Mères en colère : Nos enfants paieront vos retraites (mais pas les nôtres) !

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Le coup de colère de Frédérique Dillenseger, mère de famille nombreuse alsacienne, le jour de son anniversaire, a rencontré un succès sur Twitter qu’elle-même, sans doute, n’imaginait pas : près d'un million de vues, 10.000 « J’aime » et plus de 5.000 retweets, comme à chaque fois qu’une histoire personnelle fait écho à une injustice vécue en silence par de nombreux Français - Françaises en l’occurrence. 

« J’ai élevé 7 enfants, j’ai 62 ans aujourd’hui, j’ai 133 trimestres et c’est aujourd’hui que la caisse de retraite m’envoie le montant… je vous laisse apprécier le cadeau d’anniversaire. Liberté égalité fraternité Vive la France. » Sur la capture d’écran, on peut lire un montant dérisoire : 352,50 euros. Dans le fil des commentaires, les témoignages, s’empilent, similaires : « J’ai travaillé 10 ans avec mon mari commerçant, ma retraite est de 211 euros par mois », « idem pour mon épouse : avec un enfant handicapé qu’elle a dû prendre en charge car rien de prévu par l’État et avec un diplôme d’études supérieures qu’elle n’a pu exercer : 250 € par mois », « c’est exactement ce que ma maman perçoit en ayant eu 8 enfants, c’est dégueulasse », etc. 

Alors que le cœur du réacteur de la retraite par répartition est la natalité - sans cotisation entrante, pas de pension sortante -, les mères de famille qui ont sacrifié leur carrière sur l’autel de la maternité sont abandonnées à leur sort. 

Frédérique Dillenseger, jointe au téléphone, explique son amertume. Elle a mis au monde 4 enfants, en a élevé 3 autres - des beaux-enfants, issus du premier mariage de son mari, que la justice lui a confiés en 1981. Et elle est fière du résultat : « Ils travaillent tous », répète-t-elle plusieurs fois. L’un est gardien de prison, l’autre cuisinier dans l’événementiel, le troisième comptable, etc. 

Elle-même n’a jamais complètement arrêté, mais de poste d’ASH (agent de service hospitalier) en mission de femme de ménage, elle n’a eu que de modestes revenus, avec des années plus ou moins « fastes ». Plutôt moins que plus, comme le montre le récapitulatif de carrière que Boulevard Voltaire a pu consulter. Bien sûr, son nombre d'enfants lui permet d’engranger des trimestres supplémentaires, mais à quoi ceux-ci lui servent-ils si l’assiette de la retraite elle-même demeure dérisoire ?  

« Heureusement, j’ai un mari qui gagne sa vie », commente-t-elle. Mais c’est une question de « dignité » : « Quand je vois que des Ukrainiennes arrivées il y a quelques mois gagnent plus que moi… » 

Même si Frédérique n’avait pas de mari pour subvenir à ses besoins, elle pourrait compter, heureusement, sur quelques « filets sociaux ». Elle pourrait partir à la chasse aux compléments de retraite : l’ASPA - allocation de solidarité aux personnes âgées, anciennement appelée minimum vieillesse, permet d’atteindre 961,08 euros par mois. Sous conditions de ressources, la CAF peut verser une modeste assurance vieillesse des parents au foyer. Mais outre le fait qu’il n’existe pas, pour aider ces mères de famille, le quadrillage d’associations au service des migrants, très au fait des prestations ad hoc dans le maquis administratif français, la question de la reconnaissance demeure posée. La retraite de Frédérique Dillenseger, qui a « fourni » 7 cotisants, est moins élevée que l’ADA (430 euros) servie à un demandeur d’asile non logé ou que le RSA (607,75 euros). Curieuse gratitude de la société française pour un beau travail d'éducation et des sacrifices de tous ordres consentis. 

