« La nuit tombe sur l’Europe » : exposition ? Non, propagande !

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C’est sous la grande "canopée" du Forum des Halles, cette affreuse toiture au maillage couleur de vomi, que se tient une exposition au titre sombre comme les pires heures de notre histoire : « La nuit tombe sur l’Europe. » Des photographies de Samuel Bollendorf, en collaboration avec Amnesty International et le fonds de dotation Agnès b.

Comme thème : le sort épouvantable des migrants qui abordent aux frontières de l’Europe et, surtout, l’absence d’humanité des Européens qui leur refusent l’accès libre sur leurs territoires.

Quand bien même elles ciblent des miradors, des barbelés, des plages où s’entassent des centaines de gilets de sauvetage qui n’ont sauvé personne, les photos sont relativement neutres. Mais il en va bien autrement du discours qui les accompagne, visant, avec la complicité de la mairie de Paris, à une propagande qui ne dit pas son nom.

Les chiffres nous sont jetés à la face : « Plus de 21 millions de personnes ont été contraintes de tout quitter pour prendre la route de l’exil », nous dit-on. « Jamais depuis 1945 le nombre de réfugiés n’a été aussi important ». C’est un drame, chacun en convient. Alors, puisque le temps est au manichéisme, on fait de nous les méchants : « Face à la montée des populismes, il est grand temps de se re-sensibiliser à la réalité de la brutalité, à l’insoutenable traumatisme que vivent ces milliers de femmes, hommes et enfants, errants sur les routes de l’exil. »

21 millions en combien de temps ? D’où sont-ils partis ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?

En regard de chaque photo, son récit de l’horreur : les passeurs turcs qui demandent 1.500 euros par personne et vendent 10 euros pièce de faux gilets de sauvetage ; les forcenés qui, à Calais, tentent chaque nuit de grimper dans les trains, meurent étouffés dans des camions, percutés par des voitures sur l’autoroute, noyés dans les bassins de rétention du tunnel sous la Manche… Les femmes et les enfants prostitués, le racket organisé dans les camps où des mafias se sont installées et monnayent tout.

Et puis il y a les accusations contre… « la police française », bien sûr, qui persécuterait les migrants et leur ferait vivre un autre enfer. Sans doute y a-t-il dans ses rangs quelques chiens galeux, mais on ne peut croire que des « migrants percutés sur l’autoroute par des véhicules de police » l’aient été volontairement, comme cela est sous-entendu dans cette litanie de l’horreur : « Traumatismes crâniens, fractures de la mâchoire et des mains, passages à tabac, lésions oculaires dues au gaz lacrymogène, morsures de chiens », etc.

Ce qui frappe, une fois de plus, c’est l’absence de réflexion derrière la dénonciation. Car bien qu’il y ait parmi les « plus d’un million de personnes [qui] ont demandé refuge à l’Europe en 2015 » nombre de salauds, de passeurs, de racketteurs et de proxénètes, quand ce ne sont pas des criminels de guerre et des terroristes, le discours qui nous est servi les range tous parmi les victimes dont la parole est forcément d’or. Pas de doute sur les propos et les faits rapportés, aucune interrogation sur les causes profondes de ces vagues migratoires.

C’est simple, simpliste même : l’homme blanc est coupable. NOUS sommes coupables de génération en génération, NOUS devrions ouvrir nos portes et nos lits en rédemption de nos péchés. Voilà le discours.

Un discours qui se retourne néanmoins, car si « la nuit tombe sur l’Europe », c’est en effet parce que l’Europe n’existe pas autrement que dans une culture du passé partagée. L’Europe économique n’existe pas, l’Europe judiciaire non plus, celle de l’harmonisation fiscale, n’en parlons même pas ! L’Europe de la défense ? C’est chacun pour soi. L’accueil des migrants ? Va donc voir à côté si j’y suis… L’Europe, mère des réglementations tatillonnes et absurdes, n’est même pas capable d’harmoniser ses prises de courant ou ses clés à molette !

Alors, que nous dit réellement cette expo ? Que l’Europe est plus qu’une illusion : c’est un fiasco !

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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