Au Parthénon, où sont nos racines, sont aussi nos rapines !
L’excellent Philippe Bilger nous avait conviés l’autre jour à partager "le bonheur de visiter un des plus beaux musées du monde – celui de l’Acropole -, dont la diversité et la richesse sont sans exemple".
Un enthousiasme qu’il tempère cependant d’une indignation légitime devant "le scandale de l’absence de la langue française, la grecque évidemment et l’anglaise se partageant l’espace, y compris pour le film consacré au Parthénon, à sa construction, à sa grandeur, à ses symboles, à ses frises et à ses détails".
À ce scandale, M. Bilger, s’en ajoute un autre, que ce musée nous rappelle fort opportunément : celui de l’absence des œuvres d’art volées à la Grèce par les Français et les Anglais durant l’occupation ottomane. Le musée de l’Acropole leur a réservé un espace au dernier étage dans l’espoir de leur retour… Au Parthénon, où sont nos racines, sont aussi nos rapines !
L’affaire est ancienne : l’Angleterre et la France, sous l’occupation ottomane, se sont livrées tour à tour à un véritable pillage des sites archéologiques, emportant un grand nombre de chefs-d’œuvre de la Grèce antique. Balayons d’abord devant notre porte : en 1788, le comte de Choiseul, ambassadeur de France à Constantinople, ordonnait à son agent à Athènes "de piller dans Athènes et son territoire tout ce qui pouvait être pillé". Une part importante de sa collection se trouve au Louvre, où l’on peut admirer également, acquises par ailleurs, la Vénus de Milo et la Victoire de Samothrace. Quant aux Britanniques, en 1806, l’ambassadeur de Sa Gracieuse Majesté, Lord Elgin, ramena à Londres tout ce que n’avait pas osé démonter son collègue français, en particulier les fameuses frises en marbre blanc du Parthénon, ainsi qu’une cariatide du temple d’Athéna sur l’Acropole, que les Turcs avaient transformé en dépôt de munitions…
Dès sa libération du joug ottoman, la Grèce fit valoir ses droits souvent timidement, jusqu’à ce que, en 1980, par la voix de Melina Mercouri, alors ministre de la Culture, le gouvernement grec réclamât officiellement la restitution des frises du Parthénon : "Nous ne demandons pas le retour d’un tableau ou d’une statue. Nous réclamons la réhabilitation d’un monument unique, symbole particulier d’une civilisation." Malgré une résolution de l’UNESCO, cette demande restera lettre morte, s’attirant même les sarcasmes des Britanniques, qui estimaient que les marbres en question étaient mieux protégés au British Museum que dans la pollution d’Athènes.
Ce qui était vrai à l’époque ne l’est plus aujourd’hui : le mari de Melina Mercouri, Jules Dassin, imposa l’idée d’un musée exemplaire, au pied de l’Acropole, dont le dernier étage, transparent, réservé au Parthénon, attend le retour des "marbres en exil". Mais ne rêvons pas : si les Grecs obtiennent gain de cause, la boîte de Pandore risque de s’ouvrir pour les grands musées occidentaux, créant un fâcheux précédent. Paris, Rome, Berlin, Madrid se verraient contraints à leur tour de devoir restituer leurs collections coloniales si les marbres étaient rendus à la Grèce...
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