D’aucuns diront que ce travail n’en est pas un car il ne rentre pas dans le PIB - notons, étrange paradoxe, que quand Madame A. garde les enfants de Madame B., elle travaille, on l’appelle nourrice ou assistante maternelle. Quand elle garde ses propres enfants, elle ne travaille pas - et que, du reste, personne n’a forcé Madame Dillenseger à avoir des enfants ni à se sacrifier pour s’en occuper. Les auteurs de cette remarque dédaigneuse récurrente se trouvent très intelligents de ne pas avoir fait les mêmes choix ? Mais sur qui comptent-ils donc pour servir leur retraite ? 

C'est bien en raison de ces objections, qu’on leur oppose souvent et qu'elles finissent par se formuler à elles-mêmes, que ces mères de famille nombreuse n’osent pas faire valoir d’autres droits que ceux, faméliques, qu’on daigne leur concéder. Qui pour porter leur voix ? Personne, surtout pas les féministes, qui les considèrent comme les harkis de leur cause, les traîtres qui ont marché dans la combine du patriarcat. Et leur propre retraite, au fait, au terme de leur brillante carrière ? Qui la paiera ? 

 Frédérique Dillenseger est profondément opposée à la réforme en cours. Sur le décompte qui lui a été envoyé, il lui a été obligeamment signifié qu’en travaillant jusqu’en 2028, elle gagnerait… 100 euros de plus. 

« Tu fais confiance à la France, voilà le résultat », commente un twittos. « C’est indécent ! Faites des enfants, qu’ils disaient. Je comprends mes enfants qui ne veulent pas en avoir », renchérit un autre. 

Comment ne pas voir l'évidence : tant que la France ne rémunèrera pas mieux l’effort et l’investissement, y compris humain, que l’assistanat sans contrepartie, elle continuera d’éteindre les bonnes volontés en même temps qu’elle nourrira une sourde rancœur. 

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

35 commentaires

  1. Mais il y a des exceptions , ces femmes dans le monde des entreprises ou dans le monde politique , qui arrivent à faire (à élever c’est à vérifier) , de nombreux enfants et a réussir au plus haut niveau une carrière professionnelle ou politique , avec à la sortie une super retraite , prise le plus tard possible .

  2. On pourrait ajouter à la liste , ces milliers de femmes , qui jadis ont travaillé sans être déclarées , par des employeurs exploiteurs de plus miséreux qu’eux.
    L’Espagne vient de voter la retraite à 67 ans , et pas de protestations chez eux ? faudra m’expliquer.

  3. A force de vouloir que tout le monde soit sur le même niveau d’égalité, on en vient à des absurdités. Ce combat
    pour que les femmes ne soient pas lésées par le fait qu’elles ont choisi d’élever leurs enfants me rappellent celui
    des femmes qui elles souhaitent travailler mais demandent des avantages par rapport à leurs collègues masculins;
    par exemple de ne pas être éventuellement pénalisées dans leur progression si elles partent plus tôt le soir, ne
    peuvent pas voyager aussi souvent que nécessaire… mais c’est un pb sans réelle solution, pourquoi promouvoir
    une femme qui travaille 20à 30% de moins qu’un équivalent masculin qui de facto contribue plus dans son entreprise
    et ce simplement parce qu’elle est aussi mère de famille ? Donc on devrait récompenser les femmes qui élévent
    leurs enfants et rénonce à leur carrière ? Avoir un enfant est un choix personnel et c’est un choix que, pour ma
    génération (ancienne), on ne faisait que si on pouvait le faire, sans attendre comme aujourd’hui, des aides multiples
    de l’Etat. Et quand aux femmes d’artisans qui ont une très petite retraite, cela vient le plus souvent du fait que leur mari ne les a pas déclaré ou de facon incomplète.

  4. J’avais noté (sous toute réserve) dans le livret d’accueil aux étrangers : « vous n’avez travaillé en France ou pas assez travaillé pour avoir des droits, vous pouvez demander l’allocation de solidarité aux personnes agées ASPA » . Actuellement l’ASPA c’est 11533.02 euros/an . C’est pas énorme, mais c’est déjà mieux que ce qui dénoncé.

  5. Il vaut mieux dépenser des milliards pour les indésirables qui nous envahissent que les utiliser pour financer les retraites .
    Macron préfère les migrants .

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