Profitez de la guerre, la paix sera terrible…
Il fait, sur la ZAD, un temps à ne pas mettre un situationniste dehors.
Les révolutionnaires et les guerriers sont les cocus de l’Histoire. Que leur lutte soit perdue, et ils sont exécutés ou enfermés dans un camp ; que leur lutte soit gagnée, et il leur faut bien vite se recycler, sinon ils finissent au comptoir des bistrots à ressasser les souvenirs de leurs combats ou dans les maisons d’édition à tenter de revivre par la littérature ce qu’ils ont laissé derrière eux.
Ceux qui se définissent par la négation - antifas, anticapitalistes, insoumis, anarchistes - avaient trouvé un sens à leur vie dans l’opposition radicale à l’aéroport des « bien-pensants et du système ».
En accédant à leur désir et en annulant le projet d’aéroport, l’État a menacé l’identité de la ZAD avec une puissance bien supérieure à tous les blindés, engins de chantier et autres grenades qui, eux, ne faisaient que la renforcer. Ce sont nos ennemis qui font ce que nous sommes.
La zone à défendre se doit d’être attaquée, sinon, c’est juste « la zone ».
En proposant une régularisation de certains, et non pas d’autres, l’État a, de plus, introduit avec machiavélisme la division. Et ceux qui s’empressent de vouloir payer impôts et charges sociales risquent même de devenir les alliés les plus zélés du système : avec un titre d’occupation précaire, ils ne pourront tolérer de la part des « copains-copines » aucune déviation ou provocation qui remettrait en cause leur fragile présence.
Par ailleurs, regarder pousser les carottes et les salades, fussent-elles bio, n’apportera pas aux enfants de la révolution permanente, les non-régularisables, l’adrénaline que suscitaient les sommations des gendarmes et les détonations des grenades.
Il semble donc qu’une page se tourne et que les guerriers devront trouver d’autres luttes… Le monde est heureusement mal fait et elles ne manquent pas.
Nous fêtons les 50 ans de Mai 68.
Comment ne pas se souvenir que la classe ouvrière, invitée à remplir son « rôle historique », n'a pas cherché à prendre le pouvoir mais a conforté le patronat dans son rôle en se contentant de négocier une amélioration des conditions du salariat qu’autorisait la prospérité économique.
Comment ne pas se souvenir que, grâce aux intellectuels impliqués dans le mouvement, l’individualisme hédoniste a conquis l’ensemble de la société, a perdu son côté subversif et a ouvert la voie à une société de consommation la plus débridée.
Il n’est donc pas surprenant de voir Daniel Cohn-Bendit apporter son soutien à Emmanuel Macron. Les radicaux de l’époque actuelle ne contaminent pas le système avec un virus mortel, ils contribuent à le vacciner.
Les révolutions, comme les histoires d’amour, auraient-elles une tendance à finir mal ?
De la même façon, la victoire des zadistes signifie la fin de la ZAD. Ce qui est important, c’est le chemin, pas le but. Lorsque le but est atteint, lorsque la guerre se termine, lorsque la révolution s’évanouit, le silence est terrifiant. « Enfants, profitez de la guerre, la paix sera terrible » : ce slogan, qui s’adressait à des gosses d’âge scolaire attaquant au corps-à-corps, en 1945, les chars de l’armée soviétique dans l’Allemagne en ruine avec leur pauvre Panzerfaust, n’est peut-être pas aussi absurde qu’il en a l’air.
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
Un vert manteau de mosquées
BVoltaire.fr vous offre la possibilité de réagir à ses articles (excepté les brèves) sur une période de 5 jours. Toutefois, nous vous demandons de respecter certaines règles :