« On marche sur la tête » : des clandestins remis en liberté faute de téléphone

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Un immense bâtiment bétonné, des dizaines de caméras, des barbelés. Ce lundi 5 février, à Olivet, à quelques kilomètres d’Orléans, un nouveau centre de rétention administrative (CRA) vient d’ouvrir ses portes. Annoncée en 2019, l’ouverture de ce centre, qui pourra accueillir jusqu’à 90 étrangers en attente d’expulsion, s’inscrit dans l’objectif du gouvernement d’atteindre 3.000 places en CRA, d’ici 2027. Mais à quoi bon ouvrir des places de rétention si les clandestins ne sont jamais expulsés ? Car bien souvent, les étrangers retenus dans ces centres restent en France. Soit parce que les laissez-passer consulaires, document essentiel pour renvoyer ces étrangers sans papiers, ne sont pas délivrés par le pays d’origine dans le délai des 90 jours imposé par la loi. Soit parce que ces clandestins, aidés d’associations et d’avocats pro-migrants, après avoir épuisé tous les recours en justice, trouvent une faille et obtiennent leur remise en liberté.

Sept clandestins libérés à Lille

Sept clandestins retenus dans un CRA à Lille viennent ainsi d’obtenir leur libération. Comme le rapporte Le Figaro, le juge des libertés et de la détention a en effet considéré que les placements de ces sept individus - quatre Algériens, un Soudanais, un Marocain et un Géorgien - allaient à l’encontre du respect de leurs droits fondamentaux prévus par le Code d’entrée et du séjour. En cause : ces retenus n’avaient plus accès à des téléphones pour communiquer librement, indique le magistrat. De fait, la loi prévoit que les CRA disposent d’un téléphone en libre accès et en état de marche pour 50 retenus. Or, à Lille, plusieurs combinés ont été endommagés, ces dernières semaines, par les clandestins eux-mêmes. Le groupe SOS Solidarités, qui assiste les retenus au sein du CRA, a alors saisi cette situation pour faire exiger leur remise en liberté.

La préfecture du Nord, qui rappelle pourtant que « les deux tiers des téléphones ont été réparés depuis et sont à présent fonctionnels » et que « des téléphones mobiles sont mis à disposition des personnes retenues, qui ont donc toutes la possibilité de téléphoner à leurs proches quand elles le souhaitent », a décidé de faire appel de cette décision. Le parquet, en revanche, dont l’appel aurait été suspensif, n’a pas fait appel. « C’est toujours très compliqué, le week-end, pour le parquet, à cause du manque d’effectif », confie une source proche du dossier à nos confrères du Figaro.

690 euros par jour 

Cette décision, bien que tout à fait conforme au droit, est largement critiquée, depuis 24 heures. Matthieu Valet, policier et membre du Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP), s’indigne sur X : « On a déjà du mal à expulser les OQTF, alors si, maintenant, même les CRA 4 étoiles ne suffisent plus… […] Le problème : ces téléphones sont HS car les étrangers eux-mêmes les cassent et c’est encore le contribuable qui rince. On marche sur la tête. » Un sentiment partagé par Valérie Boyer, sénatrice Les Républicains, qui dénonce une décision « absurde » et « écœurante ». « Au lieu d’être sanctionnés pour vandalisme, ces clandestins sont "récompensés" d’avoir détruit les locaux du CRA et circulent librement en France alors que leur OQTF devait être exécutée », commente-t-elle. Et Laurent Jacobelli, député du Rassemblement national, d’ajouter : « La Justice se saisit de la moindre excuse pour ne pas renvoyer les clandestins. Ce laxisme est une catastrophe pour la sécurité de nos compatriotes. »

Pour rappel, si des associations d’aide aux migrants râlent, chaque année, contre la vétusté ou l’insalubrité des CRA, l’État investit massivement dans ces centres. Un étranger visé par une procédure d’expulsion et placé dans un CRA coûte ainsi 690 euros au contribuable chaque jour. Une somme faramineuse qui vient s’ajouter aux nombreuses dépenses faites par l’État en matière migratoire (subventions aux associations, procédure d’expulsions, police aux frontières…).

Plutôt que d’investir massivement, l’État devrait sans doute d’abord revoir son droit des étrangers. À commencer par le délai des 90 jours au-delà duquel, si aucun laissez-passer consulaire n’a été délivré, la France n’a d’autre choix que de remettre en liberté le clandestin. Un délai bien plus contraignant que bon nombre de nos voisins européens. Et, sans doute, ensuite, revoir sa politique d’expulsion. Car à l’instar de ces sept clandestins, plus de la moitié des étrangers en CRA, loin d’être expulsés, sont finalement libérés au terme de leur rétention.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

54 commentaires

  1. Je ne sais plus quoi dire tant ce pays ne ressemble plus du tout à la France ! Où est cette dernière d’ailleurs ???

Commentaires fermés.

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