Macron complotiste ou seulement dubitatif ?

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Emmanuel Macron virerait-il complotiste ? Dans un entretien au Financial Times, le président de la République vient de déclarer, à propos de la gestion de la crise sanitaire en Chine : « Il y a manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas. Il appartient à la Chine de les dire. » Une sorte d’adaptation, plus sophistiquée, du fameux « On ne nous dit pas tout », leitmotiv des brèves de comptoir d’Anne Roumanoff. Mettez ces propos dans la bouche de Marine Le Pen et je vous laisse imaginer la suite... Dans un monde où douter devient douteux !

Au même moment, on lit, ici et là, des tas de choses sur ce qui a pu se passer à Wuhan, notamment sur le fameux marché qui, semble-t-il, n’a rien à voir avec les marchés de Provence chantés, jadis, par Gilbert Bécaud. On a parlé de la chauve-souris, du pangolin, cet animal qu’on n’aimerait pas rencontrer au coin d’une rue tant il est laid. Et puis, on a évoqué (tout aussi fameux) ce laboratoire de Wuhan. Décidément. Le virus s’en serait échappé. « Fake news », entendait-on, ici et là. En plus, un laboratoire visité, en 2017, en grandes pompes par le très précaire Premier ministre, Bernard Cazeneuve, en compagnie de Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, et d'Yves Lévy, président-directeur général de l’INSERM et, à la ville, époux d’Agnès Buzyn. Alors, vous imaginez...

Ces propos présidentiels font, en tout cas, comme un écho à ceux que Mike Pompeo, le secrétaire d'État américain, a tenus, jeudi aussi, à Fox News, en annonçant qu’il lançait une enquête afin de faire la lumière sur l’origine du virus : « Ce que nous savons, c’est que ce virus est né à Wuhan, en Chine… Ce que nous savons, c’est que l’Institut de virologie de Wuhan n’est qu’à quelques kilomètres du marché de rue. » C'est un fait.

Du côté français, « des choses qu’on ne sait pas », du côté américain, « ce que nous savons ».

Mais attention, ne nous méprenons pas sur le fond de la pensée présidentielle. En effet, France Inter, qui a dû immédiatement flairer le risque d’une interprétation « complotiste » des propos d’Emmanuel Macron, s’empresse d’expliquer que « le Président français semble toutefois très éloigné de la ligne américaine qui va au-delà de ces simples doutes ». Faudrait surtout pas confondre le grossier torchon trumpien avec la subtile serviette macronienne.

Le 1er avril dernier, Slate, le magazine en ligne fondé par Jacques Attali et Jean-Marie Colombani, publiait une tribune de l’Américaine Lili Loofbourow intitulée « En parlant de “virus chinois”, Trump tente de faire oublier sa gestion catastrophique de l’épidémie », n’hésitant pas, d’ailleurs, à parler de « stratégie xénophobe ». C'est possible. La rédaction de Slate soulignait même, à la fin de cette tribune, que Mike Pompeo « persiste à nommer le coronavirus “virus de Wuhan”, allant jusqu’à essayer d’imposer l’expression dans un communiqué du G7… » Alors, en lisant les propos d’Emmanuel Macron dans le Financial Times, ne peut-on pas aussi se demander légitimement si, lui aussi, n’essaye pas de faire oublier la gestion de l’épidémie dans notre pays en détournant l’opinion publique vers la Chine ? C’est si loin, la Chine. D'ailleurs, mardi dernier, Jean-Yves Le Drian convoquait l’ambassadeur de Chine afin de le recadrer après que ce dernier a tenu, sur le site officiel de l’ambassade chinoise, des propos « relevant de la désinformation », notamment sur la gestion de la crise dans notre pays. Heureuse faute !

On l’aura compris, la gestion de l’après-crise, c’est aussi déblayer le terrain pour qu’Emmanuel Macron en sorte sans séquelles, avec ou sans masque.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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