Mission flash pour l’hôpital : peut-on en espérer des conséquences concrètes ?

Face à la crise sans précédent traversée par les urgences et qui risque de dégénérer avec la période estivale, Emmanuel Macron a décidé de prouver son intérêt pour la profession médicale en lançant, ce mardi, une « mission flash » d’un mois destinée à dresser un état des lieux des difficultés rencontrées par les services d'urgences. Une réaction qui aurait sans doute été saluée avec plus d’ovations si elle était intervenue un peu plus tôt… Comme l’explique Pierre Schwob Tellier, infirmier aux urgences de nuit de l’hôpital Beaujon, à Clichy (Hauts-de-Seine), et membre du collectif Inter-urgences : « Il y a trois ans, on annonçait qu'on allait droit vers un effondrement. On est maintenant dans l'effondrement » (franceinfo, 31/5/2022).

La situation est en effet dramatique : le personnel est à bout, comme en témoigne cette étude menée par l’Ordre auprès de 60.000 infirmiers, début janvier. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 54 % des salariés d’établissements publics estiment traverser un burn out, avec des effets préjudiciables sur la qualité des soins, 15 % des infirmiers affirment vouloir changer de métier dans les douze mois à venir, quand 30 % des infirmiers comptent changer de métier dans les cinq ans à venir. Les raisons alléguées sont les mêmes depuis des années : manque crucial d’effectif, conditions de travail délétères. Ce cri de désespoir n’a pas semblé - et ne semble toujours pas - émouvoir l’État outre mesure. Après un long silence, Emmanuel Macron a daigné considérer le sujet, par l’annonce de cette mission flash. Outre la survenue plus que tardive de cette mission, un amer goût de déjà-vu tempère l’enthousiasme des principaux intéressés. « Une nouvelle mission pour quoi faire ? », interroge Pierre Schwob Tellier avec lassitude. Si l’on en croit les réactions qui ont suivi le Ségur de la Santé entrepris en 2020, il est en effet à craindre que cette nouvelle campagne ne produise rien de bien concret. Ainsi s’exprimait Frédéric Bizard, économiste de la Santé, au sortir de ce Ségur : « Les plans Hôpital 2007 sous Chirac et Hôpital 2012 sous Sarkozy étaient déjà massifs mais n’ont pas permis à l’hôpital de redevenir attractif et compétitif, faute d’une réflexion en amont. À nouveau, je crains qu’on ne reparte sur des dépenses récurrentes, de 7 à 8 milliards chaque année, qui remettent le couvercle sur le chaudron social à court terme sans proposer la moindre transformation » (Le Figaro, 12/7/2020). C’est en effet d’une réelle transformation qu’a besoin l’hôpital, et non d’une énième « commission d’enquête », d’un énième « plan », d’une énième « mission », destinés à rassurer les soignants en leur passant ce message salvateur : l’État pense à vous. La petite ritournelle est usée, ses pouvoirs magiques ne trompent plus grand monde.

Emmanuel Macron n’est pourtant pas sans savoir les difficultés majeures que traverse l’hôpital aujourd’hui. Ce ne sont pas uniquement des revendications salariales que font remonter les soignants, mais un besoin urgent de mesures concrètes, comme l'explique le patron des sénateurs des Républicains, Bruno Retailleau. Celui-ci assure tout d’abord qu’il est urgent de « débureaucratiser » l’hôpital, les soignants se trouvant empêtrés dans des méandres administratifs extrêmement chronophages, qui leur prennent un temps précieux qu’ils aimeraient pourtant consacrer à leurs patients. Le sénateur propose également de « remédicaliser la gouvernance de l'hôpital, c'est-à-dire confier, comme la plupart des pays européens, les grandes décisions de l'hôpital à ceux qui soignent et non pas à ceux qui administrent », de revaloriser les horaires difficiles en rémunérant davantage les infirmières qui travaillent la nuit et le dimanche ou encore de permettre aux aides-soignantes de remplacer ponctuellement des titulaires lors des vacances d'été (Europe 1, 1/6/2022). On ajoutera à cela les 15.000 soignants suspendus car non vaccinés. Mais leur réintégration « n'est absolument pas une réponse » à cette crise des urgences, martèle le Président. Bien sûr, réintégrer 15.000 personnes à des établissements en sous-effectif, cela n’aurait pas le moindre impact, cela va de soi.

