[Point de vue] Initiative de paix chinoise : un progrès ?

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« La guerre n'est que la simple continuation de la politique par d'autres moyens. » Carl von Clausewitz avait raison de l’énoncer, mais il convient de souligner que bien souvent, cette continuation sanctionne un échec de politiques antagonistes incapables de résoudre cette opposition d’intérêts par la diplomatie. Bien souvent et pas exclusivement, puisque certaines guerres sont impériales et ne visent qu’à une prédation. La guerre est aussi (et c’est heureux) une parenthèse qui se referme un jour. Il vient un moment où sa continuation est insupportable aux parties qui la font et, alors, la diplomatie pointe son nez et pose sur la table les compromis et concessions qui naguère avaient été écartés, ou d’autres si la réalité dicte qu’ils sont devenus obsolètes. Plus rarement, c’est un gel qui met fin à un conflit armé, comme pour la guerre de Corée : pas de paix, juste un statu quo.

Bien sûr, il faut promouvoir la diplomatie par principe, mais son « livrable » , c’est un traité. Un papier qui documente les engagements réciproques des parties qui conditionnent la non-reprise du conflit. Malheureusement, certains traités ne sont que des temporisations. À peine l’encre est-elle sèche qu’une ou des parties trahissent leurs engagements, ouvertement ou non. Pensons au pacte germano-soviétique ou aux accords de Minsk. Quand un État s’est récemment montré félon, est-il digne de confiance pour signer un nouveau traité ? Question de pure rhétorique, mais a priori, il vaut mieux se balancer des arguments au-dessus d’une table que des missiles et des obus.

L’initiative de paix chinoise publiée pour l’anniversaire de l’entrée des troupes russes en Ukraine a au moins un mérite : elle existe. Elle ressemble plus à un catalogue de douze vœux pieux qui resteraient assez vagues pour satisfaire tout le monde. Quelques commentaires personnels.

Le point 1 énonce le respect de la souveraineté des pays, mais dans le cadre des principes de la Charte des Nations unies. Quid du droit des peuples (cet agrégat encore juridiquement indéfini) à disposer d’eux même (article 1.2) ? N’oublions pas que la guerre de sécession a débuté en 2014 et que d’autres minorités existent en Ukraine.

Le point 2 tacle la mentalité de guerre froide et l’expansion des blocs militaires. Moscoun et Washington qui fait sa guerre par procuration, sont visés, bien sûr. Mais ce point se conclut par la mention d’un continent eurasiatique à la stabilité duquel il faudrait œuvrer. L’emploi de ce mot traduit-il une simple réalité géographique ou plutôt une ambition impériale larvée de la Chine qui ne s’exprimerait aujourd’hui que par une agressivité commerciale très efficace ?

Le point 8 pourrait sembler naïf : réprouver l’emploi et la menace d’armes nucléaires quand on est une puissance dotée d’armes atomiques, c’est soit inepte, soit hypocrite. Une arme nucléaire est une menace dès qu’elle existe. Il y a sans doute aussi une autre grande hypocrisie à prétendre que la Chine s’opposerait à la recherche sur des armes chimiques et surtout biologiques.

Le point 10 qui propose la levée des sanctions unilatérales devrait nous réjouir : elles n’affectent que nous. Le développement économique de la Chine peut-il se passer d’une demande européenne aussi solvable que possible ?

En matière de droit privé, une bonne transaction qui met fin à un conflit laisse un goût amer : chacun perçoit que ses propres concessions excèdent la simple équité perçue. C’est au prix de ces frustrations que s’acquiert la tranquillité juridique. Il serait peut-être temps que la realpolitik dicte à chacun la liste des renoncements souhaitables pour parvenir à la moins mauvaise paix aussi vite que possible.

Vos commentaires

29 commentaires

  1. J’appartiens à ce que l’on appelle le camp national que soutient Boulevard Voltaire et c’est avec tristesse et un peu d’incrédulité que je vois s’étaler dans ses colonnes une subtile mais indéniable ligne pro-russe avec tous les éléments de language Kremlin retravaillé pour une consommation française.
    S’il y a la guerre c’est quand même là faute à l’OTAN et à l’Ukraine.
    Si on soutient l’Ukraine on va vers la troisième guerre mondiale.
    J’ai honte de partager beaucoup d’idées sur les problèmes et les solutions pour notre pays avec des gens qui soutiennent un régime criminel qui attaque sauvagement une nation européenne et chrétienne.

  2. Les 2/3 de la planète sont opposés à l’Occident. Les chinois ne peuvent désavouer la Russie (unis par le Brics et ayant pour soutien l’Inde, le Brésil, l’Iran, l’Afrique/Sud, l’Indonésie et même la Turquie qui joue agent double dans cette affaire).

  3. Il faut bien avoir en tête quelques « éléments »
    1/Les américains ne se battront pas. Ils mettront (jusqu’à un certain point) des millions de dollars sur la table mais il ne se battront pas. Les Etats majors russes et américains prennent concrètement toutes les précautions pour éviter un affrontement direct. Les Russes étaient prévenus de la visite de Biden à Kiev.
    2/Les Russes connaissent leur Histoire et se feront tuer jusqu’au dernier pour la Crimée qu’il tiennent pour russe. Les Russes n’accepteront jamais l’OTAN à leur frontière ukrainienne.
    3/L’Ukraine, quoi qu’en dise la propagande, est un pays « composite » pour ne pas en dire plus. Il serait ici trop long de développer son Histoire. Contentons nous de dire qu’il y a deux destins, deux Ukraine, la rive droite et la rive gauche du Dniepr pour schématiser.
    4/Le Monde non occidental ne partage pas DU TOUT la vision occidentale (en fait des démocrates américains)
    Je vous laisse tirer les conclusions.

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