Depuis 2017, le paysage politique français est devenu chaotique, illisible. Il y a deux manières de pratiquer la démocratie représentative. Le point de divergence repose sur le mode de scrutin plus que sur le caractère présidentiel ou parlementaire du régime. Ou l’élection est uninominale par circonscription si possible à un seul tour, et l’intelligence des électeurs crée un bipartisme avec alternance, soit la proportionnelle multiplie les partis avec une tendance perverse qui veut que cette diversité épouse davantage les ambitions des uns et des autres que la pluralité des opinions. Dans le premier système, les choix sont donc clairs : celui des hommes a lieu dans le cadre des primaires internes aux deux grandes formations politiques, celui des idées doit également procéder d’une compétition entre les courants au sein des partis. Dans le second système, la multiplication des partis oblige à des coalitions parfois précaires, et même quelquefois hétéroclites.

La France avait choisi le scrutin majoritaire à deux tours, uninominal sauf pour les municipales et les sénatoriales, au début de la Ve République. Cela permettait d’éviter que le Parti communiste, qui pesait alors 25 % des voix, ne prenne la majorité, ce qui était très possible avec un seul tour. L’élection du Président au suffrage universel direct étendait le système au plus haut niveau. Par la suite, essentiellement du fait de la gauche, la confusion a été introduite avec la proportionnelle pour les municipales, pour les régionales et pour les européennes, et en 1986 uniquement, pour les législatives, avec des limites différentes pour chaque type d’élection. Le vote uninominal majoritaire à deux tours conduisait logiquement à quatre partis, deux de gauche (PS et PC), deux de droite (RPR et UDF). L’introduction de la proportionnelle en a introduit d’autres, et notamment le Front national et les écologistes, faux nez des gauchistes soixante-huitards. Une fausse bonne idée a progressivement gagné la « droite », celle d’unir en un seul mouvement les durs et les modérés, ce qui a adouci l’ensemble et favorisé le transfert d’un certain nombre des premiers vers le Front national. La logique de l’élection primordiale dans un régime parlementaire, à savoir les législatives, aurait dû amener un « jeu » à quatre : écolo-gauchistes et socialistes à gauche, FN et UMP à droite. Le poids dominant de l’UMP lui aurait assuré la suprématie, mais le FN aurait existé à la mesure du nombre de ses électeurs et aurait sans doute poussé l’ensemble vers une politique de droite en cas de succès.

Deux facteurs ont brisé cette logique : d’une part, un interdit irrationnel à l’intérieur de la droite parlementaire a empêché tout rapprochement avec le FN, même pour partager le pouvoir local ; d’autre part, le quinquennat a présidentialisé le régime de manière excessive et vidé les législatives de leur importance. Alors, on se retrouve dans une situation ubuesque où l’alliance contre nature entre la « droite » et la gauche l’emporte sur la clarté d’une confrontation gauche-droite.

Comment est-il possible qu’au nom d’obscures valeurs, la « droite » préfère la gauche à la droite ? Or, des élus qui se prétendent « de droite » soutiennent le rejeton du PS tendance Attali, caviar et Terra Nova qui occupe l’Élysée, et ceux qui semblent vouloir le déloger, comme un certain Xavier Bertrand, désignent le Rassemblement national comme leur ennemi et les Identitaires comme plus infréquentables que les communistes. On comprend la réaction outrée de Robert Ménard lorsque Xavier Bertrand refuse de lui parler.

Il est indispensable, en effet, que ce brouillard entretenu se dissipe, que les gens qui se sentent proches par les idées se parlent et essaient de s’unir plutôt que de trahir les valeurs de ceux qui les élisent en s’alliant avec une gauche qui ne renonce pas à son idéologie.

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13 juillet 2021 à 10:04

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