Les cas dramatiques survenus faute de prise en charge sont légion : comment ne pas penser à Lou, 11 ans, décédée après des heures d’attente à Necker, à ce Rambolitain, mort après 11 heures d’attente aux urgences, ou encore à ce Strasbourgeois, décédé après 12 heures d’attente. Autant de familles déchirées par la perte de leur proche et à qui l’État ne peut même pas promettre que cela ne se reproduira plus jamais.

Il ne reste plus qu’à espérer que cette mission soit la bonne et que les voix du bon sens s’y fassent enfin entendre en décidant, pour une fois, que la racine des maux soit traitée, et non uniquement les symptômes.

Marie-Camille Le Conte
Marie-Camille Le Conte
Journaliste à BV

Vos commentaires

25 commentaires

  1. Assez de faire du vent ! ! !
    Assez de toutes ces visites sur place, de toutes ces « commissions fantasmatiques », de tous ces « grenelles fantoches » ! ! !
    Après l’anesthésie générale (et l’intervention), on passe en salle de réveil…et là, tout risque d’exploser tôt ou tard.
    Constatons simplement que notre pauvre France est dirigée par des incompétents rarement égalés.

  2. « les voix du bon sens s’y fassent enfin entendre en décidant, pour une fois, que la racine des maux soit traitée »

    Comme la buzyn l’avait répliqué à ‘une de mes collègues 1 jour de « réunion » avec le « petit peuple de soignants » : « il ne s’agit pas d’ manque de moyens financiers, de matériel ou de personnel, mais 1 problème de management. Vous pouvez faire plus avec moins ».

    Bourguignon dira la même chose après avoir empoché (et fait empoché à leurs copains) le salaire de cette « mission ».

  3. Pass vaccinal ,manque de soignants ,et demain peu être loi pour l’euthanasie …alors notre compte sera bon si besoin D’hôpital …pire encore si vous êtes vieux .

    • « demain peut être loi pour l’euthanasie »
      Le « peut être » est de trop.
      C’est prévu et il me semble me rappeler (je n’ai pas vérifié) que notre « bon maître » a dit passer par le 49 3 au cas où il n’aurait pas la majorité de l’AN(e)

  4. Peut-on rappeler ici que le seul candidat à la Présidence qui prévoyait de supprimer les ARS et de rendre la direction de l’Hôpital aux soignants était Eric Zemmour ?

  5. Encore un cautère sur une jambe de bois, c’est l’art de notre président – si l’on avait confié la gestion des hôpitaux à des médicaux le problème serait résolu depuis longtemps .

  6. But de la mission flash ,créer une couche de plus de fonctionnaires bureaucrates.
    Les ARS emplois des centaines de directeurs et adjoints pour diriger les services soignants dans chaque région. Des centaines x par 13 à gros salaire qui ne mettent jamais un pieds dans un hôpital pour travailler.
    Les ARS gérent les budgets et n’ étant jamais si bien servi que par soi même!!
    Il faut comparer la mission flash aux calendes grecques : circulez

  7. Pour enterrer une affaire, disait Clemenceau, créez une commission…Macron à bien retenue cette leçon !

  8. Ancien chef de service des hôpitaux, je sais comme tous mes anciens collègues de quoi meurent les hôpitaux français, DE LA SURADMINISTRATION et de la perte de pouvoir des médecins que j’ai vécue dans les années 80 où l’on a vu arriver dans les CHU, des directeurs issues de l’ENA qui ne connaissaient strictement rien à la santé, regardez le pourcentage d’administratifs par rapport aux soignants , tout est dit.

