Macron et la Pologne : bien plus qu’un désaccord sur la directive « travailleurs détachés »
Si le président Macron voulait vraiment réformer la directive sur les travailleurs détachés, il s’y prendrait autrement avec la Pologne.
Dans un entretien publié lundi dans l’hebdomadaire conservateur polonais Sieci, le Premier ministre conservateur Beata Szydło estime que les véritables raisons des attaques inédites d’Emmanuel Macron contre son gouvernement résident non pas dans la position de Varsovie sur les travailleurs détachés mais dans le refus polonais d’accueillir des quotas d’immigrants illégaux. Car le problème, ainsi que le faisait récemment remarquer Christian Vanneste sur Boulevard Voltaire ("Emmanuel Macron, arrogant et idéologue..."), c’est que, lors de son allocution du 25 août en Bulgarie, Macron ne s’en est pas pris spécifiquement à la position polonaise sur les travailleurs détachés mais à la politique globale du gouvernement polonais, qui porterait atteinte à l’État de droit et mettrait la Pologne à la marge de l’Union européenne.
Si Emmanuel Macron attaque la Pologne de la sorte, c’est aussi, toujours selon Beata Szydło, parce que "ce qui se passe en Pologne est clairement différent de ce que les élites [d’Europe occidentale] proposent à leurs citoyens". "Prenons l’exemple de la politique migratoire", renchérit le Premier ministre polonais dans Sieci, "les élites européennes attaquent la Pologne et les pays du groupe de Visegrád parce qu’ils ne veulent pas accepter les quotas obligatoires de réfugiés. […] Nous montrons qu’on peut conduire une autre politique et vivre sans crainte d’attentats terroristes. C’est un exemple d’autant plus dangereux pour les leaders de certains pays que, quelle que soit leur négation de la réalité, la frustration des sociétés affectées par de tels malheurs va croissant."
Lors de sa tournée dans les capitales d’Europe centrale et orientale, Emmanuel Macron a volontairement évité Varsovie et Budapest et tenté, sans grand succès, de diviser le groupe de Visegrád. Pourtant, il existe des arguments qui pourraient convaincre ces deux capitales et le reste de la région à des concessions sur la directive des travailleurs détachés, si c’est ce qui importe vraiment au Président français. Car, comme le redit Beata Szydło dans l’interview pour l’hebdomadaire Sieci, et c’est aussi vrai pour les autres gouvernements de la région, le gouvernement du PiS est "pro-européen, démocratique, et veut une Union européenne forte fondée sur des principes de partenariat". Les Polonais, comme les Hongrois et les autres ex-pays de l’Est qui ont connu la domination de Moscou, demandent simplement à être traités comme des partenaires, dans une relation d’égal à égal, sans qu’on leur donne sans arrêt des leçons de démocratie et d’État de droit, ni qu’on cherche à leur imposer une idéologie (communiste et internationaliste hier, libérale-libertaire et multiculturaliste aujourd’hui).
La Pologne est, de loin, le plus grand des ex-pays de l’Est qui ont rejoint l’Union européenne. Si le Président français souhaitait vraiment renégocier la directive sur les travailleurs détachés, il parlerait aux dirigeants que le peuple polonais s’est choisis dans des élections libres et démocratiques et il chercherait à les convaincre qu’en l’état actuel, la concurrence déloyale insupportable que représente cette directive pour les travailleurs français risque de conduire la France au Frexit. Cela, la Pologne ne le veut pas et c’est donc un argument de poids. Accessoirement, Emmanuel Macron pourrait achever de conduire les dirigeants polonais à plus de souplesse en leur promettant qu’en échange de concessions sur cette directive, la France s’opposera désormais aux ingérences insupportables de Bruxelles dans leurs affaires intérieures. Cela ne coûterait rien, car les sanctions pour atteinte à l’État de droit n’ont aucune chance d’aboutir face à l’opposition de plusieurs pays (il faut l’unanimité) et ce ne pourrait qu’être bénéfique pour le fonctionnement de l’Union européenne.
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