Me Thibault Mercier : « Le Conseil constitutionnel a décidé de placer le droit à la santé au-dessus de toutes nos libertés »

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Quelles sont les chances de voir le Conseil constitutionnel retoquer la loi instaurant l'extension du passe sanitaire le 5 août prochain ? Existe-t-il d'autres moyens de recours possibles ? Ce régime d'état d'urgence peut-il se prolonger ainsi indéfiniment ?

Réponses du co-fondateur du Cercle Droit & Liberté, l'avocat Thibault Mercier au micro de Boulevard Voltaire.

 

 

Le Conseil constitutionnel se prononcera sur le passe sanitaire le 5 août prochain. Pensez-vous que le texte puisse être amendé ou annulé ?

 

Amendé certainement, annulé je n’y crois pas une seule seconde ! S’il est amendé, ce sera à la marge, peut-être sur les sanctions ou la suspension de salaire pour les salariés qui refusent de se soumettre au passe sanitaire. Dans l’ensemble, j’en suis quasi certain, au vu de la jurisprudence émise depuis un an, que le Conseil constitutionnel validera l’extension massive du passe sanitaire aux activités quotidiennes.

 

Y a-t-il des éléments anticonstitutionnels dans ce texte ?

 

Il y en a énormément, notamment ceux qui portent atteinte à nos libertés de manière disproportionnée. Il est toujours possible de porter atteinte à des libertés, puisqu’elles sont parfois divergentes. La possibilité, pour une loi, de porter atteinte aux libertés doit être proportionnée : les mesures prises doivent poursuivre l’objectif désiré (la lutte contre l’épidémie) mais ne pas aller trop loin dans cette recherche. Il faut plutôt privilégier les pistes qui permettraient de porter moins atteinte à nos libertés.

Au vu de la connaissance que nous avons, désormais, du virus, qui n’est pas Ebola ni la peste noire, il faudrait cibler les personnes à risque plutôt que de cibler l’ensemble des Français et de les soumettre à un passe sanitaire. Il y a une disproportion portée dans les mesures de restriction des libertés. Là-dessus, le Conseil constitutionnel devrait effectuer son travail. Or, il a décidé de placer le droit à la santé au-dessus de toutes nos libertés et il validera certainement les dispositions votées par les députés et sénateurs.

 

Quel est ce recours que vous avez déposé devant le Conseil d’État ?

 

C’est un recours contre un décret pris le 19 juillet qui était la première étape du passe sanitaire pour le quotidien. Une loi prise fin mai par le gouvernement permettait d’imposer le passe sanitaire pour les activités de culture et de loisirs avec de grands rassemblements.

Le 19 juillet, l’État a pris un décret permettant d’imposer le passe à partir de 50 personnes. Nous considérons que 50 personnes, ce n’est pas un grand rassemblement, c’est pourquoi nous avons attaqué le décret devant le Conseil d’État ; nous avons perdu. Le Conseil d’État a considéré que les circonstances exceptionnelles de l’épidémie permettaient de prendre des mesures de police restrictives de nos libertés. Il me semble que l'exécutif se moque un peu de nous ! Désormais, le passe sanitaire est imposé sur la nouvelle loi du 19 juillet et s’étend aux actes du quotidien. Il s'agir d'attaquer cette nouvelle loi ou ses décrets d'application.

 

 

Combien de temps peuvent durer ces circonstances exceptionnelles ?

 

Il n’y a pas de règles, mais quand on regarde l’histoire du droit, la notion de dictature a été créée en droit romain et le dictateur avait les pleins pouvoirs pendant six mois avant de rendre les pouvoirs au Sénat. Maintenant, nous sommes en état d’urgence et cela va durer. Je ne crois pas que l’état d’urgence prolongé jusqu’au 15 novembre sera abrogé à ce moment-là. En plein milieu de l’hiver, on retrouvera d’autres arguments pour faire en sorte que l’état d’urgence continue. Le gouvernement est un peu « drogué » à l’état d’urgence et refuse de rendre les rênes de la démocratie au Parlement.

 

Reste-t-il des recours ?

 

Il y a deux recours possibles. Les décrets d’application, pris en application de la loi, pourront être attaqués devant le Conseil d’État. Il y a aussi la possibilité d’aller devant la Cour européenne des droits de l’homme en disant que la loi française est contre la Convention européenne des droits de l’homme. Je ne suis pas sûr que ce soit plus efficace, mais ce sera un degré de protection supplémentaire.

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Me Thibault Mercier
Avocat - Avocat à la Cour et co-fondateur du Cercle Droit & Liberté

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