Pour Renault et Stellantis, notre industrie automobile est en danger de mort

Très (trop ?) tardivement et tout aussi lentement, nos politiques semblent ouvrir enfin les yeux pour découvrir le champ de ruine qu’a provoqué une politique européenne viciée par des préoccupations exclusivement idéologiques et plombée par des décisions stratégiques suicidaires.
Le tout électrique en 2035 dans le viseur
Le 3 mars dernier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, faisait enfin marche arrière sur les contraintes écologiques imposées aux constructeurs automobiles en suspendant l’application des très lourdes amendes imposées aux constructeurs ne respectant pas les niveaux maximums d’émission de gaz carbonique. Ces sanctions avaient pour but d’obliger les marques à vendre de plus en plus de voitures électriques, dans la perspective d’une interdiction de la vente de voitures thermiques neuves à partir de 2035. Or, cette marche arrière forcée de Bruxelles était un double signal, nous alertant d’une part sur l’irréalisme de cet objectif du tout électrique en 2035 et, de l’autre, sur le danger menaçant l’industrie automobile européenne. Sur ce second point, le message a été bien reçu par Bruxelles, Stéphane Séjourné expliquant, le 5 mars, que l’industrie automobile européenne est « en danger de mort ». Voilà qui a le mérite de la clarté, même si le vice-président de la Commission européenne s’est empressé d’ajouter que la course au tout électrique automobile « n’est pas perdue ».
Pas de remise en cause de l’objectif 2035, donc, mais quelques mesures annoncées : établissement de quotas minimums de véhicules électriques dans les flottes d’entreprises, création d’un fonds de soutien à l’innovation et obligation d’inclure des composants européens dans les voitures vendues sur le continent. Autant dire que cela n’a guère enthousiasmé les industriels concernés. Dans un entretien au Figaro, le 5 mai, Luca de Meo et John Elkann, respectivement directeur général du groupe Renault et président de Stellantis (qui regroupe, entre autres marques, Peugeot, Citroën, DS et Fiat), ont tiré la sonnette d’alarme. John Elkann constate que « le marché automobile européen est en chute depuis maintenant cinq ans. C’est le seul des grands marchés mondiaux qui n’a pas retrouvé son niveau d’avant-Covid. » Le marché européen est en effet passé de 18 millions de voitures, en 2019, à 15 millions, en 2024, et « au rythme actuel, le marché pourrait être plus que divisé par deux en l’espace d’une décennie ».
La porte ouverte aux Chinois
Pour le spécialiste de l’automobile Alain-Gabriel Verdevoye, interrogé par BV sur les raisons de ce naufrage, « il est clair que cela vient de la décision de proscrire à terme la voiture thermique ». Les voitures essence et diesel étaient « les deux spécialités de l'industrie européenne ». De leur côté, « les Chinois s’étaient engouffrés, il y a 15 ans, dans l’automobile électrique pour des raisons stratégiques. Cela leur permettait de ne plus dépendre du pétrole importé, alors qu'ils ont du charbon pour les centrales thermiques productrices d’électricité. » Bruxelles, sacrifiant le thermique au profit du tout électrique, a donc « ouvert les portes à une industrie chinoise qui n'en demandait pas tant, d’autant plus qu’elle n'avait jamais réussi à faire des voitures thermiques comparables aux modèles européens ou américains ».
Par ailleurs, « telle qu’elle est écrite, la directive 2035 induit un marché divisé par deux », avertit Luca de Meo. « Parce qu’il faut être clair : le marché n’achète pas ce que l’Europe veut que nous lui vendions. » Dans ces conditions, que valent réellement les mesurettes, délais et ajustements proposés par la Commission de Bruxelles ? Et ce, alors que pour le directeur général de Renault, « remplacer la totalité des volumes actuels par de l’électrique, dans ces conditions, nous n’y arriverons pas ». Que faire, selon lui ? « Il faut repartir de la demande », et de plaider, tout comme le patron de Stellantis, pour un virage stratégique permettant de relancer une offre de voiture « populaire ».
