On ne prétendra pas être expert en rap français, mais on le connaît suffisamment pour dire que Médine fait partie des rappeurs sérieux, de la famille de Kery James, du IAM des débuts, de La Rumeur. Il est de ceux qui, plutôt que de parler de bitches, de bagnoles et de money, entendent faire de la politique ou, comme on dit sur France 2, « délivrer un message ». Médine n’est pas un imbécile. Contrairement à Black M, par exemple, il ne chante pas pour les campings et les utilisateurs de Pokémon GO. Algérien d’origine, il évoque souvent l’islam dans ses productions. Il le fait sur le mode victimaire bien connu : la France n’aime pas les musulmans, elle les « stigmatise », ils ne peuvent pas vivre leur foi paisiblement et ne leur offre donc aucun espoir sinon l’envie de brûler des Abribus® et de vendre du shit.

En 2005, dans un album sobrement intitulé Jihad, Médine appelait à "crucifier les laïcards comme à Golgotha". Cette sentence, scandaleuse, vient d’être exhumée par la « fachosphère », qui s’indigne de ce que l’artiste puisse bientôt chanter au Bataclan. Pour Black M, Kery James ou Médine, c’est à la France de faire des efforts afin que les enfants « issus de la diversité » s’y sentent bien.

Ce discours est cohérent : c’est, en substance, celui de la gauche, qui rend les armes sur la laïcité par peur panique d’être accusée de racisme – et par calcul. C’est le discours de l’UNEF, de Terra Nova et de L'Obs. Nos rappeurs y ajoutent une touche de virilité banlieusarde qui émoustille le social-démocrate heureux de se remettre en question, d’interroger l’éternel exploiteur qu’il reste. Dans l’imaginaire de la gauche, les rappeurs jouent le rôle de porte-voix de la jeunesse immigrée soumise aux violences policières ; ce sont des contestataires, des veilleurs, des poètes des temps urbains.

Autrefois, il chantait : "Je hais les Blancs depuis Rodney King,/J’ai besoin d’une carabine" et "Ces porcs blancs vont loin,/Passe-moi une arme de poing,/J’vais faire un pédophile de moins". Médine, garçon cultivé, a signé ces paroles-là. Mais non, il ne voit pas où est le problème…

Il ne voit pas non plus pourquoi on lui refuserait la scène du Bataclan. Ou comment le fait de ne pas nommer les phénomènes finit par produire des situations cocasses. Car que s’est-il passé, le 13 novembre 2015 à Paris ? Selon les autorités et la presse dans son ensemble, des « terroristes » ont frappé. Quel est le lien entre les terroristes et l’islam ? Ce n’est pas clair du tout, d’après nombre de spécialistes. Ces gens-là sont « radicalisés », apprend-on. À quoi ? Ce n’est pas précisé, ils sont « radicalisés » tout court. Entre les lignes, on saisit que ces kamikazes se disent musulmans et que c’est au nom de l’islam qu’ils commettent ces carnages. Dire, comme tant de musulmans depuis la cavale de Merah, « cela ne nous regarde pas » est trop facile. Ce n’est pas respecter nos compatriotes musulmans que de les absoudre de toute responsabilité dans l’émergence de l’islamisme en France. La culture du silence, la banalisation du quiétisme et la posture victimaire sont un terreau favorable à l’éclosion de djihadistes.

Par certains de ses textes, de ses prises de position, Médine participe de l’islamisation de la France. Il se définit comme « islamo-caillera ». Il assume ses propos passés. Cela devrait rendre impossible sa présence au Bataclan. C’est une affaire de décence.

Dans cette affaire comme dans les autres, c’est d’abord notre faiblesse qui est en cause. Sur les idéologues, le réel a peu de prise ; cent attentats de plus ne feront pas « bouger » nos « humanistes » ; une kalachnikov sur le front, ils continueront de louer le « vivre ensemble ». Qu’on en juge : des rescapés du Bataclan prennent parti pour Médine. Leur aveuglement, partagé par tant de nos compatriotes, nous promet de rudes lendemains.

Que Médine aille donc chanter au Bataclan, puisque même des survivants du carnage le désirent. Et qu’ils y aillent eux aussi, d’ailleurs, et qu’ils prennent des selfies avec celui qui les traitait de « porcs blancs ». On leur souhaite un bon concert. Au moins, cette fois, vu la tête d’affiche, ils sont sûrs de s’en sortir indemnes.

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17 juin 2018 à 18:39

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