[POINT DE VUE] L’art, la guerre et un film, Le Tableau volé
Le Tableau volé, de Pascal Bonitzer, sorti en salle en mai 2024, m’apparaissait comme une évidence, moi qui suis artiste peintre familière des salles de ventes depuis mon adolescence grâce à ma mère, sensible à l’art et acheteuse à l’occasion. Projeté dans une salle quasi vide, le film est intéressant à plusieurs titres. Il peint le monde fermé et snob des grandes salles des ventes dont le nom est connu de tous.
Mais revenons au scénario. Célèbre commissaire-priseur parisien de la prestigieuse maison Scotie's, André Masson (Alex Lutz) est informé par la bande de la découverte d’un supposé tableau d’Egon Schiele peint au début du siècle, confisqué par les nazis en 1939 puis, croyait-on, disparu à tout jamais. Le tableau est retrouvé dans une maison achetée en viager par une famille modeste dont le fils Martin (Arcadi Radeff) travaille en usine. Vrai ou faux Schiele ? Telle est la question. Accueillis par un Martin apeuré, Masson accompagné de son ex-épouse Bertilla (Léa Drucker, elle aussi commissaire-priseur), réagissent face au tableau par un fou rire. C’est énorme… le Schiele est authentique ! Un fou rire se substituant à la contemplation artistique d’une œuvre rendant hommage aux Tournesols de Van Gogh !
Poursuivant grâce à Martin ses recherches dans la cave, Masson découvre des documents attestant que le viager, ex-propriétaire des lieux, était un SS. Le tableau considéré comme « art dégénéré » par les nazis avait été offert en cadeau facile au petit fonctionnaire SS pour services rendus. Rapidement identifiés aux Etats-Unis, les héritiers du tableau volé accèdent à la requête de Masson de concéder au jeune Martin et à sa mère une part d’héritage. L’énormité du profit futur est à la hauteur de cette découverte improbable.
Informé de la trouvaille, un vieux collectionneur allemand se déplace à Paris chez Scotie’s. Face au tableau, il déclare l’œuvre « médiocre » et propose, par l’intermédiaire de l’avocat de la famille héritière, un prix au rabais de huit millions d’euros. L’offre étant acceptée en toute discrétion par les héritiers, Masson voit sa vente s’envoler et noie sa défaite dans l’alcool.
Mis au courant par Bertille, Aurore (Louise Chevillotte), la stagiaire « souffre-douleur » de Masson, menteuse et mal dans sa peau, se rappelle alors que son père a été, jadis, victime d’une escroquerie organisée par la collusion d’un acheteur et d’un intermédiaire. Informé par Aurore, Masson comprend que les dés sont pipés, l’avocat de la famille étant de mèche avec le vieux collectionneur allemand pour baisser le prix de vente du tableau.
Au dernier moment, Masson décide la famille à retirer son offre pour confier à Scotie’s la vente aux enchères du tableau. En professionnel marchand, Masson fait valser les enchères qui, en quelques minutes, atteignent 25 millions d’euros.
Le réseau compte plus que la création
Il semble que les heures sombres de l'Histoire n'en finissent pas de faire retour, comme si l'analyse d’un passé douloureux et sanglant n'était pas encore terminée. L'art déprécié hier, catalogué « art dégénéré » car non conforme à l'idéologie nazie, sort de sa cachette pour être enfin glorifié. Moralité et victoire du temps long pour l'artiste, logique toujours valable !
Cette dialectique invisibilité/visibilité de l'artiste se retrouve dans la réalité du marché actuel de l'art. Celui-ci sélectionne les artistes en fonction de leur positionnement idéologique et sociopolitique. Les structures étatiques ad hoc mises en place par le gouvernement, les galeries d'art, les réseaux sociaux et les musées privilégient la doxa du temps présent (théorie du genre, écologisme, racialisme…) corroborée par les idéaux de gauche et la puissance financière « collectionneuse ». Pour être repéré, donc « bankable », ce qui compte est le pouvoir de votre réseau (à condition d’en avoir un !) et les puissants que vous connaissez. La qualité, l'originalité et la sincérité de la création de l'artiste sont très secondaires, voire accessoires.
L'art dit contemporain subversif, car actionné par la bonne conscience de gauche, invisibilise depuis plus de quarante ans la création de nombreux artistes français, création pourtant bien vivante. Intriquée à la finance, la politique dicte ce qu'il faut acheter et, donc, ce qui a de la valeur. Un système qui fausse la visibilité de l'artiste.
Le quidam français ne s'y trompe pas quand il boycotte les expositions d'art contemporain. Coûteuses et sans public, elles présentent essentiellement du vide, du trash et autres déchets. Le scandale de l'imposture de l'art contemporain repose sur une conceptualisation outrancière et fausse. En tant qu’artiste, je travaille mon art comme contre-pouvoir à cette instrumentalisation culturelle.
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3 commentaires
Ce film marque absolument toutes les cases du politiquement correct. Cases que je ne nommerai pas pour ne pas être censurée.
Je suis d’accord avec vous Kiouchon, mais ça reste tout de même un film plaisant à voir au milieu des daubes consternantes qu’on nous propose en ce moment.
Pas mal un film à voir.