Mort il y a 30 ans, Jérôme Lejeune avait une vision prophétique des sujets bioéthiques

Tous droits réservés à la Fondation Jérôme Lejeune
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Sa découverte lui aurait valu un prix Nobel, l’enquête était en cours pour récompenser le professeur et son équipe scientifique. Las, non seulement Jérôme Lejeune ne sera finalement jamais gratifié pour avoir révélé au monde entier la trisomie 21, mais de plus, on lui a promis de détruire sa réputation médicale et scientifique. Pourquoi un tel acharnement auprès de celui qui a consacré sa vie à la recherche pour tenter de guérir les personnes porteuses de ce chromosome supplémentaire ?

Farouche défenseur… du serment d’Hippocrate !

Spécialiste des radiations atomiques dont il est officiellement expert auprès de l’ONU, repéré dès 1954 par les Américains comme le plus prometteur des jeunes généticiens français, co-découvreur de la trisomie 21 en 1959, titulaire de la première chaire de génétique fondamentale à la Faculté de médecine de Paris, créateur du premier certificat de cytogénétique et de celui de génétique générale, Jérôme Lejeune était sans conteste un très grand savant. Son tort ? Être opposé à l’avortement et affirmer que « la qualité d'une civilisation se mesure au respect qu'elle porte aux plus faibles de ses membres ». Or, ironise Jean-Marie Le Méné, président de la fondation Jérôme-Lejeune, « si on est contre l’avortement, on n'est pas un vrai scientifique ». Et gare à celui qui s'aventurerait à résumer le combat pour la défense de la vie à la grande foi du chercheur (en voie de béatification, il a été déclaré « vénérable » en 2021). « C’est en premier lieu, tient à souligner auprès de BV Jean-Marie Le Méné, essentiellement lié à sa vocation de médecin : le professeur Lejeune a été celui qui a incarné à la fin du XXe siècle la médecine hippocratique qui était en train de disparaître. »

Premier à dénoncer le transhumanisme

Autrement dit, une médecine au service de ses patients, qui soigne, soulage la douleur mais en aucun cas ne supprime le malade. « Lorsque le médecin devient l'ennemi du malade, parce qu'il propose de le tuer faute d’être capable de le soigner, c’est que la médecine a changé de camp. C'est la situation que l'on connaît aujourd'hui. Jérôme Lejeune voyait que cette médecine hippocratique était en train de disparaître. » Et le président d'ajouter « Au-delà de sa découverte et de son combat contre l’avortement, c’est peut-être là son apport principal : il a marqué le moment où la société était en train de changer, de basculer dans un monde transhumain post-humain et inhumain. Et il a été le premier à le dire. »

Autre aspect visionnaire de Jérôme Lejeune : sa vision prophétique des sujets bioéthiques. S’il est mort le 3 avril 1994, juste avant le vote de la première loi Bioéthique en juillet 1994 légalisant la PMA, il « n’était pas dupe sur le fait qu’elle s’étendrait aux couples homosexuels, il avait anticipé la GPA qu’il appelait "les mères vendeuses" », explique Jean-Marie Le Méné. « Jérôme Lejeune avait largement anticipé l'eugénisme radical à l'égard des enfants trisomiques 21. Il est mort dans une certaine souffrance morale, pensant qu’il avait failli à cette tâche de guérir ces personnes et qu’il les abandonnait à un sort qu’il connaissait. » L’humble professeur qui espérait continuer sa mission pendant sa retraite ne savait pas qu’une fondation poursuivrait son œuvre.

Condamnée pour « soupçon de trisomie »

Chantal Dang, maman d’une petite Marie, 10 ans, porteuse de trisomie 21, nous confie sa grande « admiration pour ce savant qui a sabordé une carrière internationale pour nos petits ». Le 21 et 22 mars, lors de la Journée mondiale de la trisomie, sa fille et elle se sont rendues à New York pour porter la voix des plus petits devant l’ONU et réclamer l'égalité d'accès à la santé pour ces personnes.

