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Cet article a été publié le 07/12/2022.

Il n'y a pas qu'à la cour de Louis XIV que les favoris d'un jour pouvaient subitement tomber en disgrâce. Deux de nos grands écrivains contemporains, Michel Onfray et Michel Houellebecq, ont eux aussi fait les frais de la tyrannie bien-pensante. Heureusement sans grand dommage pour eux, tant cette tyrannie a perdu de son pouvoir.

L'entretien de 45 pages, publié par Front populaire, entre Michel Onfray et Michel Houellebecq n'en finit pas de provoquer, dans la presse, des convulsions qui, plutôt que l'humanisme rationnel dont les éditorialistes se revendiquent, évoquent davantage la fureur d'un possédé face au Saint-Sacrement. Pourtant, hier, ou avant-hier, si on veut, les deux Michel étaient des icônes. Houellebecq, avec Les Particules élémentaires, avait inventé un style, celui de la dépression postmoderne, du sexe triste et du déclin de l'Occident. Onfray, avec son Antimanuel de philosophie, donnait à voir une manière d'apprendre iconoclaste, jubilatoire, et montrait des talents de vulgarisateur immédiatement acclamés. Ils imposèrent également leur personnage médiatique, chose importante en ces temps de spectacle prophétisés par Guy Debord : Onfray était l'hédoniste qui ne sourit pas, le jouisseur nietzschéen vêtu de noir. Houellebecq était le petit-bourgeois terne, cachant un clochard visionnaire.

Les années passèrent. Houellebecq fut pressenti pour le Nobel, Onfray passa sur France Culture, où ses cours donnés à l'Université populaire de Caen, retransmis à la radio, firent découvrir l'histoire de la philosophie à des milliers de gens. Ils étaient alors au pinacle.

Et puis, ce fut la chute. Houellebecq, dont on critiquait autrefois l'écriture « plate », vit le Nobel lui passer sous le nez au profit d'Annie Ernaux, dont les ouvrages - fond et forme - étaient, eux, objectivement sans intérêt. Onfray, lui, fut écarté de France Culture sans autre forme de procès, parce que sa ligne déplaisait. Tous deux conservèrent pourtant leur notoriété, ainsi que leur succès populaire. Cela ne plaisait pas, on s'en doute, au monde médiatique. Onfray avait beau se dire de gauche, il n'aimait ni Mitterrand ni le PS façon Terra Nova, sans intérêt pour les pauvres et obnubilé par l'accueil des immigrés. Houellebecq avait beau décrire le monde de la France périphérique avec tendresse, il montrait également les limites de la pensée toute faite, la question posée par l'islamisation de la France et la profonde cruauté décadente de notre pays pseudo-démocratique.

La récente rencontre de ces deux phénomènes a provoqué un tir de barrage du monde médiatique. Challenges, Marianne et Libération ont fait feu au même moment. Pour Challenges, c'est Maurice Szafran qui s'y colle : les deux « penseurs » (le mot est écrit entre guillemets dans le texte) y sont dépeints comme des réactionnaires d'ultra-droite, racornis, dont les propos volent bas et dont les réflexions stupides provoquent des « malaises à répétition ». Szafran l'avoue : la question n'est pas de savoir s'ils pensent bien ou mal, puisqu'ils « pensent sale ». La vérité officielle doit être nettoyée à sec : on l'ignorait.

Chez Libé, Thomas Legrand traite de « trouillards » les deux compères, et dit qu'ils ont « tout faux ». Une preuve ? Soumission, de Houellebecq, décrivait une prise de pouvoir islamiste en 2022. Or, on est en 2022 et rien ne s'est passé. Donc, Houellebecq dit des conneries. Fin de l'histoire. Front populaire y est présenté comme une revue « un peu rouge et très brune » et les deux Michel sont censés y projeter leurs propres « névroses ». La psychanalyse sauvage de l'adversaire, on n'a pas trouvé mieux pour faire peur, apparemment, même s'il se pourrait bien que Michel Onfray comme Michel Houellebecq s'en moquent éperdument. On retrouve, chez ces deux pourfendeurs stipendiés, une pique au côté « catho-tradi » et antipapiste de leurs cibles, mais plutôt en passant, comme si c'était une dernière couche, assez attendue, sur tant d'horreur passéiste

Natacha Polony, dans Marianne, est plus mesurée et beaucoup plus intelligente. Elle rappelle que les deux auteurs furent jadis encensés par le petit monde politico-médiatique avant d'être traînés dans la boue. Elle essaie de dépasser l'invective stupide (« nauséabond », « rance », etc.), ce que Szafran et Legrand seraient bien incapables de faire. Et, pour finir, elle pose une question jamais formulée : « Comment répondre à Onfray et Houellebecq autrement qu'en appelant à la censure ? »

La question est très juste, mais personne, pas même Natacha Polony, n'y répond, et ce, pour une raison simple : depuis fort longtemps, la presse française, qui fait si fort profession d'humanisme et défend le débat d'idées comme une tradition nationale, ne sait pas répondre à la contradiction autrement que par le sarcasme, l'ostracisme, le mépris, la haine, la calomnie, le mensonge ou l'appel au boycott - et on peut se mettre d'accord sur le caractère peu constructif d'un tel « débat ». Problème : si on répond à Houellebecq et Onfray sur le fond, sans essayer de les disqualifier par des attaques ad hominem, il va falloir reconnaître que la remarquable intervention de Pierre Brochand au Sénat, reprise par Le Figaro, n'est pas plus complotiste que nos deux écrivains et que le réel est malheureusement de droite - et même un petit peu facho.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:18.

