7 mai 1945 : Reims, la capitulation oubliée

L'Histoire, telle qu’elle est communément enseignée, laisse souvent dans l’ombre un événement pourtant fondamental.
Musée de la reddition Reims

Le 8 mai 1945 occupe une place centrale, dans la mémoire collective des nations du monde entier : cette date incarne la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie, la fin d’un conflit mondial meurtrier et le retour tant attendu à la paix. Pourtant, l'Histoire officielle telle qu’elle est communément enseignée laisse souvent dans l’ombre un événement pourtant fondamental : la capitulation du 7 mai 1945, signée à Reims. Il constitue le premier acte effectif de la reddition sans condition de l’Allemagne. Ce n’est que sous la pression politique de Staline qu’une seconde cérémonie, davantage symbolique et propagandiste que décisive, fut organisée le lendemain à Berlin. Reléguée ainsi à un rôle de préambule dans les manuels ou tout simplement ignorée, la capitulation de Reims mérite pourtant d’être reconnue pour ce qu’elle fut : l’acte inaugural de la paix en Europe.

La fin du IIIe Reich

Au printemps 1945, le IIIe Reich, assiégé de toutes parts, est en pleine décomposition et vit ses dernières heures. Berlin tombe peu à peu aux mains de l’Armée rouge alors qu’Adolf Hitler s’est déjà suicidé dans son bunker, le 30 avril. Son successeur désigné, le grand-amiral Karl Dönitz, installé à Flensburg, cherche alors désespérément à sauver ce qui peut encore l’être, en espérant une reddition partielle auprès des Anglo-Américains tout en freinant l’avance soviétique. Cependant, les Alliés, traumatisés par les erreurs de l’armistice de 1918, sont catégoriques : il n’y aura aucune négociation séparée. La situation exige une capitulation totale, simultanée et sans condition sur tous les fronts.

La signature décisive à Reims

Le 6 mai, le général Alfred Jodl, chef d'état-major des forces armées allemandes, est envoyé à Reims. Après de longues heures de discussions et face à l’inflexibilité des Alliés, Jodl accepte les termes qui lui sont imposés. Le 7 mai 1945, à 2h41 du matin, il signe l’acte de capitulation sans condition. Le document, rédigé en anglais, stipule que toutes les forces armées allemandes cesseront les hostilités à compter du 8 mai à 23h01. Il est contresigné par le général Walter B. Smith pour les Alliés occidentaux, par le général soviétique Ivan Sousloparov, présent à Reims, et par le général français François Sevez. La signature de Jodl engage, de son côté, la totalité du haut commandement allemand.

Le refus soviétique et la seconde capitulation de Berlin

Cependant, l’affaire ne s’arrête pas là. Informé de la signature à Reims, Staline fulmine. Pour le dirigeant soviétique et maître de la propagande, la capitulation ne peut avoir lieu que dans le cœur du Reich défait, à Berlin, et sous l’égide de l’Armée rouge afin que celle-ci s’accapare, aux yeux du monde entier, la victoire. Il reproche aussi à son représentant à Reims, le général Sousloparov, d’avoir signé l’acte sans l’accord du Kremlin.

Dans un souci d’unité des Alliés, Eisenhower accepte qu’une nouvelle cérémonie ait lieu à Berlin, dans la nuit du 8 au 9 mai. Cette fois, la délégation allemande, conduite par le maréchal Wilhelm Keitel, signe à nouveau l’acte de capitulation, en présence du Français de Lattre de Tassigny, de l’Anglais Tedder et de l’Américain Spaatz. Ainsi, pour des raisons diplomatiques et symboliques, l’Histoire retiendra Berlin, mais le droit et la vérité donnent la primauté à Reims.

Reims, acte fondateur oublié de la paix

La capitulation de Reims reste largement méconnue, effacée des mémoires au profit de la cérémonie plus marquante de Berlin. Ce paradoxe mémoriel est révélateur des logiques politiques qui façonnent les commémorations officielles : la guerre ne se termine pas seulement sur les champs de bataille, mais aussi dans les rapports de force diplomatiques. Le lieu de la signature à Reims est devenu un musée, sobrement baptisé « Musée de la Reddition ». Préservée dans son état d’origine, la « salle des cartes » où fut signée la première capitulation permet aux visiteurs de revivre ce moment historique dans son authenticité brute.

Rendre justice à la capitulation de Reims, c’est reconnaître la primauté des faits sur la symbolique politique et c’est, enfin, redonner à Reims la place qui lui revient dans le récit de la Libération.

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

27 commentaires

  1. Merci monsieur de Mascureau de rappeler ce fait que l’Histoire feint d’ignorer pour mieux coller à un récit plus politique.

  2. Il est une autre commémoration dont on ne parle pas dans ce fichu pays frappé d’amnésie quant à son histoire, depuis mai 1945 il est à la botte de la gauche,toutes gauches confondues et les gaullistes ne pourront rien y redire.
    Mais le 7 mai c’est aussi en 1954 la perte d’une bataille cinglante qui n’a pas mis l’armée française à genoux quand bien même la vox populi _donc la gauche_veut le faire croire, contrairement à l’armée vietminh qui elle en sortait exsangue. Et là encore il y a beaucoup à dire sur les péroraisons de notre clown de service qui n’oublie pas de communier avec nos pires ennemis du temps présent.
    Danseur d’opérette,danseur de claquettes.

