Macron ou la tentation du consensus

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« Il faut quand même reconnaître que nous avons de la chance », me disait un ami il y a quelques années, au plus fort du combat contre le Mariage pour tous, « En plus de méchant, Hollande pourrait être intelligent. »

Il est écrit que chaque président, décidément, nous fera regretter le précédent. L’entrée en fonction à peine passée, c’est déjà le cas : celui-ci, pour notre malheur, n’est point idiot.

La constitution de son gouvernement d’ouverture est fascinante. Fascinante par sa capacité d’annihiler l’opposition. Qui fait preuve d’une immense bienveillance.

Les analystes autorisés - y compris de droite - ont chaussé leurs lunettes rose Macron. Un secrétaire d’État chargée des personnes handicapées mère d’un enfant trisomique 21, c’est en effet une très belle idée : nul ne pourra lui reprocher de ne rien connaître des réalités. Un ministre de la Culture dirigeant Actes Sud - maison d’édition à la mise en page un peu compacte à mon goût, mais ayant su dénicher de petites merveilles -, c’est séduisant. Un ministre de l’Éducation patron de l’ESSEC est la promesse de faire de nos petites têtes blondes des winners - n’est-ce pas le rêve de tout parent ? Un ministre des Armées féminin laisse imaginer qu’il ne sera pas va-t-en guerre - les vétérans des Malouines n’ont peut-être pas le même avis. Un ministre de l’Économie venant de la droite rassure, tout le monde sait que le tiroir-caisse est son domaine de compétence - et ce sera bien commode pour mouiller sa famille politique si d’aventure il se plante dans cette mission ô combien casse-gueule. Un Garde des Sceaux au centre, c’est parfait : cette place-là n’est-elle pas par nature celle du juge qui arbitre ? Le saint écolo Nicolas Hulot, dont on ânonne la charte à l’école comme autrefois le Je vous salue Marie, est la cerise sur le gâteau.

Cette « immense bienveillance » procède sans doute d’une certaine honnêteté - il faut voir les points positifs et ne pas critiquer pour critiquer ! Ce que ne se serait pas gênée pour faire la gauche en pareil cas, mais nous valons mieux qu’elle, n’est-ce pas ? - mais aussi d’une lâcheté larvée, d’une lassitude de combattre, d’une envie de choisir la paix plutôt que la vérité. Et puis tant de chefs ont eux-mêmes déserté.

C’est la « tentation du consensus » comme l’appelait, déjà, en 2011 Chantal Delsol, mettant en garde :

Nous voulons instituer le consensus pour instituer la paix et la concorde, et par lui nous aspirons sans le savoir à des gouvernements autoritaires.

Parce que le consensus n’est évidemment rien d’autre qu’une pensée unique dont on a poli les aspérités : « Ce gouvernement offre peu d’angles d’attaque à la droite », résume Guillaume Tabard dans Le Figaro. Le rêve peut continuer. Peut-être qu’après tout Macron sera bon ? Que la France va renouer avec la performance ? Moment de grâce. La DS dans la cour de Matignon comme Brigitte sur les marches de l’Élysée, tenant à la fois de Mireille Darc et de Claude Pompidou, nous renvoient aux heures les plus prospères et insouciantes de notre Histoire.

Oui, mais voilà, il y a d’autres signaux. Comme les propos exhumés par la presse de Marlène Schiappa, nouvelle secrétaire d’État à la Laïcité, considérant qu’il faudrait, pour satisfaire à la loi de 1905, interdire la messe à la télé mais permettre le voile islamique à l’école.

Ou encore le tweet triomphal, hier, de Benjamin Griveaux, porte-parole d’Emmanuel Macron : « Nous ouvrirons la PMA à toutes les femmes ! ».

On peut les minimiser, faire comme si on n’avait rien vu, rien entendu, et continuer à se laisser gentiment désarmer. Ou bien choisir la vérité plutôt que la tranquillité et la naïveté.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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