LR ou pas LR ? Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée

Vous avez peut-être vu, ces derniers mois, à la Comédie-Française, ce petit chef-d’œuvre de Musset intitulé Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. Ce « Proverbe » en un acte, qu’il vaut la peine de relire, à défaut d’assister à sa représentation, illustre le triomphe de l’amour et de la sincérité, loin des faux-semblants.

Ce titre m’est venu à l’esprit en constatant les tergiversations du parti LR à l’égard des élus qui l’ont déserté pour rejoindre le gouvernement d’Édouard Philippe, lui-même déserteur, ou pour former, avec l’UDI, un groupe bizarrement appelé « Les Constructifs ». Comme si les autres députés avaient pour vocation de détruire !

Les orthodoxes du parti ne savent pas se décider : faut-il fermer la porte aux hérétiques, après leur trahison, ou la garder ouverte au cas où quelques-uns prendraient conscience qu’ils se sont fourvoyés ? Certes, Éric Ciotti, échaudé par son éviction d’un poste de questeur, souhaite "que ceux qui ont décidé de ne pas siéger dans [son] groupe quittent [son] parti ou en soient exclus", mais on en reste là : ni ouverte, ni fermée, la porte est entrebâillée.

Pourtant, des sanctions ont été prises. Et pas n’importe lesquelles ! On apprend ainsi que Daniel Fasquelle, trésorier du parti, aurait décidé, depuis le 1er juin, de refuser les cotisations des ministres Édouard Philippe, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. À compter du 1er juillet, Thierry Solère, le fondateur des « Constructifs », et Franck Riester, coprésident du groupe, devraient subir le même châtiment. Les autres auraient le droit de faire leur acte de contrition et de revenir à la maison.

Voilà une sanction exemplaire et dissuasive, n’est-ce pas (à supposer qu’elle soit vraiment mise à exécution) ? Dorénavant, ces élus seront dispensés de verser une cotisation à leur parti. Ils pourront se payer quelques pots supplémentaires à la buvette de l’Assemblée et y tirer des plans sur la comète. Quant au parti, comme un enfant qui se punit pour affirmer qu’il existe, il disposera d’un peu moins de ressources. Mais au point où il en est…

Rassurez-vous ! Le prochain Bureau politique du LR se réunit le 11 juillet : il va débattre d’une éventuelle exclusion de ces fauteurs de troubles !

Si j’avais le pouvoir de l’influencer, je suggérerais que cette procédure fût étendue à tous ceux qui, à l’issue du premier tour, ont appelé, sans une once d’hésitation, à voter Macron pour « faire barrage » au Front national. Car, enfin, n’ont-ils pas ainsi encouragé des élus LR à pousser la porte pour aller voir ailleurs, dans le camp adverse – ou plutôt chez leurs concurrents –, si la nourriture était meilleure ? Ils ont, à leur façon, participé au grand mercato de la politique.

Les LR n’auront bientôt plus besoin de se demander s’ils ouvrent ou ferment la porte, puisqu’il n’y aura presque plus personne en la demeure. Les plus lucides quitteront, eux aussi, les lieux pour fonder une nouvelle droite, fière de ses valeurs, qui corresponde davantage aux aspirations des Français : un grand nombre de leurs électeurs se sentent plus proches de Marine Le Pen que du Jupiter autoproclamé.

Le parti LR pourra alors fermer définitivement sa porte, comme on referme la dalle d’un tombeau.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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