Pour Maurice Audin…

Guerre d'Algérie

Macron a demandé pardon pour l’assassinat, en 1957, par des parachutistes français du jeune mathématicien communiste. Il fait sa com'. Un peu d’Audin pour faire oublier beaucoup de Benalla. Et, surtout, se sentant trop marqué à droite, il soigne sa gauche…

Une pirouette présidentielle qui permet quand même de rappeler que la guerre d’Algérie fut aussi une guerre civile. Français contre Français. Français contre Arabes, Arabes contre Français. Arabes contre Arabes : comment oublierait-on les dizaines de milliers de harkis sauvagement tués par le FLN ?

Les guerres civiles sont toujours plus abominables que les autres. Des horreurs commises par les fellagas, des attentats meurtriers, des assassinats à n’en plus compter, les femmes éventrées d’Orléansville… Du côté français, on tortura. L’armée française jugeait que c’était une nécessité pour prévenir d’autres attentats. Il y a quelques années, Le Pen éprouva d'ailleurs le besoin de justifier l'emploi de la torture.

Il n’y a aucun sens ni aucune vérité à opposer les monstruosités du FLN à la torture pratiquée par les parachutistes. Comparaison n’est pas raison. D’un côté, des rebelles ensauvagés. De l’autre, une armée régulière, un état avec ses lois et ses tribunaux.

Maurice Audin aidait le FLN. Il avait tort. Mais ceux qui l’ont assassiné n’avaient pas raison. La torture brise et abîme celui qu’on torture. La torture avilit celui qui torture. La mort du jeune mathématicien est une page de honte dans l’histoire de l’armée française. Comme le fut plus tard, et pour d’autres raisons (la volonté de De Gaulle), l’abandon des harkis livrés aux couteaux du FLN.

Pendant longtemps la version officielle de la disparition d’Audin fut qu’il s’était évadé pendant un transfert. Personne n’y crut. Mais il fallut qu’on attende la parution des Mémoires du général Aussaresses pour que la vérité fût couchée sur le papier. Ce général, qui avait la haute main sur la torture à Alger, confessa qu’il avait donné l’ordre d’achever Audin au couteau pour qu’on pense qu’il avait été tué par des Arabes.

En ces années-là, la torture pratiquée en Algérie souleva, en France, une intense émotion. Deux Antigone se dressèrent alors pour dire leur dégoût. En premier, le général Pâris de Bollardière. Fervent catholique, il était l’un des officiers les plus décorés de l’armée française et compagnon de la Libération. Il ne voulait pas que son nom soit associé à la torture. Et il rendit son uniforme.

Vint ensuite Pierre Vidal-Naquet. Artisan infatigable du comité Audin, il cria avec véhémence que la torture nous salissait. Quand, plus tard, les barbouzes de De Gaulle torturèrent les militants de l’OAS à la villa Susini, il protesta avec la même force. Ces deux noms – Pâris de Bollardière, Vidal-Naquet – sont l’honneur de notre pays.

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Benoît Rayski
Journaliste et essayiste

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