« On a des syndicats majoritaires qui n’ont pas une action prenant en compte l’intérêt des salariés mais dans le cadre du bien commun »

Le gouvernement vient d'annoncer une réforme de la SNCF et se donne deux mois pour convaincre. Réaction, au micro de Boulevard Voltaire, de Joseph Thouvenel, dirigeant syndical au sein de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

Joseph Thouvenel, un dialogue est-il possible entre l’État et les syndicats de la SNCF ?

Cela ne peut pas être une question. Il doit y avoir un dialogue. Sinon, c’est la guerre. Pour négocier, il faut cependant que les deux parties veuillent bien discuter.
Tout peut être réformé, y compris à la SNCF. Le tout est de savoir si la réforme est bonne. La SNCF affiche un déficit considérable de 46 milliards d’euros qui s’alourdit tous les ans de 3 milliards. Les choses ne peuvent pas continuer comme cela. Toutefois, la SNCF ne peut pas être considérée comme une entreprise de droit privé. C’est une entreprise de service public. Il faut donc mettre les choses sur la table. Il y a cependant une double difficulté.
Le gouvernement n’est pas responsable de la situation actuelle, car la situation n’est pas nouvelle. Les responsables sont les gouvernements précédents successifs, en raison du sous-investissement et des mauvais choix effectués. Mais se pose tout de même la question de la valeur et la fiabilité de la parole de ce gouvernement. Le candidat Macron avait par exemple affirmé que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, s’il était élu, se ferait. Je rappelle que je n’ai aucun avis sur le sujet. Je ne suis pas compétent pour savoir s’il fallait ou pas un aéroport. Je constate simplement que la parole de ce candidat devenu président de la République n’a pas été suivie d’effet. Il y a donc un problème de confiance.
D’un autre côté, les syndicats majoritaires adoptent depuis des décennies un comportement qui ne relève pas de l’action syndicale, au sens où on l’entend à la CFTC. Il faut évidemment prendre en compte le bien des salariés que nous défendons, mais dans le cadre du bien commun. Or, on s’aperçoit qu’il s’agit ici plutôt de défense corporatiste à très court terme. J’en veux pour preuve de nombreuses grèves qui n’étaient pas justifiées. Dans ce cas, le service public est largement perturbé et cela gêne les entreprises et les salariés. Il faut que ce soit justifié d’autant plus lorsqu’on a une responsabilité de service public.
Cette double dégradation à la fois du côté du politique et du côté des syndicats conduit à une situation assez explosive.

Le statut de cheminot a-t-il encore une raison d’être en 2018 ?

Il faut regarder les choses précisément. Le statut de cheminot est relativement complexe. Tout le monde en parle, mais il faut bien avoir conscience qu’il n’y a pas un seul statut de cheminot. Il y a en a plusieurs, selon que la personne est cadre ou non, et appartient au personnel roulant ou non...
Par exemple, les familles des cheminots ont des avantages sur le tarif des transports. La direction de la SNCF dit que cela coûte 21 millions par an, la Cour des comptes, elle, dit 100 millions. Ce n’est quand même pas la même chose.
Ce statut n’a pas à être figé. Mais avant de réformer un statut, il est souhaitable d’avoir la vérité sur ce statut et de regarder ce qui est utile ou non. Il faut aussi regarder les promesses qui ont été faites. Quelqu’un qui a été embauché à la SNCF, il l’a été dans un certain cadre. Ce salarié a pris des engagements, et l’entreprise également en a pris.
Il faut aussi prendre en compte l’avis des élus locaux, des usagers et du personnel. On peut nous dire que certaines dessertes locales ne sont pas rentables. Mais cette rentabilité doit aussi s’apprécier avec l’animation des territoires et le renforcement du fret ferroviaire.
Le statut des cheminots doit évoluer, comme il a déjà évolué, mais de façon raisonnable. J’entends par là que s’il dit être bouleversé, ce doit être pour des raisons précises qui correspondent à des besoins précis et pour le bien-être de la nation.

Joseph Thouvenel
Joseph Thouvenel
Secrétaire confédéral de la CFTC, président de l'Union départementale de Paris.

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