Le 5 août 1994 avait eu lieu, à Cuba, le « Maleconazo », la plus importante manifestation populaire depuis l’arrivée au pouvoir, en 1959, des castristes. Plusieurs milliers de personnes, pour la plupart des candidats à l’exil, interdit par le régime, s’étaient rendus sur le Malecon, la fameuse promenade du bord de mer de La Havane, aux cris de Libertad! La manifestation s’était ensuite dirigée vers le centre de la capitale pour se transformer en émeutes avec pillages de magasins, etc. L’armée était intervenue avec un bilan officiel de trois morts, quatre-vingt-quinze blessés et 42 arrestations.

Dimanche 11 juillet, pour la première fois depuis 1994, c’est le même slogan de Libertad qui a été prononcé par une foule de plusieurs milliers de personnes (3.000 ? 5.000 ?) qui se sont dirigées vers le Capitole, un des symboles emblématiques de La Havane. Des affrontements plus ou moins violents se sont déroulés autour du Capitole, en particulier dans le parc de la Fraternidad avec non seulement les brigades d’intervention rapides de l’armée mais aussi quelques groupes pro-gouvernementaux. Signes d’un climat délétère, des manifestations malgré la surveillance des Comités de défense de la révolution et les risques de répression se sont également produites dans les rues de Santiago de Cuba, de Camagüey, de Cardenas mais aussi dans des petites villes comme Güira de Melena (26.000 habitants).

Les causes sont multiples et diverses.

D’abord et avant tout, ces manifestations à l’heure de l’effacement de la dynastie des Castro sont la conséquence d’une terrible crise économique et sociale, sans aucun doute la plus importante depuis la « période spéciale » des années 90 après la chute de l’URSS. Une crise aggravée par l’embargo mais aussi par un modèle économico-social totalement obsolète, accentuée par la pandémie liée au Covid-19 : pénurie de nourriture, de médicaments, des coupures de courant à répétition, un arrêt quasi-total du tourisme et de sa manne financière (plus de 4,2 millions de touristes en 2018 pour une population de 11 millions !). Il faut ajouter à cela un couvre-feu nocturne, une disparité grandissante entre une nomenklatura à qui tout est permis et le reste de la population et, paradoxalement, le rôle des réseaux sociaux avec, depuis 2018, l’arrivée d’Internet malgré son encadrement (mais c’est sans compter sur la invencion cubaine avec El Paquete Semanal, un contenu numérique de séries télévisées, de nouvelles de l’étranger, de musique, etc., diffusé clandestinement). Ainsi, la plupart des manifestations de dimanche ont été relayées en direct sur les réseaux sociaux.

Pur produit du Parti communiste, le peu charismatique président Miguel Díaz-Canel a non seulement appelé, par le canal de la télévision, les partisans de la révolution à se mobiliser (il a même participé, à San Antonio de los Baños, à une manifestation) mais a également dénoncé ceux qui veulent « profiter de la situation défavorable que nous vivons actuellement ». En première ligne, bien entendu, les États-Unis. On évoque, effectivement, à Washington une possible augmentation du budget de l’Office cubain de radiodiffusion basé à Miami, en charge des programmes en direction de Cuba de Radio Televisión Martí (qui a, du reste, diffusé des images des manifestations de dimanche).

Cuba reste en effet un enjeu géopolitique. La Russie de Poutine vient de le rappeler en mettant en garde « contre toute ingérence étrangère ». Car si Cuba tombe, il en sera également certainement terminé de la révolution bolivarienne à Caracas...

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13 juillet 2021 à 10:18

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