« Plus belle encore » ? Un peu d’humilité, Monsieur le Président…
Ainsi, avec la catastrophe inouïe (mais prévisible, comme le souligne Didier Rykner dans le Figaro) de Notre-Dame, l'intervention d'Emmanuel Macron qui devait créer un effet de surprise (Le Monde) et mettre un terme au grand débat et à la crise des gilets jaunes a-t-elle été transformée en allocution « sirupeuse », « lénifiante », « creuse » (parmi les quelques adjectifs piochés sur Twitter) sur l'unité de la nation et la France des « bâtisseurs ».
Avec, en point d'orgue, cette phrase : « Nous la rebâtirons plus belle encore d'ici cinq ans. »
Lucien Paillet a noté l'empressement politico-médiatique à lancer et relayer cette souscription nationale aux allures de Téléthon et ce « Nous la rebâtirons », et à entonner les grands cantiques de l'unité nationale alors que le chœur - le cœur - de Notre-Dame brûlait encore. Comme pour éviter les questions qui fâchent, les responsabilités de ce même État, de ces mêmes hommes politiques.
Boulevard Voltaire avait, il y a deux ans, tiré la sonnette d'alarme, dans un édito de Marie Delarue qui visait juste, comme toujours : « La France, candidate à tout, n'a pas cent millions pour sauver Notre-Dame ». Et elle terminait en disant sa honte. Une honte prémonitoire.
Qu'elle est indécente, cette unité nationale, quand elle sert à cela, quand elle sent la récupération à plein nez à tous les niveaux, pour que les irresponsables échappent et à leurs responsabilités du passé (et Emmanuel Macron peut, effectivement, défiler avec ses prédécesseurs pour les assumer) et - coup double - à celle du moment, celle de la crise des gilets jaunes qui n'en finit pas.
Et, donc, nous n'y croyons pas, à cette unité nationale factice et bourrée d'arrière-pensées, à cette façon de positiver platement dans le désastre, à ce jeu de la cagnotte et du « Notre-Damethon », à cette triste mentalité que révèle la phrase présidentielle.
Ah, le record, les cinq ans, pour les Jeux olympiques de 2024, c'est cela ? "Plus loin, plus haut, plus fort". Esprit de Pierre de Coubertin, es-tu là ? Cinq ans, une olympiade, un quinquennat ? Les prochaines élections ? On ne sait plus. Décidément, Notre-Dame et notre Président ne parlent pas le même langage, la même durée, ne courent pas la même course et il ne parvient pas à s'y adapter. Ou à se taire. Surtout dans cette Semaine sainte. Les cathédrales, Notre-Dame, ce ne sont pas seulement, ce ne sont pas d'abord des records, des hauteurs, des millions de pierre, des millions d'euros. Avec sa mentalité de recordman pressé, notre Président méconnaît profondément cela, lui qui, pourtant, fut baptisé. Devant ce drame de Notre-Dame, en pleine semaine sainte, il aurait pu se souvenir que le message chrétien - et qui ne vaut pas que pour eux - c'est, aussi, surtout en ces jours le silence, l'examen de conscience -osons les gros mots- et une certaine humilité. Le Président aurait dû réviser son catéchisme pour être un peu plus accordé à l'événement et mieux assumer ses responsabilités.
Peut-être même exprimer, esquisser - c'est aussi de circonstance - un mea culpa ? Un "Nous avons failli" aurait eu une portée bien plus profonde. Car, depuis quarante ans, par négligence et idéologie, lui et ses prédéceseurs ont été incapables de respecter et de sauver mille ans de notre passé. Et le « plus belle encore » vient, s'il en était besoin, souligner l'inanité des mots, la vacuité de la pensée... Quelle prétention stupide ! « Plus belle encore », alors que lui, eux, n'ont pas été fichus de sauver ce joyau qui avait traversé 1.000 ans, les guerres de religion, le Révolution, la Commune de Paris, deux guerres mondiales, ce Paris et cette cathédrale que même Hitler n'a pu détruire. Et avec les moyens techniques et financiers inouïs du XXIe siècle...
Elle est belle, leur start-up nation… Mais qu'elle arrête de nous vendre son « plus belle encore ». Nous ne sommes pas dans Plus belle la vie. Ni aux Jeux Olympiques.
Un peu d'humilité, Monsieur le Président.
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