Pendant vingt ou trente ans, il y a eu un déni. Il ne fallait pas contester « l’immigration heureuse »
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La Belgique a été victime, une nouvelle fois, d'un attentat terroriste. À Liège, Benjamin Herman, un détenu de droit commun radicalisé bénéficiant d'un congé pénitentiaire, a tué deux policières et un passant. Le sénateur belge Alain Destexhe, natif de Liège, a été spécialement frappé par ce drame. Il réagit au micro de Boulevard Voltaire.
Quel est votre sentiment après l’attaque terroriste subie par la Belgique ?
Liège est ma ville natale. J’ai fait mes études à 200 mètres de là. J’ai donc été particulièrement frappé. Si on m’avait dit il y a 40 ans qu’on aurait été confronté à des problèmes de terrorisme islamique, je ne l’aurais pas cru. Nous ne savions d’abord pas ce que voulait dire "islamique" à cette époque. Cela atteste que nous avons bien changé d’époque en très peu de temps.
L’auteur était certes un détenu de droit commun, mais il était aussi radicalisé. Il nous faut désormais savoir comment il a pu être radicalisé en prison.
Ne pensez-vous pas qu’il a eu une carence dans le suivi de sa radicalisation s’il a pu frapper ainsi le lendemain de son congé pénitentiaire ?
Nous ne disposons pas encore de toutes les informations pour comprendre. Les informations communiquées changent régulièrement. On nous avait dit qu’il était sorti 11 fois et que tout c’était bien passé. Or, il semble que ce ne soit pas exact. Il aurait fait une cabale pendant 11 mois et ne serait rentré qu’en mars 2017.
Il est donc assez incompréhensible qu’il ait pu bénéficier de ce droit de sortie, mais c’est à l’enquête d’en déterminer les raisons.
Pourquoi fustigez-vous régulièrement la politique belge à l’égard de l’islamisme dans les colonnes du Figaro Vox ? En quoi la trouvez-vous "angélique"
?
Il y a deux raisons à cela.
La première est que nous avons nié pendant 20 ou 30 ans tous ces problèmes. La thèse officielle était celle de l’immigration heureuse. Il était hors de question de s’opposer à cette ambition de s’ouvrir à l’autre et à fonder une société multiculturelle. À force de déni, la Belgique a subi une sorte d’effet boomerang puisqu’il est le pays le plus touché en Europe par ces problèmes de djihadisme et de terrorisme.
Pour comprendre la deuxième raison, il faut rappeler que la Belgique est un État fédéral. C’est peut-être difficile à comprendre en France, mais en Belgique, le gouvernement central n’a des pouvoirs que très limité, centré autour de la défense, la justice et la sécurité. D’ailleurs, je trouve que celui-là fait beaucoup de choses pour contrer la situation. Tout le reste, les questions de l’intégration, de l’école et des villes par exemple sont décentralisées, avec des coalitions politiques qui ne sont pas les mêmes qu’au niveau fédéral. Par conséquent, il est possible d’avoir une politique ferme dans les domaines gérés par le fédéral, mais de ne pas avoir de politique cohérente dans les régions, en matière d’école par exemple.
Molenbeeck est-elle la seule ville de Belgique touchée par la radicalisation ?
Molenbeeck est devenue un symbole en un week-end après les attentats de Paris. Molenbeeck est peut-être la ville la plus touchée par le phénomène, mais d’autres, très importantes, autour le sont tout autant comme Anderlecht ou Bruxelles. En fait, toutes les villes dans lesquelles il y a eu une immigration musulmane massive ces 20-30 dernières années sont concernées. Par exemple, à Verviers, une importante communauté tchétchène vit là sans être réellement intégrée. Vous avez eu récemment un attentat avec un tchétchène, nous aussi avons des communautés tchétchènes. Mais les problèmes ne sont pas abordés frontalement en Belgique. Ils le sont uniquement à l’occasion d’un drame comme celui d’hier ou d’un fait divers, mais ne font pas l’objet d’un débat plus général.
Pourquoi y a-t-il eu tant de précautions voire de réticences à reconnaître qu’il s’agissait d’un attentat terroriste islamiste ?
Tout d’abord, on ne savait pas précisément les circonstances du drame et l’auteur était un Belge de souche, si je peux employer cette expression. Cela n’était pas arrivé depuis longtemps et heureusement que le phénomène de conversion et de radicalisation des populations autochtones n’est pas encore trop répandu. Je pense que cela a pu induire en erreur. De plus, il a fallu attendre la vidéo pour confirmer qu’il avait bien crié Allah Akbar.
Il y a toujours une réticence qui, une fois de plus, n’était pas justifiée.
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