Après les avoir traités de « fous », Macron en visite officielle chez les Polonais…

macron pologne

Docteur Emmanuel et Mister Macron ? Cet homme éprouve, décidément, d’indéniables problèmes de personnalité(s). Ainsi insulte-t-il régulièrement les Français avant de s’étonner que le débat avec ces derniers puisse parfois se montrer houleux. Idem pour nos voisins d’Europe de l’Est, semble-t-il.

Ces derniers se souviennent encore de sa visite en Slovaquie, en 2018, où il avait traité les présidents Viktor Orbán (Hongrie) et Andrzej Duda (Pologne) d'« esprits fous », coupables de « mentir à leurs peuples ». Rien de plus, rien de moins, et rien que ça, donc. Inutile de préciser que sa visite à Varsovie risque d’être… à haut risque.

À sa manière, Emmanuel Macron est une sorte de Donald Trump à la française, qui parle d’abord et ne réfléchit qu’après. Ces rodomontades mises à part, notre pétulant Président semble avoir pris acte du repositionnement stratégique américain, lequel ne touche pas que Proche et Moyen-Orient ; mais également l’Europe : logique, c’est l’irrésistible montée en puissance de la Chine, à la fois économique et politique, qui occupe tout le temps de cerveau disponible des stratèges de la Maison-Blanche.

De même, Emmanuel Macron paraît encore avoir intégré ces deux autres faits géopolitiques majeurs que sont le Brexit anglais et un repli allemand principalement dû au déclin électoral d’une Angela Merkel et à la montée en puissance du doute identitaire local - invasion migratoire oblige. Bref, le fameux couple franco-allemand n’est plus, tandis que l’Europe actuelle peut désormais se résumer à une sorte de chacun pour soi. Il est beaucoup murmuré, dans ces milieux tenus pour être « bien informés », qu’Emmanuel écouterait de plus en plus Hubert Védrine, notre dernier ministre des Affaires étrangères digne de ce nom. D’où sa visite programmée en Russie, le 24 mai prochain, occasion de laver l’affront fait par un François Hollande n’ayant pas jugé utile, les 4 et 5 juin 2014, d’inviter Vladimir Poutine à la commémoration du débarquement de Normandie.

D’où, aussi, son étrange pas de deux vis-à-vis d’un gouvernement polonais « accusé de croisade contre le courant LGBT » et d’oser se rebiffer contre une Commission européenne se mêlant de son domaine régalien, que ce soit en matière de liberté de juges ou de journalistes. À croire qu’Emmanuel Macron est obligé de composer, au plus haut sommet de l’État, avec des forces aussi puissantes que contradictoires que réseaux « progressistes » et ce qui peut demeurer de lobbies « nationaux » au sein du Quai d’Orsay. Ses journées doivent parfois être longues.

À condition de mettre de côté des sujets sociétaux ne relevant que de la seule souveraineté du peuple polonais, Emmanuel Macron serait en revanche plus légitime de tancer ses dirigeants sur des choix autrement plus importants, celui de leurs achats militaires, par exemple. En effet, est-il bien européen d'avoir privilégié, en 2002, la commande de F-16 américains aux dépens des Mirage français, d’annuler en 2016, et à la dernière minute, l’achat de cinquante hélicoptères européens Caracal ou, pour finir, et à deux jours de la visite officielle du Président français, de dépenser près de cinq milliards d’euros pour acquérir trente-deux avions de combat américain, modèle F-35 ?

Il est vrai que la Pologne est inquiète. L’Angleterre, son traditionnel allié sur le Vieux Continent, est reparti vers le grand large, son traditionnel terrain de chasse géopolitique. Les USA, son puissant sponsor, s’éloignent de jour en jour. Ce qui ne l’empêche pas de toujours avoir peur de la puissante Allemagne, même si la Pologne ne paraît pas être dérangée plus que ça d’avoir été transformée en atelier de sous-traitance allemande. Pour tout arranger, elle a encore plus peur de la Russie, comme si Moscou allait lancer une nouvelle fois ses chars sur Varsovie.

Malgré cet embrouillamini, la voix de la France demeure encore entendue en Pologne, même si, après la chute du mur, la diplomatie mitterrandienne s’est plus concentrée sur la réconciliation avec l’ennemi allemand que sur l’approfondissement de l’amitié franco-polonaise. Après tout, n’est-ce pas la France qui donna à la Pologne, en 1807, une Constitution et un Code civil inspiré du Code Napoléon, et qui contribua à la sauver en 1921 du péril communiste (un certain capitaine de Gaulle faisait partie de cette mission militaire...) ?

Le souci, c’est qu'Emmanuel Macron n’est ni Napoléon ni de Gaulle ; souhaitons-lui néanmoins bonne chance. Il en aura besoin.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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