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07 décembre 2020 à 10:30

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39 commentaires

  1. Nous sommes en « macronie » et l’on n’a pas fini de « macroner », de gesticuler et de brasser de l’air. Ça distrait et occupe les gueux. Pendant qu’ils sont béats devant leur poste de télé, on ne parle pas d’autres choses.

  2. Je suis moins enthousiaste pour Houellebecq mais adore écouter Michel Onfray dont l’intelligence et la sagesse
    me ravissent tjrs autant.

  3. nommer la pensée d’autrui comme  » sale » donne déjà un apperçu très clair de l’absence totale de hauteur de pensée et de réfléxion ! On peut en effet ne pas  » être d’accord » , mais dans ce cas on développe intelligement dans un dialogue constructif, chose que les  » insulteurs » n’ont soit pas le courage de faire, soit pas la compétence, soit les deux !
    Conclusion quand des imbéciles vous insultent, leurs insultes sont leur signature !

    1. Ne vous méprenez pas les « insulteurs » ne sont pas des imbéciles, ils savent ce qu’ils font et savent parfaitement dans quel but.

  4. Cela accentue un peu plus ma méfiance à l’égard de cette gauche, lorsqu’elle emploie à l’envie, des termes médico psychologiques, comme le mot névrose , à l’encontre de ces deux désenchantés de notre monde actuel et de ses lubies. Cela ne devrait être réservé qu’aux psychiatres habilités à le faire, et non pas à des journalistes à la botte! Parce que si on va sur ce terrain, je dirais qu’il y a aujourd’hui ,une catégorie de politiques totalitaires, qui par une sorte d’atavisme, reproduisent certains réflexes propres au régime stalinien ,dont les serviteurs zélés mettaient les opposants dans des asiles . On ne peut être que fou si on est contre ce paradis sur terre ; aujourd’hui mondialiste , hier communiste !

  5. Quels sont les ouvrages ou parutions littéraires qu’ont commit ces deux olibrius, qui peut citer un titre de livre de ces deux « écrivains » ? « Les ratés ne vous rateront pas » (Bernanos) et  » le temps viendra où l’on allumera des bûchers pour y brûler ceux qui osent rappeler que deux et deux font quatre  » ( Chesterton )

  6. J’aimerai bien avoir « la connaissance sale » de Michel ONFRAY et le « verbe dégoutant et la plume rance » que Michel HOUELLEBECQ !!!
    J’aimerai être aussi « sale » que ces deux personnages !!!!

  7. Quand la France ( et les Français) sera tombée encore plus bas, les Français se réveilleront enfin, comme le prédit M Onfray !

  8. Si tout le mon pensait aussi salement que ces deux-là, le niveau culturel serait indiscutablement réhaussé.

  9. Mr Szafran: le porte-serviette de la moraline de gôche
    Thomas Legrand: qui est ce?
    Natacha Polony aurait pu les défendre plus clairement. Décevante!

  10. Il viendra le temps où les droites comprendront qu’il faut s’unir pour remporter une victoire et qu’en mettant des étiquettes du genre «  extrême » la gauche entretient notre discorde et le rejet .
    Nous vivons une époque de laideur et de pathos et que ce soient les arts la mode ou la littérature nous constatons la décadence. Lorsque certains essaient de freiner dans la pente ils sont muselés.
    A nous de réagir s’il en est encore temps.

  11. Il est juste de dire qu’entre Szafran et Polony il y a une intelligence d’écart . Celle-ci transpire la réflexion tandis que celui-là ridiculise le métier de journaliste . Il pourrait enseigner à Sciences-Po . Au plan politique, faut-il rappeler que le fascisme fût directement issu du Socialisme dur ?.

    1. Abonné à Marianne depuis longtemps j’avais décidé de me désabonner quand Szafran est devenu rédacteur en chef mais heureusement Polony est arrivée et a sauvé le journal en revenant à l’esprit JF Kahn

      1. Laissez tomber Marianne, revue devenue trop « lisse » abonnez-vous à Valeurs actuelles, hebdomadaire toujours intéressant et qui vous en donne pour votre argent . En plus ils font du bien au pays !!

  12. Le mépris servant de réponse à tou(te)s ces soi-disant journalistes woke bobo-gaucho-parigot-tête-de-v… et d’ailleurs, se résume par le succès des ventes en librairies des œuvres de Onfray et Houellebecq.
    Ça s’appelle aussi « la jalousie », dont ni Onfray, ni Houellebecq n’ont que faire.

  13. « Comment répondre à Onfray et Houellebecq autrement qu’en appelant à la censure ? ». Pour leur répondre il faut avoir du « répondant », c’est à dire avoir le même niveau de clarté et de puissance de pensée que les mis en cause. Et cela, les « mettant en cause » n’en n’ont pas. Il leur reste, alors, l’invective et la dérision amenant à la censure.

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