J’habite Toulon, une ville bien desservie par les trains, certes pas toujours à l’heure, mais bon, ce sont les aléas du transport. Il ne faut pas trop vouloir prendre les TER pour Marseille, éviter aussi les jours de grand mistral où les arbres et les kitesurfeurs atterrissent sur les caténaires. Désormais, si l’on veut prendre de bonne heure un train pour Paris, il faut en passer par OUIGO. C’est bien, OUIGO, pas cher, fait « pour les familles et les revenus modestes », nous assure-t-on, alors, la SNCF a vendu ses créneaux horaires au prestataire d’un service qui mérite qu’on s’y penche.

Dans la pratique, c’est un peu plus subtil. Tout d’abord, on ne peut acheter son trajet que sur Internet. Pas de vente en gare pour les naïfs qui, comme moi, croyaient que OUIGO n’était qu’un autre INOUI, mon ami TGV du matin dans lequel je pouvais prendre mon petit café et qui acceptait mes réductions de « senior ».

Pour ce qui est du confort en OUIGO, il est calqué sur les compagnies aériennes à bas coût : minimaliste. Avec des voitures du genre bétaillère à rangées de trois sièges. Il faut un petit bagage, valise cabine de préférence à glisser sous son siège, sinon il faut payer le supplément et se battre pour poser son barda dans les porte-bagages (merci pour les familles…). Il faut aussi payer pour la prise de courant, mais pas de Wi-Fi à bord, hein, faut pas exagérer quand même ! Pas de voiture-bar non plus pour aller se dégourdir les jambes et se rincer le gosier. Notez qu’ils sont prévenants malgré tout : avant le départ, on a reçu un mail nous rappelant de prendre une bouteille d’eau et un brumisateur… Bienvenue dans le train des bons réflexes. Sans doute vont-ils bientôt vendre des brumisateurs et des éventails OUIGO à l’« embarquement ». Oui, parce que le vocabulaire aussi, c’est façon compagnie aérienne, histoire de faire rêver aux grands départs du bout du monde…

Covid-19 oblige, OUIGO comme la SNCF nous ont annoncé, cet été, la possibilité d’échanger ou d’obtenir le remboursement de tous les trajets, cela jusqu’à fin août. Erreur, grossière erreur ! OUIGO ne rembourse jamais, même quand on croit l’avoir lu. OUIGO échange, à condition de faire un trajet strictement identique, et l’on perd alors toutes les options énoncées plus haut (bagage supplémentaire, prise de courant, etc.). On me dira qu’il faut comprendre, les prix sont si attractifs… Faux ! Si le prix moyen, pour un Toulon-Paris, est en effet autour de 50 euros, il m’en a coûté trois fois plus en février dernier, jour de retour de vacances scolaires. 150 euros sans prise de courant, sans Wi-Fi, sans voiture-bar, sans grosse valise, sans poubelle, sans repose-pieds : pour sûr, c’est une affaire !

Il paraît que le pays vire au vert : tous écolos ! Le Président a même demandé la réouverture des petites lignes de chemin de fer. Les Français vont prendre le train… s’ils le peuvent. En 2018, j’ai laissé beaucoup d’argent à la SNCF pour des trajets annulés en raison des grèves et jamais remboursés. Bis repetita l’hiver dernier, toujours les grèves, et maintenant, c’est la psychose « covidienne » qui nous pourrit la vie…

Préfiguration de ce qui nous attend tous désormais, un pseudo-contrôleur surexcité remonte le train d’où je vous écris. Après avoir sermonné l’assistance au micro à deux reprises déjà – il a, assurément, oublié que nous sommes des clients ! –, il traque les dangereux contrevenants qui osent se dégager un peu les voies respiratoires en descendant leur carré de chiffon : 135 euros d’amende, et que ça saute !

Fais pas ci, fais pas ça, viens ici, mets-toi là
Attention prends pas froid, ou sinon gare à toi
Mange ta soupe, allez brosse-toi les dents
Touche pas ça, fais dodo,
Dis papa, dis maman
A dada prout prout cadet…

Dutronc avait tout compris : le voilà, notre nouveau monde !

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16 août 2020 à 15:26

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