodiversité dans l’article 1 de la Constitution juste avant le principe d’indivisibilité alors que le vent de la division souffle ! »

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Emmanuel Macron a annoncé, lundi, la tenue d'un référendum pour inscrire la protection de l'environnement dans l'article 1 de la Constitution. Faut-il y voir un symbole ou une simple opération de communication ?

Réaction de Ramu de Bellescize au micro de Boulevard Voltaire.

Est-ce qu’une modification de la Constitution sur un fait similaire s’est déjà vue ?

 

On a rajouté au bloc de constitutionnalité la charte de l’environnement, mais ce n’était pas une modification de la Constitution. C’était une augmentation des textes à valeur constitutionnelle.

A priori, nous n’avons aucun exemple de ce type pour la Constitution de 1958.

 

 

La décision du chef de l’État est surtout symbolique. Comme vous l’avez dit, cela faisait déjà partie du bloc constitutionnel. Là, il s’agit de faire un article dans la Constitution qui place la protection du climat de l’environnement devant le droit constitutionnel.

 

Vous avez tout à fait raison. Ce qui est presque plus surprenant, c’est le moment où il l’annonce. Il a annoncé vouloir mettre cette révision à l’article 1 de la Constitution. Ce serait l’article le plus important en tête de la Constitution. Or, actuellement, l’article 1 est l’article au terme duquel la France est une République indivisible, laïque et démocratique. Cela paraît assez curieux de mettre en article 1, la biodiversité, alors que l’on a actuellement une République indivisible et que le vent souffle pour la division de cette République plus que jamais avec le séparatisme.

 

 

Le fait qu’il soit l’article 1, l’article 2 ou l’article 3 ne modifie pas la force de ce principe constitutionnel. En revanche, symboliquement l’annonce est importante. Il y a un message envoyé dans les priorités données à la République.

 

En principe, il n’y a pas de hiérarchie entre les articles, mais on sait très bien qu’en mettant un article en tête d’un texte, c’est lui donner une valeur au moins symbolique plus importante.

 

 

Faire des petites annonces politiques dans une manœuvre de logique politicienne est le propre de tout homme politique, de tout homme d’État et de tout gouvernement, mais utiliser la Constitution comme outil de communication politique, est-ce que cela s’est déjà vu ?

 

La norme fondamentale a un caractère qui jouit d’une certaine forme de sacralisation. Cette annonce est d’autant plus curieuse que ce n’est pas parce qu’on déverse un principe dans la Constitution que ce principe est mieux protégé. On peut bien mettre la biodiversité et le changement climatique dans la Constitution, ce n’est pour autant qu’il y aura moins de réchauffement climatique. C’est loin d’être assuré.

Pour pouvoir réviser la Constitution, il faut l’accord de l’Assemblée nationale et du Sénat. Pour le moment, le Sénat est dans l’opposition. Peut-être que se sera pour lui un moyen de négociation avec le Sénat et qu’il pourrait accepter contre autre chose. Par exemple contre un abandon de la réforme du Sénat. Le Sénat est loin d’avoir donné son accord à cette révision.

 

 

Soit on est dans le camp des gentils et on veut sauver la planète. Soit on est dans le camp des méchants et on veut la mort des petits oiseaux et des pandas. Je caricature, mais ce débat sera caricatural à ce point-là.

 

Vous avez raison pour les pandas. Madame Macron a été rendre visite à un panda dans un parc zoologique de la Loire. On ne voit pas très bien ce que ce référendum apporterait au chef de l’État. C’est pour cette raison que cela paraît d’autant plus curieux. C’est gros comme une maison.

S’il suffisait de voter et d’inscrire dans la Constitution, ce serait simple. J’ai le sentiment que le chef de l’État est affaibli et qu’il essaie de garder la main. Il envoie en l’air cette révision de la Constitution et de ce référendum. Cela risque de faire flop, mais au moins, il essaie d’occuper le terrain.

 

 

Généralement les référendums peuvent se traduire. Il y a toujours une dimension de ratification du gouvernement en place où le sujet du référendum devient parfois secondaire. C’est davantage un moyen de soutien ou de sanction vis-à-vis d’un gouvernement. Cette initiative risque-t-elle de se retourner contre Emmanuel Macron ?

 

C’est l’éternel problème des référendums. Il faut faire attention puisque lorsqu’on est contre un référendum, on dira que le référendum est un plébiscite au risque de discréditer l’outil référendaire d’une manière générale. Le référendum est un outil de démocratie directe. Il est très important dans la vie démocratique. Il ne faut donc pas qu’il soit instrumentalisé. Dans ce cas précis, le chef de l’État l’utilise d’une manière encore une fois très curieuse.

 

 

Ramu de Bellescize
Ramu de Bellescize
Maître de conférence à l'université de Rouen

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