Depuis plusieurs jours, la cité des Moulins, dans l'ouest de Nice, est le théâtre de violentes émeutes.

Philippe Vardon, conseiller régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui a grandi dans ce quartier, dénonce le laxisme des politiques locaux face au développement du communautarisme islamiste dans un quartier aux mains des trafiquants de drogue. La situation y est devenue "explosive", malgré 215 millions d'euros versés dans le cadre de la politique de la ville.

Des émeutes ont éclaté, ces derniers jours, dans le quartier des Moulins, à Nice, sur fond de tension accrue. Que se passe-t-il dans le quartier des Moulins ?

Le quartier des Moulins est un quartier que je connais bien. J’y ai passé une partie de mon enfance et toute mon adolescence. C’est ce qu’on appelle une cité chaude. Elle est à l’extrémité ouest de Nice. La tension y est, en effet, particulièrement vive depuis plusieurs mois. Un assassinat a eu lieu en décembre dernier. Un jeune homme a été poignardé en janvier dans le cadre d’un trafic de drogue. En février, un policier a été lynché alors qu’il essayait d’interpeller quelqu’un. Et depuis dimanche, deux nuits d’émeutes ont eu lieu suite à un délit de fuite.
Un homme s’est enfui en scooter et a eu un accident. Nous avons retrouvé une arme de poing et une cagoule dans le véhicule volé. Il n’était donc pas particulièrement bien intentionné. Tout cela se traduit, néanmoins, par des nuits d’émeutes. C’est une cité qui est aujourd’hui aux mains des narcotrafiquants. Le trafic de drogue y est devenu une économie à part entière. Ce n’était pas encore le cas dans les années 90 au moment où j’y étais. Par ailleurs, les islamistes ont progressivement accru leur mainmise sur cette cité.
Mais le plus étonnant, dans tout cela, est que Christian Estrosi avait voulu faire de ce quartier un symbole de son mandat. En mars 2008, à peine quelques jours après son élection comme maire de Nice, il s’était rendu sur place avec sa garde rapprochée. Il avait déclaré qu’il allait faire un grand plan ORSEC pour les Moulins. Il avait même déclaré, avec un accent à la Pasqua : "Je vais terroriser les voyous dans la ville. C’est important de le dire ici." En réalité, il n’a terrorisé personne, si ce n’est les contribuables avec l’augmentation des impôts.

On peut rapprocher ces paroles d’Estrosi avec celles de Macron sur le 93, dont il disait que c’était l’avenir de la France. S’agit-il de la réalité ou plutôt de la démagogie ?

On est dans la démagogie absolue. On se met en effet des œillères, même s’ils ont, je crois, conscience de la situation. Mais si vous dites qu’il y a un problème, souvent, les gens vous demandent de le régler, surtout si vous avez une responsabilité politique.
Ni Christian Estrosi ni Emmanuel Macron n’ont le courage nécessaire. Il faut du courage pour affronter cette situation, les narcotrafiquants, les imams islamiques qui ont pignon sur rue. C’est vrai à Nice, mais c’est aussi dans beaucoup d’autres villes. Les élus locaux ont laissé perdurer cette situation. Ils en ont été les complices souvent passifs, parfois actifs.
À Nice, nous avons des mosquées de l’UOIF, des Frères musulmans en France installés dans des locaux municipaux. J’avais même fait condamner la municipalité Estrosi en 2013 pour atteinte au principe de laïcité à cause du loyer sous-évalué d’une mosquée installée dans des locaux municipaux. Les politiques, au niveau national et local, sont des complices passifs et actifs des radicaux, passifs par le laxisme, car ils les ont laissées prospérer avec les délinquants et les criminels. Cette situation atteint un niveau particulièrement explosif. C’est vrai dans le quartier des Moulins, mais aussi beaucoup d’autres quartiers en France.

Je comprends que, selon vous, cette situation est le résultat de trente ans de non-politique de la ville. Après le rapport Borloo, avez-vous remarqué des signaux positifs ou croyez-vous que la situation va encore s’aggraver ?

Le problème est qu’on essaye de résoudre les problèmes toujours de la même façon. 215 millions d’euros ont été investis pour la rénovation urbaine du quartier des Moulins. C’est à l’appui de cette politique que Christian Estrosi nous disait, il y a encore deux ans, en couverture du magazine municipal, que les Moulins constituait un quartier d’avenir. Voilà quel est l’avenir aujourd’hui. Les policiers agressés, les narcotrafiquants, les imams islamistes. On ne peut pas réduire le problème à une question de transport et de rénovation urbaine. J’ai grandi dans ce quartier. Les immeubles étaient les mêmes, il y a avait moins de transport et tout ce qui a été mis en place dans les écoles n’existaient pas encore.
Pourtant, je l’ai vu se dégrader sous le poids de deux actions conjuguées : le développement du communautarisme au travers de l’immigration massive et, au sein de ce communautarisme, de l’islamisme, y compris dans ses ramifications les plus violentes avec la flambée djihadiste. Je rappelle que Nice est la ville qui, en proportion, a eu le plus grand nombre de départs pour le djihad en Syrie et en Irak. Ces quartiers ont été laissés à l’abandon. Par conséquent, nous avons récolté d’un côté le communautarisme islamiste et, de l’autre, le laxisme judiciaire. Les voyous évoluent dans un sentiment d’impunité totale. Le plus grand risque qu’ils courent n’est pas la Justice mais les règlements de comptes.

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02 août 2018 à 9:20

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