Mary Higgins Clark : parce que la réalité dépasse souvent la fiction…

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On dit, et c’est exact, que la réalité dépasse parfois – souvent, peut-être – la fiction. La réalité n’avait pas épargné Mary Higgins Clark, romancière à gros succès. Elle en fit des fictions que le monde s’est arraché.

« La reine du suspense », expression consacrée, est morte vendredi dernier à 92 ans. Un âge fort respectable pour celle qui avait assassiné tant de monde dans ses livres. C’était une dame charmante, pas effrayante du tout ; une mère exemplaire qui, veuve à 35 ans, dut élever seule ses cinq enfants. Une bosseuse qui ne pleurnichait pas sur son sort à une époque où le « soutien psychologique » n’avait pas encore été inventé et qui s’offrit une licence de philosophie à l’université de Fordham (New York) à l’âge de 50 ans.

Elle aimait écrire depuis l’enfance, disait-elle, mais elle n’a connu le succès qu’en 1975, avec La Maison du guet. Ce qui l’a rendue célèbre ici, c’est La Nuit du renard, un livre qui a tant emballé son éditeur français, la maison Albin Michel, que ce fut le premier d’une collection spécialement créée : Spécial Suspense.

Parce qu’elle vous filait les miquettes, Mme Higgins Clark. Les chocottes. La trouille délicieuse qui vous accélère le palpitant, fait remonter les draps au-dessus des oreilles et s’enfuir le sommeil. Nuits blanches garanties : impossible de lâcher tant que l’assassin n’est pas connu. Et il était difficile à connaître… L’âme humaine est retorse et le talent de la romancière se nourrissait de ses méandres. Alors, on avançait, un œil sur la pendule : encore une page, puis une autre, puis un chapitre…

Mary Higgins Clark a produit une cinquantaine de livres, c’est dire si son imagination était féconde. Elle en a vendu près de 100 millions d’exemplaires de par le monde, c’est dire si les lecteurs l’aimaient. Mais pourquoi, au juste ?

Parce qu’elle écrivait « vrai ». Possible, plausible. Au ras de la vie. Dans ses mémoires, publiés en 2002, (Entre hier et demain), elle confie avoir rodé sa technique dans un groupe d’écriture animé par le professeur William Byron Mowery. Il conseillait à ses étudiants d'« écrire à propos de ce qu’ils connaissent, de se servir de situations dramatiques auxquelles ils ont été confrontés, ou qui les ont marqués dans des livres, en les faisant suivre des questions suivantes : “Supposons que...?” et “Que se passerait-il si... ?” » C’est une base, en effet, et la vie avait offert à Mary Higgins Clark une matière dont elle se serait sans doute bien passée mais qui nourrit son œuvre, preuve que si le pire n’est jamais sûr, il peut toujours vous attendre au coin de la rue ou de la chambre à coucher.

Comme le rappelle Le Huffington Post, la petite fille née en 1927 à New York, dans le Bronx, dans une famille modeste d’origine irlandaise, n’a pas été épargnée par la vie : « Elle a 10 ans lorsque son père meurt d’une crise cardiaque. Sa mère, se retrouvant seule avec trois enfants, est contrainte de partager sa maison avec des locataires. Mary Higgins Clark doit travailler très jeune. À cette époque, elle perd également son frère aîné mort brusquement d’une méningite, puis son neveu de 15 mois, tombé d’une fenêtre. Plus tard, elle perd son mari d’une crise cardiaque, devenant veuve à 35 ans avec cinq enfants à charge. »

Elle dira plus tard que « les drames familiaux ont influencé son travail ». Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts, à ce qu’on dit. Il y a ceux qui se lamentent et ceux qui rebondissent. Elle appartenait à la seconde catégorie.

Cette grande dame qui adorait la France, laquelle le lui rendait bien, aimait à dire : « Gagner à la loterie rend heureux un an, faire ce que l'on aime rend heureux toute une vie. » C’est une excellente philosophie.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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