Le Monde veut discréditer les Mémoires de Jean-Marie Le Pen

Le Monde redoute-t-il le succès des Mémoires de Jean-Marie Le Pen, qui doivent être publiés le 1er mars ? "Il est édité par un catholique ultra", titre-t-il, comme si c’était une tare, doutant qu’il trouve des lecteurs et citant la réflexion d’un éditeur de science-fiction, reprise dans un tweet : « […] les électeurs du FN ne sont pas réputés être de gros lecteurs. Il y a un décalage entre électorat et lectorat…"

On a rarement vu pareille suffisance, pareil mépris pour le peuple. Si ! Chez Macron, quand, du haut de sa superbe, il évoque les "gens qui ne sont rien" ou les accuse d’"illettrisme" et d’"alcoolisme". Mais est-ce une référence ?

Il est vrai qu’une partie des militants et sympathisants du Front national sont des ouvriers, des artisans, des agriculteurs qui ne lisent pas tous les jours ce journal « de référence », préférant se fier à leur bon sens, aiguisé par leur vie quotidienne, plutôt qu’à des analyses souvent partisanes et orientées. Avant de donner des leçons et de procéder à cette discrimination, Le Monde ferait bien de balayer devant sa porte.

Les Mémoires de Jean-Marie Le Pen semblent, au contraire, devoir attirer de nombreux lecteurs. À commencer par ses adversaires, qui le liront sans doute, ne serait-ce que pour le critiquer et exploiter ses piques contre sa fille. Si son éditeur a prévu un premier tirage de 40.000 exemplaires, c’est qu’il pense que cet ouvrage aura quelque succès.

Le fondateur du Front national, qu’on apprécie ou non son action passée, est un personnage historique. Dans Fils de la nation – c’est le titre du premier tome –, il revient sur son enfance, son père, de Gaulle, les guerres d’Indochine et d’Algérie, François Mitterrand. Son regard sur les trois Républiques qu’il a traversées vaut la peine d’être connu.

Il n’aimait pas de Gaulle ? Il n’est pas le seul. Ce que l’Histoire en retient relève plus d’un mythe entretenu que de la vérité : elle en accentue les qualités et en gomme les défauts. Ainsi, la manière dont il a mis fin à la guerre d’Algérie est pour le moins discutable : les pieds-noirs, les harkis et leurs descendants, les Français qui n’ont pas transigé avec la parole donnée, s’en souviennent encore.

En octobre 1956, le député poujadiste quitte les bancs de l’Assemblée nationale pour participer à la guerre d’Algérie et à la bataille d’Alger. Ce que les intellectuels de gauche ne lui pardonnent pas. Chacun jugera si cet engagement est ou non préférable à celui des « porteurs de valises » qui soutenaient le FLN.

On a le droit de ne pas partager les idées de Jean-Marie Le Pen, d’estimer que ses jeux de mots douteux et ses provocations lui firent du tort, ainsi qu’à son parti. Mais il est inconvenant de ne pas lui reconnaître du courage. Si on devait lui faire un reproche, ce serait de n’avoir pas su, à l’approche de ses 90 ans, admettre qu’il faut passer la main, que nul n’est indispensable et que s’acharner sur ses successeurs est une façon de se détruire soi-même.

Le Monde, qui l’a toujours critiqué, croit le rabaisser encore en insinuant que les électeurs du FN sont des rustres et en pariant que ce livre fera un bide. Paradoxalement, ne leur rend-il pas hommage, en les foulant ainsi de son arrogant mépris ?

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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