Ce matin-là, Emmanuel Macron a « gazouillé » : « We do not want a world war » (« Nous ne voulons pas de guerre mondiale »), actant ainsi qu’il ne considère plus le français comme une langue internationale. Décidément, ce personnage « mondialisé » ne cessera jamais de démonter à quel point il considère la France comme une figure du passé.

Le propos est bien banal. Qui voudrait une guerre mondiale ? Ce qui est certain, c’est que cette guerre en Ukraine aurait pu être évitée et que, maintenant qu’elle est engagée, il convient de tout faire pour y mettre fin au plus vite. Et cesser de jouer les « va-t-en-guerre » comme Ursula von der Leyen et autres parlementaires européens qui prennent des poses churchilliennes assez déplacées.

Comme toute guerre, celle-ci a des causes immédiates et des causes lointaines. Les causes immédiates sont connues : l’échec des accords de Minsk, avec des responsabilités largement partagées, et l’attaque assez incompréhensible de la Russie. Incompréhensible parce que l’Ukraine était engluée dans une guerre civile depuis huit ans qui affaiblissait son gouvernement et que Poutine eût été mieux inspiré de proposer un arrangement raisonnable protégeant les populations russophones plutôt que de violer le droit international, d’apporter la guerre en Europe, de renforcer à la fois le sentiment national ukrainien et l’OTAN et d’accroître encore l’inféodation de l’Union européenne à Washington. Un invraisemblable fiasco auquel il convient d’ajouter les pertes humaines et matérielles, les souffrances et les haines éveillées.

Mais les causes lointaines sont tout aussi déterminantes. Lorsque le drapeau rouge de l’Union soviétique fut abaissé des toits du Kremlin, le 25 décembre 1991, chacun aurait dû se réjouir de la fin de ce qui fut en effet un « empire du mal » (Ronald Reagan). Il eût été alors intelligent de considérer que la Russie aussi avait été martyrisée par 73 ans de communisme, comme l’Europe de l’Est depuis 1947, et qu’il convenait de la réintégrer dans le jeu européen comme l’était l’empire de Nicolas II, allié de la France et du Royaume-Uni en 1914.
Au lieu de cela, la faible Communauté des États indépendants fut mise au pillage par des oligarques sans scrupules accueillis les bras ouverts à Londres. Le grand capitalisme mondialisé avait trouvé un nouveau terrain de jeu dans l’empire abattu. Quand Poutine tenta de se rapprocher de l’OTAN ou de l’Union européenne, il se heurta à une fin de non-recevoir. En aucun cas les États-Unis ne voulaient d’un redressement de la Russie, et surtout pas une forte coopération avec l’Union européenne qui aurait pu affaiblir son imperium mondial, comme Zbigniew Brzeziński l’avait exposé dans son ouvrage Le Vrai Choix (The Choice: Global Domination or Global Leadership).
Force est de reconnaître que la Communauté des États était une structure faible, incapable de redonner un élan à « l’empire éclaté » et que les souffrances infligées par le régime communiste à certains peuples, notamment l’Ukraine lors de la politique d’extermination des koulaks (entre 4 et 4,5 millions de morts), avaient laissé des cicatrices profondes.

Il est avéré que lorsque Gorbatchev avait consenti à la réunification de l’Allemagne, il avait obtenu la promesse verbale du secrétaire d’État James Baker qu’en dehors de l’Allemagne réunifiée, il n’y aurait « pas d’extension de la juridiction de l’OTAN et des forces de l’OTAN d’un pouce vers l’Est » (mémorandum de conversation déclassifié entre Baker, Gorbatchev et Shevardnadze, p. 6, National Security Archive).

On sait également que les USA ont apporté une « attention » très vive à l’Ukraine. La campagne de M. Iouchtchenko contre Ianoukovytch (prorusse) aurait reçu un fort soutien financier de la part de l’administration Bush (65 millions de dollars, selon Le Monde diplomatique, janvier 2005). L’Union européenne n’avait pas été en reste, notamment en proposant un accord d’association dont les péripéties ne furent pas étrangères à la « révolution » orange. Il était dangereux de venir exciter l’ours russe. Le rattachement de la Crimée, qui historiquement n’avait jamais été territoire ukrainien, en a été la conséquence première.

À l’évidence, la malheureuse Ukraine est le théâtre d’une guerre d’impérialismes qui cherchent à agrandir ou préserver leurs zones d’influence. Il est urgent d’ouvrir des voies de négociation car les précédents de l’Histoire nous enseignent que l’engrenage guerrier finit par devenir hors de contrôle. Oui, personne ne veut de guerre mondiale. Que les dirigeants politiques des deux blocs, reconstitués par inconséquence politique, démontrent qu’ils sont réellement des êtres responsables.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 17/10/2022 à 13:58.

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16 octobre 2022 à 12:29

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32 commentaires

  1. Il est dommage que l’on soit obligés de discuter des affaires de l’Ukraine avec Macron, alors qu’il faudrait discuter directement avec le patron, joe Biden. Le directeur de la filiale France ne nous intéresse pas.

  2. Mais que devait / pouvait faire Poutine sachant que les troupes ukrainiennes prévoyaient une attaque imminente pour « reprendre » le Donbass et que Zelenski avait annoncé un an plus tôt qu’il « reprendrait » également la Crimée (enfin Zelensky…. ceux qui le dirigent…).

  3. Il ne veut pas de guerre mondiale mais s’engage largement dans le conflit en fournissant des armes et en proposant d’entrainer des soldats ukrainiens. Tout ça pour flatter les ambitions à peine cachées de l’oncle Sam…

  4. Toutes les guerres modernes ont dues à un totalitarisme, mais surtout à des questions d’hydrocarbures, d’énergie et de liberté de circulation sur les mers. Toutes les conditions sont donc réalisées pour que l’on puisse jouir à nouveau des délices d’un conflit généralisé

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