  3. « Dans un souci d’unité des Alliés, Eisenhower accepte qu’une nouvelle cérémonie ait lieu à Berlin ». Sur ordre de Roosevelt, grand copain de Staline s’il en fut, et d’autant plus roulé dans la farine par la suite.

    • Franklin D. Roosevelt est décédé le 12 avril 1945 , il n’a donc pu donner cet ordre à Eisenhower que du fond de sa tombe .

  4. Combien de décisions impactant l’humanité sont prises pour des questions de prestige ?… je me pose la question de savoir combien de soldats sont tombés sur le front entre la vraie signature du 7 mai, armistice applicable à compter du 8 mai à 23h01, et la seconde signature dans la nuit du 8 au 9 mai.
    Autant, on peut considérer que la majorité des soldats tués dans ce conflit l’a été pour libérer l’Europe du joug nazi… autant les soldats tombés au combat alors que l’arrêt des hostilités avait été validé, sont vraiment morts pour rien !…ce fut aussi ke cas en novembre 1918.
    Mais nos gouvernants, de tout temps, n’en ont jamais rien à faire. Le prestige avant tout !!!…

    • « Toutes les décisions qui engagent des vies humaines sont prises par des gens qui ne risquent rien… »
      Exemple, Macron imagine d’envoyer 500 de nos soldat en Ukraine alors qu’on sait qu’ils seraient sans matériels et avec 3 jours de munitions. Mais lui suivrait les évènement de l’Elysée, prêt a gagner son bunker souterrain si ça tournait mal…

  5. Âgé de plus de 60 ans je m’imaginais connaître mon histoire de France. Cet épisode m’avait échappé (m’avait-il été enseigné?). Il signifie aussi que le grand vainqueur français ( de Lattre) n’a pas reçu le reddition des allemands. Que la reddition réelle, déléguée par le grand Amiral Doenitz a été reçue par le Général François Sevez qui n’apparaît guère dans les manuels. Cela n’enlève rien aux hauts faits d’arme du Général (à l’époque) de Lattre de Tassigny, qui sera, plus tard, élevé à la dignité de Maréchal de France.

  6. Berlin était aussi très symbolique :je comprends l’exigence de Staline, et finalement le compromis des deux signatures.

  7. Et, comme pour Reims, l’on réécrivit un an entier du journal L’Humanité…

  8. Oui, certes, mais n’oublions pas la part prépondérante que l’Union soviétique et la Russie ont pris dans ce résultat. Contrairement à la propagande occidentale en cours, c’est bien les Russes qui ont gagné cette guerre avant même les Anglo-Americains, les Français et tous les autres.

    • Puis-je faire humblement observer que sans l’armement américain fourni aux Russes, ces derniers n’auraient pas pu remporter la victoire ?

  9. Il faut également rappeler que l’URSS avait à faire oublier son alliance de facto avec le IIIème Reich au début des hostilités (partage de la Pologne, annexion des pays Balte et de la Bessarabie roumaine), d’où, sans doute, l’intransigeance de Staline.

  10. Je recommande la visite de la salle de guerre à Reims oû fut signée cette reddition , c’est une vraie leçon d’histoire .Passant arrête toi et regarde .

  11. L’un des traits fondamentaux du communisme a toujours été de réécrire l’Histoire. Poutine, ancien du KGB, nous en fournit chaque jour la preuve.

    • On ne peut pas effacer le rôle des soviétiques durant cette guerre. Sans ce front de l’est la victoire n’aurait pas été certaine.

    • Ah bon? Et Trump et macron ne veulent pas ré écrire l’histoire, eux?
      Bizarre, mais nos anciens (dont la plupart sont maintenant partis au paradis) racontaient la même chose que raconte V V POutine.

    • Non ! Poutine a été le seul a avoir une connaissance fine de l’histoire de la Russie .dont une partie de l’Ukraine était une de ses régions et même le berceau de la Russie . Ce sont les experts de plateaux de LCI ou BFM qui refont l’histoire de l’Ukraine pour qu’elle corresponde au narratif qui servira de fil conducteur à toute une propagande . Poutine n’est plus communiste , il y a un parti communiste en Russie qui n’est pas dans la camp de Poutine . Il a été par ailleurs le seul a reconnaître les exactions de Staline dont celle de Katyn en Biélorussie où 14000 officiers et sous officiers polonais ainsi que des cadres de la société polonaise ont été exécutés sur ordre de Beria et Staline.
      l’Ukraine était à l’époque une république devenue autonome que Staline a affamé en 1932 et provoqua la mort de millions de moujiks. Car l’Ukraine interressait l’état totalitaire sovietique pour réussir son projet communiste par la grande plaine fertile qu’elle représente d’est en ouest Comme elle interesse aujourd’hui l’UE et les lobbies qui veulent s’accaparer ces terres céréalières qui de fait conccurenceront les agriculteurs français .
      l’Ukraine de 1918 à 1945 était en partie polonaise .Staline une fois de plus à partir des accords de Yalta organisa le deplacement des polonais de cette rêgion de l’Ukraine à l’ouest du pays vers la Silesie.
      Un minimum de connaissance éviterait les raccourcies qui alimentent les fausses informations et toute une propagande .

    • En même temps pour signer la capitulation de l’Allemagne nazi, Berlin était tout indiqué, l’humiliation a dû être plus grande.

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