Alors que l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, le projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame, et que le Sénat doit l'examiner le 27 mai, la polémique se poursuit sur les intentions du gouvernement. En cause, notamment, l'article 9, qui autorise le gouvernement « à prendre par ordonnances […] toutes dispositions relevant du domaine de la loi de nature à faciliter la réalisation […] des travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris ».

Cathy Racon-Bouzon, députée LREM, a assuré qu’un « chantier exemplaire » et un « très haut degré d’exigence » seraient mis en œuvre. Même si l'on ne remet pas en cause sa sincérité, que valent ses propos par rapport à ceux du président de la République qui, dès le lendemain de l'incendie, sans même attendre un bilan des dégâts, a déclaré vouloir que le monument soit reconstruit « d’ici cinq années » ? Ou à ceux du Premier ministre qui annonçait, un jour après, le lancement d'un concours international d'architecture ?

C'est triste à dire, mais les Français n'ont qu'une confiance limitée à l'égard de leurs gouvernants. Quand Emmanuel Macron se précipite pour parler de « reconstruction » (les députés ont dû se battre pour obtenir qu'on utilise le terme de « restauration »), quand il souhaite « un geste architectural contemporain » pour remplacer la flèche qui s'est effondrée, quand il promet une cathédrale « plus belle encore », il y a de quoi s'inquiéter. On se demande s'il n'a pas la folie des grandeurs et ne voudrait pas laisser son empreinte dans l'Histoire en lançant, comme plusieurs de ses prédécesseurs, un « grand chantier ».

Georges Pompidou a légué à la postérité le Musée national d'art moderne, Valéry Giscard d'Estaing a mis en route le musée dʼOrsay, lʼInstitut du monde arabe et la Cité des sciences de la Villette. François Mitterrand fut prolifique : on lui attribue la paternité du Grand Louvre, celle de la Bibliothèque nationale de France, de lʼOpéra Bastille, de la Grande Arche de la Défense... Au point qu'on le surnomma « Tontonkhamon » ou « Mitteramsès ». Jacques Chirac eut son musée du quai Branly, François Hollande ne disposa pas d'assez de temps. Il faut bien que Macron, dont l'avenir est incertain, lance un projet qui lui survivra !

Tous ces monuments n'ont pas la valeur symbolique ni religieuse de Notre-Dame de Paris. Emmanuel Macron se verrait bien en bâtisseur de cathédrale. Il doit estimer que ce rôle convient à son prestige ! Mais Notre-Dame n'est pas un hochet pour Président en mal de notoriété. « Notre-Dame appartient au patrimoine de l'humanité », lui ont écrit, dans une lettre ouverte, plusieurs centaines d'experts et de chercheurs, critiquant sa précipitation et ce projet de loi destiné à accélérer les procédures. Et si elle appartient au patrimoine de l'humanité, c'est parce qu'elle appartient au christianisme.

Quand Cathy Racon-Bouzon qualifie de « faux débat » celui de la reconstruction à l'identique ou non de la cathédrale, quand elle ajoute que « l'histoire de ces cathédrales », c'est aussi « d'être à l'avant de l'innovation », on peut légitimement se demander si elle ne couvre pas les fantaisies jupitériennes qui pourraient courir dans la tête de notre Président. N'en déplaise à ses zélateurs, il existe un Saint Louis, il n'existera jamais de saint Macron.

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13 mai 2019 à 17:36

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