Changer de trajectoire
Cela signifie renoncer, d’une part, au tout électrique en 2035, mais pas seulement. « Les règles européennes font que nos voitures sont toujours plus complexes, toujours plus lourdes, toujours plus chères, et que les gens, pour la plupart, ne peuvent tout simplement plus se les payer », constate Luca de Meo, exemple à l’appui : « Entre 2015 et 2030, le coût d’une Clio aura augmenté de 40 %. Cette augmentation est à 92,5 % attribuable à la réglementation. » Choix stratégiques incohérents et avalanche de contraintes normatives, donc, à quoi il convient évidemment d’ajouter, en France tout au moins, une taxation qui plombe la rentabilité industrielle, comme l’expliquait le patron de Michelin, Florent Menegaux, lors de son audition au Sénat, le 22 janvier dernier. Taxation du travail puisque, « pour 100 euros bruts versés en France, le coût moyen pour l'entreprise, c'est 142 euros. Le salarié, lui, va toucher 77,5 euros ». Mais aussi fiscalité appliquée à la production industrielle, avec une « part des impôts de production dans le PIB en France » s’élevant à 4,5 % alors que la « moyenne, en Europe, est de 2,2 % ».
Pour John Elkann, « si la trajectoire ne change pas, nous devrons prendre, dans les trois ans qui viennent, des décisions douloureuses pour l’appareil de production ». Mais ni le patron de Stellantis ni son confrère de Renault ne versent pour autant dans le désespoir : « À l’inverse, s’il y a une mobilisation autour d’un choix politique clair, si nous recréons un marché et des volumes, nous sommes l’un et l’autre convaincus que nous pourrons continuer à produire en Europe, y compris en Europe de l’Ouest. » Si Bruxelles semble enfin avoir chaussé des lunettes pour constater l’ampleur de son désastre industriel, il lui reste cependant à s’équiper d’un appareil auditif pour entendre enfin la voix des industriels afin qu’ils puissent relancer la machine avant qu’elle n’ait disparu.

Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR

76 commentaires
Et le peuple Français aussi !!!!!! Le grand responsable, c’est l’U.E.
Il y a tellement longtemps que nos dirigeants sont dans les nuages ,si loin de la et des réalités qu’ils ont beaucoup de difficultés à comprendre , encore faudrait-il qu’ils le veuillent , non même pas ,ils se réfugient à l’ombre de Bruxelles ,ombre complètement stérile d’où il ne sort que des contraintes ,des entraves à la liberté d’imaginer , de prévoir , de construire ,d’agir voire même de s’exprimer tellement l’infection écolo gaucho ( pléonasme ,écolo aurait suffit ) est avancée et malheureusement continue de gonfler , d’être irrespirable . Sont-ce les chinois qui vont nous fournir l’électricité avec leurs bagnoles , ou sont-ce la France et sa roue de secours allemande (il paraît que le nouveau chancelier n’est pas opposé au nucléaire ) qui nous fourniront suffisamment » de jus » . Toujours est-il que nos conjoints ( es ) outre Rhin ont beaucoup fait pour détruire notre nucléaire et que François Corrézien y a aussi bien contribuer ,sans doute faute d’avoir compris ou alors séduit par Mme Merkel . Enfin je suis très optimiste et surtout très content de constater que essence et gas-oil ont encore de très nombreux et beaux jours devant eux ,quant au CO2 , si on venait à le réduire ,voire même à le faire disparaître ,ce serait la fin de toute végétation qui a besoin de ces gaz pour vivre .
Alain Proviste
Et « en même temps », macron vient faire la morale aux « patrons français » pour qu’ils aient une attitude « patriote » ! …
« Ca » ne peut pas durer encore longtemps ! …
La voiture électrique a démontré tous ses vices, et les automobilistes sérieux n’en veulent pas. Pendant ce temps là TOYOTA travaille au moteur à Hydrogène, car c’est l’avenir : abondance de l’hydrogène natif dans le sous-sol – carburant non polluant – grande autonomie – facilité de faire le plein….Seule solution pour nos constructeurs français, s’ils ne veulent pas faire faillite : se lancer à fond dans l’hydrogène, et ne pas perdre leur temps et leur argent avec l’électrique appelé à disparaître dans moins de 5 ans.
L’UE est devenue une machine à tuer l’Industrie Européenne et a faire le malheur des Peuples de l’Europe. Il faut en finir. Le plus vite, le mieux.
Sauf l’Allemagne ! … C’est même tout le contraire car les « teutons » ont tout fait pour que ce « machin » se développe et punisse les pays qui avaient profiter des redditions et l’éclatement des deux allemagnes ! …
De nos fenêtres nous ne distinguons pas très bien qui est le plus fautif dans cette gabegie, Bruxelles ou les constructeurs ?
Nous étions habitués à ce que l’Etat français, et les constructeurs français et européens, réunions périodiques des décideurs, marchent la main dans la main notamment en matière de durcissement des normes anti-pollution. Il fallait évoluer au rythme de ce que les ingénieurs étaient capables d’innover. Bruxelles, des ronds de cuir nuls en technologies, a mis son grain de sel dans une machine hyper huilée.