Car si, aujourd’hui, Marie est capable de se présenter naturellement en anglais devant une assemblée internationale, il y a dix ans, les médecins qui suivaient la grossesse de Chantal avaient prévu que le bébé, atteint de cardiopathie ne serait pas viable. Diagnostiquant, en plus, un « soupçon de trisomie » et sachant que la maman n'avorterait pas, ils lui ont d'abord suggéré de ne pas soigner le bébé et la laisser mourir naturellement. C’était sans compter sur la détermination de ses parents à la faire suivre comme n’importe quel autre enfant « normal ». « Marie a été sauvée, elle doit sa vie à la médecine. Elle n'aurait pas survécu sans un cardiologue incroyable qui l’a opérée. Nous avons donc rencontré des médecins extraordinaires et, en même temps, d’autres qui ont tout fait pour qu'elle ne naisse pas. » Tel est le message que Chantal a donc porté à l’ONU : « Que les médecins se forment et changent leur regard. »

Une société inclusive ?

Certes, « on ne change plus de trottoir quand on rencontre une personne trisomique. Il y a eu des initiatives très heureuses comme les Cafés Joyeux, on en voit qui font du cinéma, de la publicité, la trisomie est devenue un peu à la mode », observe Jean-Marie Le Méné. Pour autant, lucide, il complète : « On trouve cela très sympathique d'aller prendre un café joyeux, mais on n’a pas forcément envie d'avoir un enfant porteur de trisomie 21. L’eugénisme anténatal est toujours aussi fort : 96 % des enfants dépistés sont avortés. »

Pour l’heure, la fondation poursuit l’œuvre du professeur et expérimente des médicaments permettant, à terme, une amélioration des capacités cognitives et donc de l’autonomie, permettant à la société de les inclure plus facilement. Car, conclut Chantal Dang, « l’inclusion, c’est un joli mot sur le papier, mais en réalité, c’est encore un enfer à chaque pas qu’on essaie de faire ! » Cette dernière témoigne, espérant enfin que « la femme enceinte reçoive un discours positif sur tous les possibles de son enfant et sur la richesse de la différence qui reste la poésie du monde ».

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Iris Bridier
Journaliste à BV

Vos commentaires

8 commentaires

  1. À quand la Fondation  » Marthe Gautier , Raymond Turpin et Jérôme Lejeune  » ? Quand même , c’est Marthe Gautier, boursière à Harvard sur proposition du Professeur Robert Debré, qui se formera à la technique des cultures cellulaires, découvrira le chromosome surnuméraire dans les cellules d’un garçon trisomique, mais, ne disposant pas d’un microscope capable de capturer les images des lames, aura l’imprudence de confier ses lames à Jérôme Lejeune, étant ainsi victime de  » l’effet Matilda  » (par exemple, Rosalind Franklin, découvreur de l’ADN).

  2. Visionnaire Monsieur le Professeur Lejeune , lui avait compris où nous emmenait ceux qui voulaient supprimer tous les enfants trisomiques détectés par les échographies !!!
    Grand merci à lui de s’être battu pour tous ces petits êtres sans défense , un Médecin quelque soit sa discipline doit de se battre pour la Vie et non pour la Mort ( serment d’Hippocrate )

  3. La médecine d’aujourd’hui a montré son vrai visage pendant le COVID, en privant des soignants de tout moyen d’existence.
    Il est urgent de placer cette profession sous surveillance étroite, et surtout, supprimer ce « numérus clausus » fait pour protéger une « caste » !

  4. Hélas, je ne suis pas étonnée quand on parle aussi de geste de « fraternité » pour l’euthanasie ! De ce slogan « Mon corps m’appartient » en décidant un droit de vie ou de mort sur l’enfant qu’elle porte ! Nous vivons dans une société d’égoïsme , d’individualisme et cela nous perdra

  5. Je l’ai connu un confrère et ami de mon père…un grand savant d’une rigueur et d’une honnêteté que l’on ne rencontre plus.

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