Plus que les déterminismes sociaux, l’égalitarisme est facteur d’inégalités

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L'égalité des chances n'existe pas à la naissance. Les déterminismes sociaux sont une réalité à laquelle il est difficile d'échapper. Les conditions de logement, l'environnement culturel et familial, le quartier où l'on habite, l'école où l'on est affecté peuvent influer sur la réussite scolaire d'un enfant. Les enfants de milieux défavorisés sont-ils donc condamnés à l'échec ? Ils ne le seraient pas si l'école n'avait pas renoncé à sa mission d'instruction, d'émancipation et de promotion sociale.

Sur France Culture, le sociologue Bernard Lahire a souligné que le rapport au livre et à la lecture, dès la petite enfance, est déterminant. Au demeurant, si l'on en croit des recherches récentes, la numérisation et le survol en ligne sont, pour tous, des obstacles à une lecture sérieuse. Mais quand des parents ne parlent pas le français ou ne savent pas ce qu'est un livre, quand l'enfant n'a pas d'endroit pour faire ses devoirs ni personne pour lui donner des explications, il paraît évident qu'il a plus de mal à progresser dans ses études.

L'école, précisément, devrait remédier à ces inégalités sociales en apportant aux enfants ce qu'ils ne peuvent trouver dans leurs familles. Aucun élève, s'il a du talent, ne devrait pâtir de sa condition sociale. Chacun se souvient de Louis Germain, qui intervint auprès des parents d'Albert Camus pour les convaincre de lui faire poursuivre ses études au lycée d'Alger. On prétend que l'école s'est démocratisée, mais il y a 50 ans, les enfants d'ouvriers ou de paysans étaient plus nombreux qu'aujourd'hui dans les filières sélectives.

La méritocratie abandonnée

Le problème, c'est qu'on a abandonné l'idéal républicain de l'école, ce qu'on n'ose même plus qualifier de méritocratie, de peur de passer pour un horrible réactionnaire. L'égalitarisme a tellement perverti les esprits qu'il est interdit de laisser entendre qu'il pourrait y avoir de bons et de mauvais élèves. Les bourses scolaires sont distribuées indifféremment, les classements, les compositions trimestrielles ont disparu, les devoirs à la maison sont proscrits. Pis encore : on a renoncé à l'exigence pour ne pas pénaliser ceux qui réussissent moins bien que les autres.

Il ne s'agit pas, comme l'avait déclaré Vincent Peillon, dans une formulation pour le moins contestable, « d'arracher l'élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel » – il y avait quelque chose de totalitaire dans son propos –, mais de corriger des inégalités pour permettre à tous les élèves studieux, quel que soit leur milieu d'origine, de développer leurs talents et de tendre vers l'excellence. En aidant matériellement et en accompagnant tous les élèves méritants.

Sirènes égalitaristes

La plupart des gouvernements, depuis des décennies, à gauche comme à droite ou au centre, ont cédé, par démagogie ou par idéologie, aux préjugés égalitaristes. Le doublement d'une classe est proscrit, on met en place, sous différentes appellations, des « programmes personnalisés de réussite éducative » pour faire semblant d'agir, on pratique une fuite en avant en remettant à la classe suivante le soin de remédier aux lacunes précédemment accumulées, on fonce dans le mur...

Les gens au pouvoir se gargarisent de belles intentions, proclament que chacun doit avoir sa chance, feignent de croire que le système éducatif fonctionne. Dans les faits, c'est à chaque famille de se débrouiller, de trouver les bons tuyaux, les bonnes filières, les bons établissements. Ceux qui disposent de moyens matériels et de réseaux y arrivent mieux que d'autres. Les fils à papa ont toujours existé, ils se sont juste donnés « la peine de naître », comme disait Figaro. Mais beaucoup d'enfants sont laissés pour compte, parmi lesquels combien de Mozart assassinés !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

11 commentaires

  1. « L’égalitarisme a tellement perverti les esprits » C’est normal, c’est le rejeton principal du bon vieux marxisme. Et la France a été noyauté par le marxisme depuis 1945, et même avant avec le front Populaire.

  2. Les programmes scolaires devraient avant tout DIFFUSER L’AMOUR DE LA FRFANCE, pour que les écoliers issus de l’immigration éprouvent L’ENVIE DE S’INTEGRER et soient motivés à comprendre et apprendre notre langue, bagage initial indispensable aux premiers pas dans la réussite scolaire….Sans amour rien n’est possible !!!