    • C’était plutôt 96/ 2009, non ? En stage  » management » (ou autre anglicisme à la mode woke) dans les années 95 à….2002? à l’Ecole militaire (en tant qu’attachée à la direction financière chargée de fusion des services de soutien et autres études de « rentabilité), stages grassement payés à des consultants) ,j’ai eu l’occasion de rencontrer le Colonel fraichement nommé directeur de l’Hopital mili de Lyon, complètement largué et désolé par ce qu’on lui demandait de faire ( gestion financière)

  9. Curieusement le pass sanitaire reste obligatoire dans les hôpitaux qui refoulent les non vaccinés à contrario des cliniques privés ou rien n est demandé

    • Le plus surprenant c’est qu’on ne meurt pas du covid dans les cliniques privées….allez savoir pourquoi !! le virus doit avoir peur….

  10. L’hôpital est débordé car les médecins des villes sont aux abonnés absents. Il faut rendre attractif ce métier et faire en sorte que le médecin puisse prescrire suivant le serment d’Hippocrate et non selon des directives contraires et non dénuées de conflits d’intérêts. C’est un frein aux projets mondialistes suggérés par Bil-Gates et l’OMS et donc à Macron qu’il faut défendre et redonner sens aux vraies valeurs qui ont fait la France.

  11. Des soignants ont été suspendu car ils ont refusé l’obligation d’une injection inutile, qui n’empêche ni l’infection par le virus, ni la transmission à d’autres personnes, et de plus dangereux vu le nombre d’effets indésirables graves!
    Une mesure donc simplement punitive aux conséquences dramatiques que se soit pour les patients en manque de soins et pour les salariés, qui auraient pu être évitées avec plus de solidarité comme aux Antilles…

    • Ils ont été suspendus, pire, privés de possibilité de travailler, pour « indocilité » (dixit M. Wargon).
      C’est ce qui attend tous les réfractaires aux injections de surveillance

  12. Nous n’avons pas droit à un « débat citoyen » menant à rien et dont la seule fonction était de faire briller notre Président au milieu de pseudo-représentants issus du « peuple » et triés sur le volet ? Non, l’heure doit être grave. La Santé à droit à une « mission flash ». Nouveau terme de la macronie qui sent bon le cabinet de consulting. Il suffit alors de regarder dans les dossiers de McKinsey pour connaître l’organisation de l’Hôpital en France.

    • Leur but et de privatiser les hôpitaux de les brader aux fonds de pensions américains,mackinsey s en occupe

  13. Hum …11H d’attente pour des urgences graves (vitales): N’est-ce pas aussi un problème de clairvoyance et d’intèrêt/empathie du personnel  » soignant », de défaut de  » facteur humain » (communication) ? Outre la paperasse administrative et la fatigue; Vu, vécu, outrée: L’art , dans les hôpitaux, de se noyer(ou de créer) la désorganisation; de prendre les  » souffrants » pour des serpillères qui encombrent, et de pratiquer l’art de la « toute puissance », en dégradé selon les niveaux « honorifiques …

    • « N’est-ce pas aussi un problème de clairvoyance et inintérêt/empathie du personnel » soignant » »

      Je voudrais que vous me donniez la recette/le traitement médical nécessaire pour que ceux qui sont harcelés moralement à longueur de journée et en dépression, ne recevant eux, aucun sentiment/signe d’empathie/’intérêt, aient la force physique et morale pour être eux même en empathie avec les malades et leurs familles (familles souvent agressives, ce que l’on peut comprendre au demeurant)

  14. Réintégration préalable de tous les soignants suspendus ! Honte à E. BORNE ! A quand sa mise en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui » ?

  15. Macron se transforme en » Flash » comme le héro de la BD des années 60 ! Pas de bol, nous sommes en 2022 et l’Hôpital est au bord du gouffre . Ce n’est pas avec des vieilles idées qu’on le sauvera. D’abord comme le proposait MLP , réintégrer les soignants virés comme des mal propre, dégraisser les services administratifs, payement des heures de nuit à revoir d’Urgence. Respect et considération, car eux aussi agressés et insultés. Définir des plans de carrière. Macron n’a rien fait depuis 5 ans !

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