Marlène Schiappa et Cyril Hanouna se font de la pub sur le dos des gilets jaunes

Schiappa Hanouna

Pas sûr que ce soit la place d'un membre du gouvernement, en l'occurrence Marlène Schiappa, de coanimer sur C8 une émission consacrée au grand débat national. Ni le rôle d'un présentateur comme Cyril Hanouna de se faire le médiateur des gilets jaunes. On peut surtout se demander à quoi ça sert, sinon à se faire de la publicité et à collaborer, consciemment ou non, à cette grande duperie.

Cyril Hanouna, l'air grave, rappelait que ce « Balance ton post ! » était l'émission « des Français qui parlent aux Français », comme s'il s'inscrivait dans la Résistance. Il voulait donner la parole à des citoyens en souffrance pour porter à l'Élysée sept propositions. Marlène Schiappa faisait office de secrétaire, notant, telle une élève appliquée, les propositions retenues et soumises au vote des téléspectateurs, s'efforçant de ne pas défendre trop directement la politique du gouvernement.

Tous deux, il faut en convenir, ne s'en sont pas mal tirés, même si notre secrétaire d'État était visiblement agacée d'entendre des doléances qui remettaient en cause la politique d'Emmanuel Macron. Elle ne put s'empêcher de lancer : "Il faut le dire, je suis désolée, mais nous sommes un pays qui aime se plaindre", provoquant les huées de l'assistance. Il fallait bien qu'elle évitât à la fois le reproche de partialité et celui de complaisance. En tout cas, elle ne méritait pas le commentaire à Sud Radio de Christian Estrosi, qui ne brille pas dans la délicatesse : "Si “Le Journal du hard” existait encore, peut-être que Mme Schiappa irait, je n’en sais rien."

Les sept propositions sont défendables : la TVA à taux zéro sur les produits de première nécessité, augmenter de 2 à 4 % le budget des hôpitaux, le retour de l'ISF, remise à plat et examen de l'utilité de toutes les niches fiscales, la peine de prison pour les fraudeurs fiscaux, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) réservé aux TPE et PME, revoir les cycles horaires de la police. Mais, franchement, il n'était pas besoin d'une telle émission pour les trouver. Sans compter qu'on pourrait en ajouter d'autres, tout aussi importantes.

Le problème est de savoir ce que fera l'exécutif de toutes les propositions qui sortiront des différentes formes du grand débat. Comment se fera le tri ? Qui sélectionnera les propositions ? Le fait que Marlène Schiappa soit l'ambassadrice de ces sept idées n'en facilitera pas, a priori, l'aboutissement. D'autant plus qu'elle a précisé qu'il faudra voir ce qui est réalisable et conforme à la Constitution.

Si l'on recense toutes les déclarations de Macron et des membres du gouvernement, on ne peut qu'arriver à la conclusion que des modifications à la politique actuelle se feront à la marge ou si elles permettent de l'accélérer. Le retour à l'ISF ? Il est exclu. Le Président a expliqué pourquoi il n'y toucherait pas. Quant au référendum d'initiative citoyenne, curieusement absent des propositions alors que la demande est prioritaire, le Premier ministre vient de s'y opposer, en lâchant cette formule : "Le RIC, ça me hérisse !"

Le gouvernement met en scène une grande consultation qui n'est qu'un vaste enfumage. Il espère que beaucoup de Français y participeront et que ce défouloir apaisera leur colère. Le seul reproche qu'on puisse faire à l'émission de Cyril Hanouna, outre sa longueur, c'est, peut-être avec les meilleures intentions du monde, d'avoir participé à cette grande mascarade.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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