  3. Dès l’entrée en maternelle on peut mesurer de grandes différences d’acquis entre deux petits : vocabulaire, capacité à s’habiller. Cela se comprend très bien. Les deux extrêmes : certains gamins ont une histoire chaque soir, des livres, des activités d’éveil, des conversations avec des adultes dans un français plutôt riche et d’autres sont gardés devant la télé, le téléphone, ont peu d’échanges verbaux et parfois même pas en français. Cet écart va se creuser années après années avec des activités ou pas, des visites au musée… On n’y peut rien. Inutile de couper les têtes qui dépassent, il est préférable d’éduquer les parents, le centre de PMI est fait pour ça. Bizarrement on accepte la notion de capacités, de talent en sport mais on le refuse pour le scolaire.

  4. J’ai été scolarisé dans les années 60, dans une cité des mines où de nombreux immigrés, dont je fais partie, ont été scolarisés : pas de différence de niveau, pas de différence de traitement entre les différents élèves. Les bons élèves, quelque soit leurs origines, étaient poussé, et aidés, à poursuivre leurs études. Ceux qui n’étaient pas à l’aise pour poursuivre des études choisissaient d’autres voies, souvent l’apprentissage, et réussissaient bien dans la vie. Durant ces années de forte immigration, l’illettrisme était au plus bas en France. A noter, qu’à cette époque, les immigrés ne venaient pas d’anciennes colonies où l’on parlait aussi Français : du coup, c’était beaucoup plus difficiles pour ces derniers de maîtriser la langue française. Mais, ils l’ont fait, eux : volonté ou capacités exceptionnelles ?

    • Pour répondre à votre dernière question, mélange entre le QI des parents et leur volonté de s’intégrer/s’assimiler.

    • Et à cette époque, la dyslexie n’existait pratiquement pas ! Son apparition doit beaucoup à la méthode globale d’apprentissage de la lecture…

  5. J’ignore si cela existe, mais de mon temps en secondaire, il y avait l’étude surveillée, qui était faite par des professeurs. C’était facultatif, mais cela contribuait à une aide précieuses si le cours de math, d’anglais, de physique, ou chimie, n’avait pas été bien assimilé. C’était une aide pour des enfants qui n’avaient pas de parents suffisamment instruits pour leur apporter un soutient, c’était mon cas, d’autant plus que les cours de soutien coûtaient chers. Pour le Français un dictionnaire suffisait, puisqu’il y avait les conjugaisons du 1er au3eme groupe. La définition des mots, pour la grammaire , il suffisait de prendre d’ancien livre et de les consulter. Avec un peu de volonté, on s’en sortait.

  6. Si en 1960, ma femme n’avait pas été poussée par sa maîtresse vers les études secondaires, elle ne serait pas devenue médecin puisque sa mère n’avait pas les capacités financières pour lui payer des études (couturière à façon).

  7. Qu’elle est loin l’école de la République, celle qui tirait vers le haut l’enfant qui en avait les possibilités. Aujourd’hui, la caste au pouvoir fait tout pour conserver son statut, mais elle n’a pas compris que par bêtise elle scie la branche sur laquelle elle est assise. La France ne pourra revivre que par une jeunesse instruite, consciente de son histoire, de son passé et de sa culture. Aujourd’hui, la France publie très peu dans des revues scientifiques, à qui la faute si ce n’est aux politiques menées depuis bien trop longtemps.

  8. La démission de nombreux parents , ceux qui ne parlent pas la langue et l’école par la faute des élus sont responsables de cette situation . Pour les élus nous savons tous qu’ils veulent bâtir une société de moutons bien obeissants . Quand aux autres aucune excuses , quand on fait des enfants on assume . Chez nous les enfants de parents polonais ou italiens avaient un très bon niveau scolaire parce que leurs parents ont assumé , ils ne se sont pas contenté de profiter du système et juste toucher les allocations , et dans la plupart des cas c’était des familles nombreuses , comme quoi le rôle des parents est très important . Pour ma part j’ai toujours travaillé avec trois enfants que j’ai accompagné et aidé pour la vie scolaire et même extra scolaire . Si on lâche télé et portable on trouve du temps .

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