Le tout électrique imposé en marche forcée . Pas même, il semblerait, un planning d’application négocié avec les constructeurs.
Deuxième erreur, le choix batterie alors que la Chine était déjà très performante dans ce domaine donc commercialement inattaquable avec nos frontières ouvertes à tout vent.
Il nous était possible de choisir l’Hydrogène, là où la Chine est très en retard, ce qui aurait de toute façon nécessité une négociation quant aux critères d’applications. Création du réseau de distribution , niveaux d’applications (véhicules publics, poids lourds puis utilitaires, flottes et enfin public) , ce qui aurait permis de perfectionner progressivement la technique afin de la rendre financièrement abordable par le commun des mortels.
Mais non, les sachants se sont prosternés devant la décroissance imposée, objectif prioritaire des écolos.
Là où on distingue vraiment les nuls dans les fauteuils de Bruxelles, c’est qu’il ne leur est même pas venu à l’idée qu’il était possible de créer des carburants de synthèse non polluants, utilisables dans les moteurs à explosions actuels. Selon nos sources médiatiques, ce n’est même pas une option de travail. Là encore, nous allons, l’Europe, va se laisser dépasser dans ce créneau car les asiatiques innovent beaucoup dans ce domaine.
En résumé, ce ne sont pas les chercheurs, ingénieurs et industriels qui sont à remettre en cause mais bien les politiques , des « sachants » qui croient savoir, totalement déconnecté des réalités. Les chinois, eux, ont les pieds sur terre..
Il me serait possible de faire la même démonstrations sur les véritables raisons de la désindustrialisation. Car beaucoup d’arguments restent dans l’ombre , trop socialement percutants.
Ce qui est à mettre en cause c’est l’IDEOLOGIE FUNESTE qui imprègne TOUTE les structures de l’UE jusqu’au sommet . Idéologie mondialiste aveugle mâtinée de bureaucratie, d’ignorance, de gauchisme woke, et plus encore de corruption et prévarication.
» l’industrie automobile européenne est « en danger de mort ». Ou plutôt l’industrie automobile allemande, donc rien n’est perdu puisque c’est elle qui détient les clés.
Il y a longtemps en travaillant dans l’industrie automobile l’objectif de consommation d’essence était de deux litres aux cent km. Les objectifs européens ont tout stoppé.
L’industrie automobile européenne était le seul fleuron ayant maintenu la tête hors de l’eau. Les technocrates incompétents de Bruxelles – pléonasme- se sont empressés de lui donner le coup de grâce.
Dans le même temps , depuis 2015 , nombre de nos fleurons ont été vendus aux Américains ,au Suisses et ailleurs , mais où est passé le pognon , qui nous a demandé notre accord ,et qui continue à disloquer et saigner la France
Alain Proviste
Chaque jour nous montre à quel point le remplacement du Marché commun par l’UE aura été une calamité pour le continent en général et la France en particulier.
Bravo!
La chine a bien réussi son coup pour détruire l’industrie européenne des voitures thermiques et orienter les constructeurs dans une impasse ! La chine commence a abandonner le tout électrique pour l’hydrogéne !
Mais il est évident que l’hydrogène est le seul carburant d’avenir qui, dans 5 ans, va enterrer l’électrique. Il est donc très urgent que nos constructeurs français s’y mettent s’ils veulent éviter de faire faillite.
La moto a été inventée en France. L’Automobile aussi ( en Europe, ensuite ) etc Petit à petit, nous perdons presque tout pour cause de désindustrialisation et de normes comme vitrines pour… le monde ! Nous étions dans les premiers en motorisation thermique, puis nous choisissons l’électrique et son lot de normes incroyables ( sans parler du poids des voitures à cause de tout cela ). Cela ressemble à un suicide (enfin, ce n’est même pas le mot, puisque les victimes ne seront pas directement les élites ). Navrant !
Si les têtes pensantes bruxelloises effectivement pensaient, elles auraient dû et pu éviter leur dramatique ridicule actuel. Imposer une brutalité sans nom …et sans dialogue avec les intéressés…à un énorme marché mondial c’était courir le risque le risque d’une rupture très douloureuse. Nous en sommes là aujourd’hui. Avant de devoir quitter son poste chez Stellantis (peut-être pour d’autres raisons) Carlos Tavares avait en vain tenté de tirer la sonnette d’alarme. Qui peut imaginer que les mêmes puissent maintenant remettre cette industrie sur la route ?