La France a officiellement reconnu le génocide arménien de 1915 par la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001. Sans en spécifier les auteurs, toutefois : il ne fallait pas froisser la Turquie ! Mardi soir, Macron a récidivé, mettant en application, même sur ce sujet sensible, sa stratégie du « en même temps ». On constate qu’il a pris moins de précautions quand, en février 2017, lors d’un voyage en Algérie, il a qualifié la colonisation française de "crime contre l’humanité".

Quand un homme politique est plus indulgent avec un État étranger qu’avec son propre pays, on peut légitimement s’interroger sur ses priorités et les sentiments qui l’animent.

Invité du dîner annuel du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), devant 500 personnes de la communauté arménienne, le locataire de l’Élysée s’est engagé à faire inscrire au calendrier une "journée pour la commémoration du génocide". Mais il a refusé de condamner la Turquie. Il vaut la peine de revenir sur son argumentation, caractérisée par un mélange de cynisme et de duplicité.

S’il a souligné que "le combat pour la justice et la reconnaissance [du génocide] est notre combat", il n’a pas cité la responsabilité de la Turquie, bien qu’elle continue de ne pas se montrer tendre avec les minorités et qu’elle n’apparaisse pas, actuellement, comme un modèle de démocratie. Bien au contraire, il a défendu sa politique de dialogue avec le président Erdoğan, qu’il a reçu officiellement au début du mois de janvier.

Erdoğan est un homme qu’il faut ménager. Le 24 novembre 2014, il avait affirmé que, selon le Coran, "les femmes ne pouvaient être considérées comme les égales des hommes", ajoutant que "le rôle des femmes dans la société est de faire des enfants". À la rentrée 2017, les programmes scolaires ont été modifiés dans certaines classes, introduisant la notion de djihad et supprimant toute référence aux théories de l’évolution. Ces modifications doivent être étendues. Comme on le voit, c’est un régime avec lequel on peut dialoguer sans le moindre scrupule.

En bon pragmatique, Emmanuel Macron a répété que "nous avons besoin d’alliés, y compris ceux qui ne partagent pas nos valeurs", pour lutter contre le terrorisme ou la crise migratoire. Il est vrai qu’on peut faire confiance à un État qui se réclame de l’islamisme pour combattre le terrorisme – quand ce combat rejoint les intérêts momentanés de la Turquie. Que la France et l’Europe subissent le chantage du gouvernement turc est de nulle importance, n’est-ce pas ?

D’ailleurs, pour notre Président, il ne sert à rien de "condamner" pour "ne pas avoir à discuter". Il oublie de préciser qu’il faudrait que la France en tirât au moins quelque avantage. En fait, l’Union européenne s’en remet à la Turquie pour se protéger des excès de l’immigration issue du Proche-Orient, laissant à d’autres le soin de lui assurer une très relative souveraineté territoriale.

J’assume ce déséquilibre, ce choix plus difficultueux, […] moins glorieux que de grandes déclarations, mais plus utile,

insiste Emmanuel Macron, décidément incorrigible et fier de ses certitudes. Quand un chef de l’État se vante d’une politique qui consiste à livrer à un pays étranger, dont les accointances avec l’islamisme ne sont pas à démontrer, la défense de ses frontières, on peut légitimement se demander s’il est digne de diriger la France.

Il mériterait au moins une destitution morale, tant que les Français ne sont pas encore suffisamment nombreux à demander que son bail à l’Élysée soit définitivement rompu. Mais faut-il s’étonner de cette politique, de la part d’un homme dont l’échelle des valeurs commence et se termine par l’argent qui, c’est bien connu, n’a ni odeur ni frontières ?

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31 janvier 2018 à 17:45

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